Je commence ma p'tite galerie, alors........
Elle commencera par un voyage, un voyage...
Pour le bateau qui m'a emmenée si loin, si loin
Dans le brouillard de la ville, le bateau a levé l'ancre.
De nouveau a retenti la si triste mélodie. Lui s'est soulevé. Il s'est effacé, dans les nuages.
Bleues, ses fenêtres de verre se sont faites blanches, blanches.
Il a glissé, il s'est évaporé.
Il est parti.
Mes ailes sont revenues à l'instant de sa mort. Et j'ai regardé le ciel, le ciel blanc, le ciel blanc.
Je me suis envolée, dans le blanc, dans le blanc grisâtre du ciel, du ciel d'ouate. Je me suis envolée, pour rejoindre le bateau.
Le sol est seul témoin de son passage, le sol, la route, devant. Il a déraciné ses caves, emmené, dans son voyage, un peu de trottoir.
Et le brouillard m'a avalée, moi aussi. Blanc. Gris.
Fibres de nuages, enveloppée, je me suis perdue.
Plus de sol, de murs, de plafond : partout, ce coton froid, doux. Cheminée qui le nourrit, le crée, plus bas, plus bas, tellement plus bas...
De mes ailes, j'ai eu peur de heurter les toits, les cheminées.
Me voilà haut, tellement haut ! Mon vol se suspend, s'arrête.
Il fait froid. Il fait si froid. Des formes se meuvent, dans la brume, ombres blanches dans l'espace blanc. Êtres, figures, silhouettes. Vagues, grises.
De nouveau se découpe le bateau, de nouveau, bleu, vert, gris, pâle. Il flotte, se fait plus net. Plus net. Il nage dans cette brume infinie, infinie.
Sans étoiles.
Le bateau est sorti du brouillard, la route à ses côtés. Verre, métal, béton. Il est redevenu, il s'est figé, de nouveau.
Ciel blanc, le monde est réapparu.
Et je suis redescendue si bas, si bas.
Si bas, les ailes se sont fondues dans les nuages.
J'ai regardé, par la fenêtre, et j'ai vu le ciel, gris et blanc, gris et blanc.
Gris et blanc, et bleu, légèrement.
Et il a commencé à neiger.
Psychopsis, ou presque....
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- Nymphe des bois
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- Nymphe des bois
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Orange que l'on pèle, terre
terre orange, orange l'arbre
odeur de l'arbre atterré par la mer
mère nourricière terre de feu
orange la pomme, pathétique qui pointe
du pommeau de l'arbre l'orange
orange de sang qui suinte sciemment
des articulations, veines, rouge de l'orange
tranchée, écartelée par le couteau
orange du sang qui coule sciemment
chrysanthèmes qui mènent
même vers l'ami, la main orange
crise en thème majeur majestueux
des mages m'emmènent
même mer de terre
verre de l'orange écarlate tâte
à la hâte l'âtre orange
orange neige, gemmes
étêtent l'être, absorbent
la robe orange de l'écorce
et corse le café orange, ou Temps
Temps qui s 'écoule et coule
et cale la tempête orange
ange qui gémit, vomit
mine le mime, illumine
et grise et attise
l'hymne à la joie du Thérémine
illumine les doigts dans le noir
du son pur, dur, sur
suri
Orange l'antre de l'existence
Tance envers et contre tous
le décors en vers de la pomme
Orange.
***Ajout :***
Puis un autre, de cette après-midi; je pensais (entres autres....Jamais vous ne me verrez penser qu'à un seul truc en même temps ^^) à vous tous quand je l'ai écrit !
C'est toujours aussi nul; mais vous aviez qu'à pas lire (de froid) !
Silence lance l'idée
Délire verbal coloré, tâché
de sang vert, et contre tout
note en lac majeur,
silence des oiseaux
Sol mineur de la Terre
jaune le fa, d'aise
Note à Béné le bruit du vent
Vent d'anges de la Lutte Finale, rouges
Où gémit le poisson, la carpe
Eddy aime, et dit
« Fils, tue-le; la hauteur
n'importe qu'en tierce et roi.
