Roger-Pol Droit

Quels sont les écrivains et les romans qui vous font voyager ? Partagez avec nous vos lectures préférées.

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cillbq
Soldate farouche
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Roger-Pol Droit

Message par cillbq »

Roger-Pol Droit est philosophe, chercheur au CNRS et journaliste au Monde et au Point.

Pour le moment, je n'ai lu qu'un livre de lui, mais j'en ai un autre en commande.

Un si léger cauchemar ( sous titré, peut-on sauver le monde en 50 épisodes) :

Les 50 épisodes sont indépendants, ça ressemble à des courtes nouvelles, comme je les aime, 4 ou 5 pages maximum, et vous pouvez les lire dans l'ordre que vous le voulez, sans perdre le fil de l'histoire, mais je vous recommande de lire les 5 derniers, à la fin, et l'un à la suite de l'autre...


Présentation de l'éditeur

Avez-vous déjà été victime d'un voleur de plafonds ?
Savez-vous au juste quand les pommes
ont définitivement disparu ? Et pourquoi
l'heure exacte s'est évanouie ?
Connaissez-vous la vie secrète de Che Guevara en Finlande ? Et les effets secondaires du gel à fixer le temps ?
Sans doute pas, mais c'est déjà trop tard. Vous avez pris ce livre en main, vous l'avez retourné, vous allez plonger dans un allègre cauchemar à découvrir en 50 épisodes. D'un récit à l'autre, des personnages s'entrecroisent, des questions surgissent, quelques crevettes également. Entre fous rires et tremblements.
Roger-Pol Droit invente ici un univers inattendu, désopilant et déglingué, inquiétant et poétique, quelque part entre polar, conte philosophique et science-fiction. Inclassable et jubilatoire.

J'ai choisi de jouer au moine copiste et de vous recopier 2 récits, pour vous montrer l'humour un peu décalé de l'auteur, je dédie le premier à une fourmi, qui ne manque pas d'humour (j'ai immédiatement pensé à elle, quand je l'ai lu...)
Les récits sont indépendants les des autres, mais il y a des références de certains, dans d'autres, l'auteur s'est amusé à faire une sorte de puzzle, en dispersant des indices tout au long des 45 premiers récits, et nous explique tout ça sous forme de révélation des conclusions d'une enquête, dans les 5 derniers récits.
Le lecteur est à la fois témoins de ce qui se passe et complice du narrateur ( comme si il était à ses côtés durant l'enquête..)

Des idées neuves

Les pompes funèbres, à la longue, lassent parfois. Jean-Pierre Darbon s'en aperçut, malgré les revenus confortables que lui procurait la Thanatos Unlimited. Il plaisantait de plus en plus rarement. De longues heures passaient sans qu'il ait le sentiment d'une activité véritable. Une profonde tristesse s'emparait fréquemment de son âme. Il eut l'impression de commencer à perdre goût à la vie.
Ses amis ne le reconnaissaient plus. Lui naguère boute-en-train, toujours le mot pour rire, aux limites de la vulgarité plus souvent qu'à son tour, n'était que l'ombre de lui même, on pouvait le dire. Avant qu'il ne sombrât tout à fait, il fallait réagir, lui trouver une autre voie.
Maître Grave, le notaire d'Angoulême, suggéra une opportunité. Pourquoi ne pas acheter quelques commerces de farces et attrapes ? C'était un marché captif, une niche sûre. Une petite fabrique était d'ailleur à vendre dans la région, qui permettait de maîtriser la filière. Ce serait une bonne diversification pour l'entreprise, et une activité plus inventive pour son président.
Darbon fut sensible à l'argument. Il fit étudier la question. Les ventes, dans ce secteur étaient en chute libre. Et la gamme des articles ne l'enthousiasmait pas vraiment. Bonbons au poivre, fausse taches de vin, coussins péteurs, poil à gratter, cuillère qui fond, araignées artificielles, tous ces classiques ne parvenaient pas à lui ouvrir, réellement, de nouveaux horizons.
Il fallait trouver autre chose.
Son coup de génie fut de combiner amusement et utilité. Il avait remarqué que plus personne n'avait de houlette, alors que d'innombrables réunion ou missions se tenaient encore sous la houlette de tel ou tel dirigeant. Il en allait de même pour les égides, qui continuaient à être mentionnées un peu partout, bien qu'on n'en trouvât plus nulle part.
Location de houlettes et d'égides en tous genres et pour toutes occasions. Ce fut le point de départ. S'y joignirent vite quelque férules, qui furent trés demandées. A partir de là, il suffisait d'étendre la gamme et de diversifier. Il ajouta notamment des gourmes (à jeter), des petites bêtes (à chercher), des pieds (à prendre), et un superbe modèle de cuillère à pot, disponible, au choix, en deux coups ou en trois coups.
La suite ne fut qu'une question de diversification. Il ajouta encore à son catalogue des fagots (pour prendre quelques chose derrière), un pouce (pour manger dessus), ainsi que divers produits tels que bon aloi, bonne franquette, bon augure, bon pied bon oeil, sans oublier un choix exclusif de belles lurettes.
A sa surprise, le succès fut immédiat. Un bureau de recherches sr mit au travail pour assurer la suite. Jean-Pierre allait mieux.

