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103e s'est émerveillée du côté artistique de l'Homme. Qu'en est-il du vôtre ? Faites partager vos oeuvres, écrites, visuelles ou auditives. <br /><font color="red">/!\Attention !/!\</font> Veillez à ne poster que vos propres créations. Lire le topic sur les droits d'auteur avant tout.

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Igliros
Ouvrière baroudeuse
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Enregistré le : dim. août 07, 2005 8:15 am
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Message par Igliros »

ET LA MERE DEVIENT LE PAIR...

1ERE PARTIE : RENCONTRES...


Bruits de pneus. Crissements sur le bitume. Que se passe-t-il...
Je suis enfermée. Noir. Je suis seule. J'ai peur. Seul le bruit de ma respiration haletante retentit à mes oreilles. Que se passe-t-il ? Je ne sais pas. J'ai peur. J'attends. Où suis-je ? Pas de réponse... Puis, soudain, bruits de pas. Je me relève. Une terreur immense m'envahit. Que se passe-t-il ? J'entends une porte qui s'ouvre, grince. Une lumière éclatante m'éblouit. Je me voile les yeux, retire ma main. Je m'habitue peu à peu à cette luminosité. Une porte s'est dessinée devant moi. Je sors, prudemment. Rien, personne. Je tremble, j'ai froid. Mais ce n'est pas un froid naturel, ça me touche au plus profond de mon être, ça me prend mes tripes et mon âme. Frissons. Je fais quelques pas hors de ma cage. Il n'y a rien. Que des murs blancs. Et une caisse. Désespérée, je me dis décide de l'ouvrir, c'est bien la dernière chose qu'il me reste à faire. Je m'avance, m'agenouille. Il y a un mécanisme, un bouton dans le fer de la boîte. J'appuie, recule aussitôt. Un pantin surgit. Je hurle, tombe, me cogne la tête. Je m'évanouis. Un rire démentiel résonne à mes oreilles. Je sombre...
Je me réveille. Je suis enfermée. Je suis dans le noir. Bruits de pas. La porte s'ouvre. Impression de déjà-vu. Lumière. Je sors. Une porte en bois, devant moi. Je l'ouvre.
Derrière, un couloir blanc, et portes à perte de vue. Je cours, tout droit, ne m'arrête jamais. Je cours...
Je me réveille. Je suis dans une salle d'opération. Je vois les masques de chirurgiens qui m'entourent. Comment suis-je arrivée là ? Une voix, étouffée par le masque : "Elle se
réveille." Je sens une aiguille qui rentre dans mon bras. Souvenirs de cette douce héroïne... Mon corps devient mou. Je me sens planer...
Je me réveille. Une forêt. Cinq chemins s'offrent à moi. Où peuvent-ils mener ? Je ne sais. J'emprunte celui qui est le plus à ma gauche. C'est sombre. Les arbres cachent le ciel, il ne subsiste que quelques parcelles de lumière. Bruits, tout autour de moi. J'ai peur. Je me mets à courir. Quelque chose effleure mon visage. Le couloir touche à sa fin. Il n'y a rien. Tiens, si, il y a une porte à ma droite. Je n'avais pas vu... Je l'ouvre, ou plutôt, tente de l'ouvrir. Elle est fermée à clef. J'entends des pas. Ce bruit me terrifie, d'autant plus qu'il est amplifié par l'exiguïté du couloir. Je donne des coups sur la porte. Les pas se rapprochent. Découragée, je me jette de toutes mes forces sur la porte.
Elle finit par céder. Horreur. Devant moi se tient un épouvantail. Il est habillé de loques, et porte de longues cisailles à chacun de ses membres. Je hurle, fait marche arrière.
Mais les bruits de pas sont encore là. Je me retourne vers l'épouvantail. Il avance vers moi. NON !!! Ma tête tombe.
Lisa... Je m'appelle Lisa. J'ai vingt-quatre ans. Je suis dessinatrice. Il fait noir. Je suis enfermée. Je compte les minutes. Voilà trois heures que je suis là. On a dû m'enlever... Je
frissonne à cette idée terrifiante. Mais quelqu'un s'apercevra bien de ma disparition. Mes derniers souvenirs remontent à ce matin. Je marchais dans la rue. Et, plus rien... Le sommeil me prend. J'essaie de lutter, mais n'y parviens pas. Je m'endors.
Je suis dans une immensité grise. C'est du brouillard. Qu'est ce que je fais ici ? N'ayant pas de réponse, je décide de marcher. J'ai faim. Au fur et à mesure de ma déambulation, je remarque des ruines. Elles m'entourent. Il y a des bâtiments détruits, en feu. Je tremble, de peur. Que faire ? Je décide de m'asseoir, et d'attendre un miracle...
"Je m'appelle Lisa, Lisa, Lisa..." Je deviens folle. Rien de nouveau. Je m'appelle Lisa, j'ai vingt-quatre ans. Après-demain, c'est mon anniversaire. Mon anniversaire... Mon
anni...
On me secoue. J'ouvre les yeux. C'est un type, à l'air patibulaire. Il me dit quelques mots, mais je ne comprends pas tout de suite. "Vous êtes vivante ?" Je hoche la tête. "Je vous avais cru morts, comme tous ces gens autour de nous." Je tourne la tête. Des cadavres, partout. Je vomis, perds connaissance.
La première chose que je vois, c'est une tête. Un garçon, pas plus de quinze ans. Aussitôt, il disparaît, et le son de sa voix me parvient : "Elle se réveille." Un deuxième visage
se place devant moi. Le même gars que tout à l'heure. "Ça va mieux madame ?" "Mademoiselle...", je murmure. "Ouais, mademoiselle, excusez moi." Je regarde autour de