S'élever, c'est tomber
S'étonner des éclairs »
Fou de Ramboule, vert
Vers l'Aisne, brille la Lune
De cuivre, de cors et de tubes.
terre orange, orange l'arbre
odeur de l'arbre atterré par la mer
mère nourricière terre de feu
orange la pomme, pathétique qui pointe
du pommeau de l'arbre l'orange
orange de sang qui suinte sciemment
des articulations, veines, rouge de l'orange
tranchée, écartelée par le couteau
orange du sang qui coule sciemment
chrysanthèmes qui mènent
même vers l'ami, la main orange
crise en thème majeur majestueux
des mages m'emmènent
même mer de terre
verre de l'orange écarlate tâte
à la hâte l'âtre orange
orange neige, gemmes
étêtent l'être, absorbent
la robe orange de l'écorce
et corse le café orange, ou Temps
Temps qui s 'écoule et coule
et cale la tempête orange
ange qui gémit, vomit
mine le mime, illumine
et grise et attise
l'hymne à la joie du Thérémine
illumine les doigts dans le noir
du son pur, dur, sur
suri
Orange l'antre de l'existence
Tance envers et contre tous
le décors en vers de la pomme
Orange.
***Ajout :***
Puis un autre, de cette après-midi; je pensais (entres autres....Jamais vous ne me verrez penser qu'à un seul truc en même temps ^^) à vous tous quand je l'ai écrit !
C'est toujours aussi nul; mais vous aviez qu'à pas lire (de froid) !
Silence lance l'idée
Délire verbal coloré, tâché
de sang vert, et contre tout
note en lac majeur,
silence des oiseaux
Sol mineur de la Terre
jaune le fa, d'aise
Note à Béné le bruit du vent
Vent d'anges de la Lutte Finale, rouges
Où gémit le poisson, la carpe
Eddy aime, et dit
« Fils, tue-le; la hauteur
n'importe qu'en tierce et roi.
S'élever, c'est tomber
S'étonner des éclairs »
Fou de Ramboule, vert
Vers l'Aisne, brille la Lune
De cuivre, de cors et de tubes.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
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- Nymphe des bois
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- Enregistré le : mar. mars 27, 2007 9:48 pm
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Il y a cinq minutes, j'ai décidé d'être nihiliste.
Une envie, une pulsion ? Voilà, je suis nihiliste. Que tout le monde le sache ! Ca y est, je l'ai dit. Message reçu !
Message reçu ? Non, je suis nihiliste ! Il n'y a dès lors plus personne autour de moi.
Plus personne ?..Si, il y a du monde ! Alors voilà, je vous le dis, je le suis.
« Pourquoi », me demandes-tu ? Et pourquoi « pourquoi » ? Aucune explication : plus rien n'existe, plus rien qu'un amas de chair et d'esprits sans but, sans explication. D'ailleurs, pourquoi parler ? Aucun intérêt. Je me tais?
Oui, j'ai l'heure: il est dix huit heures cinquante. Enfin... A présumer qu'il y ait une heure ! Voilà, il est 3h quelquepart sur Terre. Et dans l'espace, hein, vous y pensez à l'espace ? Le temps ne s'écoule plus pareil. Aucune importance : voilà maintenant sept minutes que je suis nihiliste. Enchantée !
Où suis-je ? Dans un obscur couloir, entre quatre murs. Les murs ! Aucune importance. Regarde-les, toi, le badaud ! Non, je ne t'insulte pas : j'espère bien connaître de meilleures insultes que « badaud ». Ces murs, hop ! Je les regarde, ils disparaissent. Et le sol ? Ca y est, j'ai emmené tout le monde à la mer. Vous ne les voyez pas, ces coquillages ? Non : normal, c'est la marée haute. Ça redescendra d'ici une heure. Les mouettes ! Non, j'aime pas les mouettes. Hop, dehors les mouettes ! Enfin, gommées. Ce que c'est bien d'être nihiliste !