J'offre un verre au bar des termittes oubliées, à qui me dit le pseudo de la fourmi que je verrais bien, à la place de Jean Pierre...


Une vente exceptionnelle

Dans la salle, beaucoup d'écrivains âgés. Quelques-uns plus jeunes, venus peut-être par curiosité. Des avocats également. Plusieurs greffiers, quelques archivistes. Des antiquaires, évidemment. Ils sont venus, car la vente est exceptionnelle. L'événement était annoncé de longue date. L'exposition a tenu les promesses du catalogue, et même plus. Personne ne veut manquer l'extraordinaire rareté qui constitue le clou des enchères.
Le commissaire-priseur en a prévu la vente seulement en toute fin de séance. Chacun le sait. Tous sont pourtant là dès l'ouverture. Pour ne rien manquer. Il est vrai que les lots dispersés sont de qualité.
Les premières adjudications furent intéressantes, mais sans plus. Un stylo de Gide, une punaise de Léautaud, un élastique ayant appartenu à Jouhandeau, trouvérent rapidement preneurs, sans susciter d'entousiasme.
A mesure, la tension commença à monter.
Une virgule ayant servi à Voltaire fut finalement adjugée au-dessus des plus fortes estimations. A partir de là, le crescendo fut rapide. Des guillemets de Beaumarchais, une parenthése de Proust, un trait d'union de Balzac, une série de point de suspension de Stendhal se virent âprement disputés.
L'atmosphère devint électrique quand on en vint aux pièces uniques. Une majuscule de Montaigne, ne figurant pas dans les Essais, remporta un vif siccès. Une véritable bataille se livra entre deux académiciens pour une apostrophe attribuée à Shakespeare. Le record fut atteint par un accent circonflexe ayant appartenu successivement - hazard à peine croyable - à Diderot, Sade et Barrès.
Bien des merveilles, en quelques dizaines de minutes, trouvèrent acquéreurs à des prix faramineux. L'excitation était à son comble quand fut présentée cette chose extraordinaire pour laquelle tous étaient venus.
Il s'agissait d'un point final. De toute beauté : définitif, anonyme, sans appel, et n'ayant jamais servi. D'une impeccable facture : dense, noir, parfaitement circulaire. On aurait dit qu'il était neuf. Luisant, bien découpé, prêt à clore une oeuvre à la première demande.
Tous les regards étaient rivés sur lui.Les vieux écrivains en rêvaient depuis longtemps. Ils le redoutaient aussi, évidemment, mais chérissaient en secret le signe ultime qui pourrait enfin mettre un terme à leur oeuvre, cause d'autant de tourments que de joies. Les jeunes espéraient que le peu qu'ils aient écrit prendrait une nouvelle valeur, une sorte de densité tragique, si un point final s'y inscrivait déjà.
En fait, aucun d'entre eux n'avait encore jamais vu un tel point. C'est pourquoi, sans doute, ils le dévoraient des yeux, avec une sorte d'avidité muette.
Au moment d'ouvrir les enchères, le commissaire-priseur fut surpris de voir l'un des écrivains les plus âgés se lever, et quitter la salle à pas lents. En quelques instants, tous en firent autant, sans un mot. Le vendeur se retrouva avec son point final. Personne n'en voulait.
Ni juger, ni haïr, mais comprendre.

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