D'ailleurs, pourquoi employer un mot, « nihiliste » ? aucune importance : artifice de la pensée. Je suis choucroute, voilà ! J'aime bien mieux ce mot !
Quoique, nihiliste... J'aime bien la rime, à l'intérieur du mot. Comme dans « choucroute », d'ailleurs. Sauf qu'autour de la choucroute, on a des boyaux remplis d'une substance bizarre et relativement immonde. Des saucisses, on appelle ça. Moi, je n'ai pas de saucisses, autour de moi ! Ni de lard fumé, d'ailleurs. Ça tombe bien, j'ai horreur de ça. Vous voyez ? La marée redescend ! Si : on voit une étoile de mer !
Je vais lui toucher deux mots.
Elle me parle de Paris; elle me dit que le quartier latin lui manque. Elle a fait ses études là-bas ! Mais la voilà devenue simple étoile de mer : « besoin de faire le vide », qu'elle me dit. Mon métro arrive : je la salue bien, puis y monte. Tiens, j'ai oublié de lui demander ce qu'elle avait étudié là-bas : j'ai un excellent ami qui va y étudier la philosophie, un jour !
Le quai s'en va, vers son implacable destinée. Il n'a pas l'air d'aimer la mer : alors, avant de partir définitivement, je la bouge un peu plus loin. Il sera tranquille !
Je suis dans un gros boyau. Finalement, peut-être que je suis réellement devenue choucroute, et voilà la vengeance des saucisses ! Oh, ça va, les filles: vous êtes des saucisses sympas ! Et, entre saucisses et choucroutes nihilistes, tout ne peut qu'aller, non ?
Non...Vraiment pas aimable, ce tunnel ! Voilà qu'il me recrache sur un autre quai, que je laisse, lui aussi, partir: petit quai, reprends ta liberté !
Dix-neuf heures : voilà 10 minutes que je suis nihiliste.
Réfléchissons un peu : cette nouvelle vocation mérite au-moins qu'on s'y attarde. Nihiliste, ni maître. 9 lettres. Le N est orange, le I est rouge, le H est violet foncé. Beurk ! Le L est bleu-vert; on pourrait croire que ça tranche; mais, en fait, c'est plutôt joli. Quand au E, il est jaune. Nihiliste, ça fait un joli perroquet, finalement. Comme j'en avais vu une fois, au marché aux oiseaux : il s'était barré de sa cage, qu'il avait ouverte avec ses petites pattes. Graine d'anarchiste ! Il avait fait un petit tour dessus, sous le regard amusé des quémandeurs de croquettes. Ceux sur deux pattes, avec des chaussures; ils avaient alors laissé leurs fourrures domestiques respectives chez eux. Puis il a demandé une cigarette aux curieux; mais, comme personne ne parlait le perroquet, il s'est laissé enfermer de nouveau. Je ne sais pas quel crime il avait commis, mais il a du prendre pour perpétuité. Détournement de fonds, peut-être; il avait du m'évoquer deux mots à ce sujet. Mais, comme je l'ai dit, on n'a que très peu parlé.
Bref, me voilà toujours dans le métro, à réfléchir à ma condition de nihiliste. J'aurais du en parler avec l'étoile de mer, tiens. Elle était gentille comme tout ! Pas comme cet affreux tunnel, après. En voilà un autre : je le connais bien, lui, c'est un copain. Je le vois presque tous les jours; toutes les semaines, en tout cas. Au-dessus de sa caboche, il y a une espèce de correspondance avec une autre ligne; parfois, je croise un autre métro, tout en haut. Mais on n'a jamais le temps d'apprendre à se connaître. De toute façon, en ai-je vraiment envie ? Il a la réputation d'être hargneux, voire agressif. Et c'est un dragueur ! Hop, Chatelet, tout le monde descend, tous les autres montent. Gare de l'est, gare du nord, idem. Je ne suis pas du genre à me laisser draguer par un métro, moi, madame !
Malheureusement, je me prépare à entamer une rupture sentimentale avec celui-là même dans lequel je me trouve actuellement. Non, ne pleure pas, t'es un métro mignon, puis tu es sympa, et t'es pas con. Tu en retrouveras d'autres ! Nous deux, c'était une bêtise. Puis je le quitte, et évite de le regarder pour ne pas le voir pleurer. Voilà ce que c'est, d'être nihiliste : on s'accroche à vous comme la vérole sur le bas clergé breton, et ce d'autant plus que vous êtes détaché des choses. L'amour ? A quoi bon ! Encore un sentiment inutile, ça, l'amour ! Je me rappelle d'un ex à moi, un rubik's cube. On s'était rencontrés à une soirée; un ami commun nous avait présentés : lui, petit cube noir (j'adore les petits cubes noirs !), et moi; le courant était passé tout de suite. J'ai passé la soirée à le reconstituer : il avait été démoli par je ne sais quelle rencontre imprévue, ce genre d'évènements qui peut briser une vie tout entière. Il en était tout retourné, le pauvre ! Bon, notre idylle avait tourné court : sitôt remis, il était allé rejoindre son premier amour, une espèce de grande andouille; je me demande ce qu'il pouvait bien lui trouver. Je crois qu'ils sont toujours ensemble à l'heure actuelle. Enfin, il fait office de cube au foyer : aucun avenir, aucune volonté. Nihiliste, lui aussi ? Me demande la porte de l'ascenseur. Pas bête, cette porte ! Effectivement, je n'avais pas vu les choses sous cet angle. Je penche un peu la tête vers la gauche : c'est exactement ça ! Tout est point de vue. A peine ai-je mis ma main devant mon visage, je vois mes doigts. Je la rapproche : je ne vois plus rien. Essaye-je encore un peu de la rapprocher, j'ai très mal aux yeux. Je dois en retirer ma main. Très douloureux. La douleur est-elle une composante du nihilisme ? La porte me dit que oui; mais je pense qu'elle n'est pas très calée sur ce sujet précis. La douleur, je crois que ça la dépasse un peu : elle est solide; c'est une porte en acier, à l'ancienne. Comme la moutarde. Mais sans les grains. Je n'ai pas essayé d'y goûter, mais je crois qu'elle serait excellente avec de la laitue. La porte n'approuve pas totalement mon idée : d'aucuns s'y seraient déjà cassé les dents. Et le nez, à l'occasion.
Déjà vingt minutes que je suis nihiliste ! A tendance gérontomoutardophile. Les rencontres que j'ai pu faire récemment m'enrichissent tellement ! Me voilà dans l'ascenseur, et quelqu'un me regarde. Je suis sûre que je la connais...J'ai déjà du la voir quelquepart. Ah oui ! Elle était dans le tunnel, de l'autre côté de la vitre. Elle me regarde fixement. Copieuse ! Elle a la même coupe de cheveux que moi. Mais ce n'est pas moi : je n'ai pas cet air abruti. L'ascenseur nous libère, j'emprunte le couloir pour ma correspondance.
Et puis, pourquoi prendre cet itinéraire-là ? Tous les chemins mènent à Rome; moi, je vais à Anvers. A l'endroit. Il me suffira alors de prendre une rame sans queue ni tête, et j'y serai : c'est sur la même ligne !
Tiens, je me souviens : j'ai cru entendre que les nihilistes devaient mépriser l'espèce humaine tout entière. Je salue donc bien bas la poubelle. Ah, ce n'est pas un humain : c'est une méprise, excusez-moi. Je lui dessine un tutu pour me faire pardonner. A elle d'en choisir la couleur. Je ne tiens pas à me disputer avec une poubelle : nihiliste, certes; mais j'ai mes fondamentaux.
Qui vais-je donc bien pouvoir mépriser ? Je répertorie, dans ma caboche, les andouilles qui ont pu, à l'occasion, faire de par l'énervement augmenter mon rythme cardiaque. Il y a bien celui qui vient me raconter régulièrement sa vie, mais une table, de ses amies, a récemment eu un accident. Je ne le mépriserai donc point; il aura ma grâce. Il y a aussi le guignol qui parle tous les soirs à la télé; mais il s'avère que j'eus autrefois maintes occasions de le mépriser, et ce sans pour autant être nihiliste. Trop tard, quoi.
Je m'invente un grizzli, là, à mes côtés, en attendant ma correspondance. C'est accompagné du commandant Cousteau qu'il arrive; tant mieux : plus on est de fou, plus on rit. Il a apporté sa montagne avec lui; mais j'eus préféré qu'il la laissât chez lui : trop encombrante. Il y tient, me dit-il. Bah, pourquoi pas ? Un peu d'air frais me fera du bien.
L'air frais ne tarde pas, mais il fait un bruit de crissements atroce. L'ours, qui en a pourtant vu d'autres, se met à râler. Et ça en fait, du bruit, un grizzli qui rouspète ! Tiens, le métro en a profité pour arriver. Et moi pour réfléchir : à quoi bon les mots ? Tout serait tellement plus simple si, à la place d'une lettre, on levait un doigt ! Vingt-six lettres, et vingt doigts. Certes, cela nous forcerait à piétonner en tongs. Mais cela nous ferait le plus grand bien ! Proust-sur-orteils, quelle dimension extraordinaire cela prendrait-il ! Ah, la ponctuation... On pourrait tirer la langue pour un point. Sauter pour un point d'exclamation. Se gratter la tête pour un point d'interrogation. Et pour un tiret ? Point d'interrogation, ni d'exclamation : l'on sourirait alors. A quoi pensent-ils donc, à l'Académie ? Au diable les lettres ! Le grizzli, qui en avait marre d'en être un, se meut en vache. Et j'arrive à Rome.
Bref, me voilà donc nihiliste depuis un certain temps, voire même depuis un temps certain. Rejetant, en bloc, toute création humaine, et même toute chose dans l'Univers, je rejette donc la notion même de nihilisme. Ou de choucroute. Non ! Libérez les choucroutes !
Et c'est ainsi que, après toute une vie -une heure est une vie, pour certains papillons et quelques ministres- passée à être nihiliste, je me remets, telle la poule (car c'est la poule qui philosophe), en question. D'où suis-je, d'où viens-je, que fais-je, qu'est-ce qu'on mange ce soir ?
C'est alors en post-nihiliste que j'arrive donc devant chez moi. Enfin, chez moi... Devant une porte semblant, de par son aspect et sa localisation, familière à mon esprit.
C'est alors que, entreprenant d'en déterminer les facteurs de reconnaissance de par mon subconscient, me vient la question fondamentale, celle-là même que l'étoile de mer, le grizzli, la porte d'ascenseur, et Descartes même, ont omis de se poser; cette question si individuelle, et pourtant si commune à l'humanité tout entière...Cette simple question :
Mais qu'est-ce que j'ai fait de mes clés ?
Une envie, une pulsion ? Voilà, je suis nihiliste. Que tout le monde le sache ! Ca y est, je l'ai dit. Message reçu !
Message reçu ? Non, je suis nihiliste ! Il n'y a dès lors plus personne autour de moi.
Plus personne ?..Si, il y a du monde ! Alors voilà, je vous le dis, je le suis.
« Pourquoi », me demandes-tu ? Et pourquoi « pourquoi » ? Aucune explication : plus rien n'existe, plus rien qu'un amas de chair et d'esprits sans but, sans explication. D'ailleurs, pourquoi parler ? Aucun intérêt. Je me tais?
Oui, j'ai l'heure: il est dix huit heures cinquante. Enfin... A présumer qu'il y ait une heure ! Voilà, il est 3h quelquepart sur Terre. Et dans l'espace, hein, vous y pensez à l'espace ? Le temps ne s'écoule plus pareil. Aucune importance : voilà maintenant sept minutes que je suis nihiliste. Enchantée !
Où suis-je ? Dans un obscur couloir, entre quatre murs. Les murs ! Aucune importance. Regarde-les, toi, le badaud ! Non, je ne t'insulte pas : j'espère bien connaître de meilleures insultes que « badaud ». Ces murs, hop ! Je les regarde, ils disparaissent. Et le sol ? Ca y est, j'ai emmené tout le monde à la mer. Vous ne les voyez pas, ces coquillages ? Non : normal, c'est la marée haute. Ça redescendra d'ici une heure. Les mouettes ! Non, j'aime pas les mouettes. Hop, dehors les mouettes ! Enfin, gommées. Ce que c'est bien d'être nihiliste !
D'ailleurs, pourquoi employer un mot, « nihiliste » ? aucune importance : artifice de la pensée. Je suis choucroute, voilà ! J'aime bien mieux ce mot !
Quoique, nihiliste... J'aime bien la rime, à l'intérieur du mot. Comme dans « choucroute », d'ailleurs. Sauf qu'autour de la choucroute, on a des boyaux remplis d'une substance bizarre et relativement immonde. Des saucisses, on appelle ça. Moi, je n'ai pas de saucisses, autour de moi ! Ni de lard fumé, d'ailleurs. Ça tombe bien, j'ai horreur de ça. Vous voyez ? La marée redescend ! Si : on voit une étoile de mer !
Je vais lui toucher deux mots.
Elle me parle de Paris; elle me dit que le quartier latin lui manque. Elle a fait ses études là-bas ! Mais la voilà devenue simple étoile de mer : « besoin de faire le vide », qu'elle me dit. Mon métro arrive : je la salue bien, puis y monte. Tiens, j'ai oublié de lui demander ce qu'elle avait étudié là-bas : j'ai un excellent ami qui va y étudier la philosophie, un jour !
Le quai s'en va, vers son implacable destinée. Il n'a pas l'air d'aimer la mer : alors, avant de partir définitivement, je la bouge un peu plus loin. Il sera tranquille !
Je suis dans un gros boyau. Finalement, peut-être que je suis réellement devenue choucroute, et voilà la vengeance des saucisses ! Oh, ça va, les filles: vous êtes des saucisses sympas ! Et, entre saucisses et choucroutes nihilistes, tout ne peut qu'aller, non ?
Non...Vraiment pas aimable, ce tunnel ! Voilà qu'il me recrache sur un autre quai, que je laisse, lui aussi, partir: petit quai, reprends ta liberté !
Dix-neuf heures : voilà 10 minutes que je suis nihiliste.
Réfléchissons un peu : cette nouvelle vocation mérite au-moins qu'on s'y attarde. Nihiliste, ni maître. 9 lettres. Le N est orange, le I est rouge, le H est violet foncé. Beurk ! Le L est bleu-vert; on pourrait croire que ça tranche; mais, en fait, c'est plutôt joli. Quand au E, il est jaune. Nihiliste, ça fait un joli perroquet, finalement. Comme j'en avais vu une fois, au marché aux oiseaux : il s'était barré de sa cage, qu'il avait ouverte avec ses petites pattes. Graine d'anarchiste ! Il avait fait un petit tour dessus, sous le regard amusé des quémandeurs de croquettes. Ceux sur deux pattes, avec des chaussures; ils avaient alors laissé leurs fourrures domestiques respectives chez eux. Puis il a demandé une cigarette aux curieux; mais, comme personne ne parlait le perroquet, il s'est laissé enfermer de nouveau. Je ne sais pas quel crime il avait commis, mais il a du prendre pour perpétuité. Détournement de fonds, peut-être; il avait du m'évoquer deux mots à ce sujet. Mais, comme je l'ai dit, on n'a que très peu parlé.
Bref, me voilà toujours dans le métro, à réfléchir à ma condition de nihiliste. J'aurais du en parler avec l'étoile de mer, tiens. Elle était gentille comme tout ! Pas comme cet affreux tunnel, après. En voilà un autre : je le connais bien, lui, c'est un copain. Je le vois presque tous les jours; toutes les semaines, en tout cas. Au-dessus de sa caboche, il y a une espèce de correspondance avec une autre ligne; parfois, je croise un autre métro, tout en haut. Mais on n'a jamais le temps d'apprendre à se connaître. De toute façon, en ai-je vraiment envie ? Il a la réputation d'être hargneux, voire agressif. Et c'est un dragueur ! Hop, Chatelet, tout le monde descend, tous les autres montent. Gare de l'est, gare du nord, idem. Je ne suis pas du genre à me laisser draguer par un métro, moi, madame !
Malheureusement, je me prépare à entamer une rupture sentimentale avec celui-là même dans lequel je me trouve actuellement. Non, ne pleure pas, t'es un métro mignon, puis tu es sympa, et t'es pas con. Tu en retrouveras d'autres ! Nous deux, c'était une bêtise. Puis je le quitte, et évite de le regarder pour ne pas le voir pleurer. Voilà ce que c'est, d'être nihiliste : on s'accroche à vous comme la vérole sur le bas clergé breton, et ce d'autant plus que vous êtes détaché des choses. L'amour ? A quoi bon ! Encore un sentiment inutile, ça, l'amour ! Je me rappelle d'un ex à moi, un rubik's cube. On s'était rencontrés à une soirée; un ami commun nous avait présentés : lui, petit cube noir (j'adore les petits cubes noirs !), et moi; le courant était passé tout de suite. J'ai passé la soirée à le reconstituer : il avait été démoli par je ne sais quelle rencontre imprévue, ce genre d'évènements qui peut briser une vie tout entière. Il en était tout retourné, le pauvre ! Bon, notre idylle avait tourné court : sitôt remis, il était allé rejoindre son premier amour, une espèce de grande andouille; je me demande ce qu'il pouvait bien lui trouver. Je crois qu'ils sont toujours ensemble à l'heure actuelle. Enfin, il fait office de cube au foyer : aucun avenir, aucune volonté. Nihiliste, lui aussi ? Me demande la porte de l'ascenseur. Pas bête, cette porte ! Effectivement, je n'avais pas vu les choses sous cet angle. Je penche un peu la tête vers la gauche : c'est exactement ça ! Tout est point de vue. A peine ai-je mis ma main devant mon visage, je vois mes doigts. Je la rapproche : je ne vois plus rien. Essaye-je encore un peu de la rapprocher, j'ai très mal aux yeux. Je dois en retirer ma main. Très douloureux. La douleur est-elle une composante du nihilisme ? La porte me dit que oui; mais je pense qu'elle n'est pas très calée sur ce sujet précis. La douleur, je crois que ça la dépasse un peu : elle est solide; c'est une porte en acier, à l'ancienne. Comme la moutarde. Mais sans les grains. Je n'ai pas essayé d'y goûter, mais je crois qu'elle serait excellente avec de la laitue. La porte n'approuve pas totalement mon idée : d'aucuns s'y seraient déjà cassé les dents. Et le nez, à l'occasion.
Déjà vingt minutes que je suis nihiliste ! A tendance gérontomoutardophile. Les rencontres que j'ai pu faire récemment m'enrichissent tellement ! Me voilà dans l'ascenseur, et quelqu'un me regarde. Je suis sûre que je la connais...J'ai déjà du la voir quelquepart. Ah oui ! Elle était dans le tunnel, de l'autre côté de la vitre. Elle me regarde fixement. Copieuse ! Elle a la même coupe de cheveux que moi. Mais ce n'est pas moi : je n'ai pas cet air abruti. L'ascenseur nous libère, j'emprunte le couloir pour ma correspondance.
Et puis, pourquoi prendre cet itinéraire-là ? Tous les chemins mènent à Rome; moi, je vais à Anvers. A l'endroit. Il me suffira alors de prendre une rame sans queue ni tête, et j'y serai : c'est sur la même ligne !
Tiens, je me souviens : j'ai cru entendre que les nihilistes devaient mépriser l'espèce humaine tout entière. Je salue donc bien bas la poubelle. Ah, ce n'est pas un humain : c'est une méprise, excusez-moi. Je lui dessine un tutu pour me faire pardonner. A elle d'en choisir la couleur. Je ne tiens pas à me disputer avec une poubelle : nihiliste, certes; mais j'ai mes fondamentaux.
Qui vais-je donc bien pouvoir mépriser ? Je répertorie, dans ma caboche, les andouilles qui ont pu, à l'occasion, faire de par l'énervement augmenter mon rythme cardiaque. Il y a bien celui qui vient me raconter régulièrement sa vie, mais une table, de ses amies, a récemment eu un accident. Je ne le mépriserai donc point; il aura ma grâce. Il y a aussi le guignol qui parle tous les soirs à la télé; mais il s'avère que j'eus autrefois maintes occasions de le mépriser, et ce sans pour autant être nihiliste. Trop tard, quoi.
Je m'invente un grizzli, là, à mes côtés, en attendant ma correspondance. C'est accompagné du commandant Cousteau qu'il arrive; tant mieux : plus on est de fou, plus on rit. Il a apporté sa montagne avec lui; mais j'eus préféré qu'il la laissât chez lui : trop encombrante. Il y tient, me dit-il. Bah, pourquoi pas ? Un peu d'air frais me fera du bien.
L'air frais ne tarde pas, mais il fait un bruit de crissements atroce. L'ours, qui en a pourtant vu d'autres, se met à râler. Et ça en fait, du bruit, un grizzli qui rouspète ! Tiens, le métro en a profité pour arriver. Et moi pour réfléchir : à quoi bon les mots ? Tout serait tellement plus simple si, à la place d'une lettre, on levait un doigt ! Vingt-six lettres, et vingt doigts. Certes, cela nous forcerait à piétonner en tongs. Mais cela nous ferait le plus grand bien ! Proust-sur-orteils, quelle dimension extraordinaire cela prendrait-il ! Ah, la ponctuation... On pourrait tirer la langue pour un point. Sauter pour un point d'exclamation. Se gratter la tête pour un point d'interrogation. Et pour un tiret ? Point d'interrogation, ni d'exclamation : l'on sourirait alors. A quoi pensent-ils donc, à l'Académie ? Au diable les lettres ! Le grizzli, qui en avait marre d'en être un, se meut en vache. Et j'arrive à Rome.
Bref, me voilà donc nihiliste depuis un certain temps, voire même depuis un temps certain. Rejetant, en bloc, toute création humaine, et même toute chose dans l'Univers, je rejette donc la notion même de nihilisme. Ou de choucroute. Non ! Libérez les choucroutes !
Et c'est ainsi que, après toute une vie -une heure est une vie, pour certains papillons et quelques ministres- passée à être nihiliste, je me remets, telle la poule (car c'est la poule qui philosophe), en question. D'où suis-je, d'où viens-je, que fais-je, qu'est-ce qu'on mange ce soir ?
C'est alors en post-nihiliste que j'arrive donc devant chez moi. Enfin, chez moi... Devant une porte semblant, de par son aspect et sa localisation, familière à mon esprit.
C'est alors que, entreprenant d'en déterminer les facteurs de reconnaissance de par mon subconscient, me vient la question fondamentale, celle-là même que l'étoile de mer, le grizzli, la porte d'ascenseur, et Descartes même, ont omis de se poser; cette question si individuelle, et pourtant si commune à l'humanité tout entière...Cette simple question :
Mais qu'est-ce que j'ai fait de mes clés ?
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.