moi, croyant de nouveau rencontrer le regard des morts. Mais non, il y a juste le garçon, adossé à un muret, et plus loin, une jeune fille, d'environ huit ans. Elle mange une sucette. Une main me relève. "Je m'appelle John. Lui, c'est Alexis. Et la petite là-bas, c'est Altronia." "Altronia... Où on est ?" "Je vous avoue que j'allais vous poser la même question. Voilà
trois jours qu'on marche sans cesse, sans rien trouver d'autre que des ruines, et des cadavres." Je me lève, m'époussette, et me ressaisis. "Je m'appelle Lisa. Je suis dessinatrice." "Enchanté." John me tend la main. C'est une grosse main, une main de travailleur, usé et rugueuse. Je la sers. "Nous voilà quatre à présent..." Le garçon, Alexis, vient me voir, me sers également la main. "Je m'appelle Alexis, j'ai seize ans." "Moi, c'est Lisa." Il me sourit. J'en fais de même. Il est petit, athlétique, les cheveux noirs. Il continue de me sourire, quand soudain, quelque chose tord son visage. Il se dégage, part en arrière. Je suis hébétée. "Qu'est ce que..." John se place devant moi. "Il est particulier. Nous sommes tous particuliers. Je vous expliquerai." "D'accord... Puis-je aller voir la petite ?" "Oui... Mais ne regardez pas ses yeux. Et ne vous étonnez pas si elle les garde fermés..." La curiosité piquée, je vais la voir. "Bonjour..." Je m'arrête alors sur place, clouée. Ces yeux... Je me perds, me noie. "Bonjour !" Et cette voix... La main de John sur mon épaule me rappelle brusquement à la réalité. "Je vous avais prévenu..." Je le dévisage, mon regard se perd, je sens que je vais tomber...
Je me réveille. Je suis dans un champ. Un épouvantail. Non, deux, trois. Je cours. Cours. Des ruines, du sang. Des yeux, dans les mains de John. Les yeux d'Altronia. Un couteau. Épouvantail. Je cours. Le couloir. Il n'y a plus de portes. Je me cogne... Je tombe... Je m'évanouis...
Voix... C'est loin, ça résonne contre les parois de ma tête, emplit l'espace... "Elle est morte ?" "Non... Non, nous pouvons encore la sauver !" Plus rien. Un bruit assourdissant retentit sans cesse à mes oreilles, un tic-tac... Je ne comprends plus rien... Que se passe-t-il... "Elle s'est simplement évanouie..." Je me rendors, paisiblement.
Je me réveille, tête lourde, mains brûlantes et pleines de sang. "Elle se réveille." Impression fâcheuse de déjà-vu... DEJA-VU !!! Je crache par terre, un liquide rouge et chaud s'échappe de ma cavité buccale. Du sang. Je crache une seconde fois, puis une troisième, jusqu'à ce que la salive soit réapparue. "Ça va aller cette fois ?" Je souris, d'un sourire morne et sans conviction. "J'espère." "Ce n'était pas faute de vous avoir prévenu..." Je regarde John, d'un œil mauvais. Certes, il m'avait prévenu... Mais comment pouvais-je m'attendre à ça ? Rien ne pouvait me préparer à découvrir ces yeux, les yeux de tous, les yeux de toutes les personnes que j'avais croisées dans la rue, de tous mes amis, de tous mes ennemis... Un frisson parcourt mon être, si frêle en cet instant. John me tend la main. Je la saisis, il me relève. "Mettons-nous en marche." Altronia saute de son rocher, s'approche de moi, me donne la main. Ce contact froid et innocent m'électrocute. "Pardonnes-moi..." Je ne réponds rien. Elle s'écarte alors, et va saisir la main d'Alexis. John ouvre la marche. Je le rejoins. "Pourriez-vous enfin m'expliquer ce qu'il se passe ici ?" Il s'arrête un instant, reprend sa marche, regardant un point devant lui, un point perdu dans le brouillard. "Où allons-nous ?" Il ne répond pas, continue sa marche nonchalante. Je me place devant lui. "Quoi ? Pourquoi ne répondez-vous pas ? Qui êtes-vous?" Il me pousse, continue à avancer. "Je vous l'ai dit, je m'appelle John." "Qui êtes-vous John ? Que faites-vous ici ?" "Je ne sais pas. Je ne sais pas où nous sommes, ni pourquoi
nous sommes là. Tout ce que je sais, c'est que nous sommes tous particuliers..." "Que voulez-vous dire par particuliers ?" Il s'arrête, me regarde droit dans les yeux. Son regard dans le mien... Je me sens soudainement idiote, faible et coupable. Je détourne les yeux. Il repart, je le rattrape. "Alexis a une double personnalité. Il a un deuxième lui. Une personne qui lui parle, le guide. Un ange gardien. Il ne le contrôle pas. Son double peut prendre possession de lui à tout moment. Il vit en lui..." Cette nouvelle me frappe de plein fouet. Un fou... "Altronia, elle, n'est probablement pas humaine. Ses yeux... ont un pouvoir inimaginable. Ils peuvent donner la mort. Elle a tué un homme hier... Elle est incroyable..." John fouille dans ses poches, et en sort deux diamants, d'une beauté impensable. "Ce sont ses larmes... Ses larmes..." Le regard de John se perd dans l'infini, il se déconnecte peu à peu de la réalité... Je le sens partir, m'échapper, partir dans ses pensées, lentement... Ma question le ramène brusquement à ce monde. "Et vous ?" Il me regarde, d'un air absent. "Je suis..." Il hésite. Je sens qu'il va me mentir, mais décide d'attendre la réponse tout de même. "Je suis... un tueur. N'avez-vous
jamais entendu parlé de Nameless ?" Nameless... Si... Un tueur en série, favori de la presse londonienne... Il tuerait sans motif... "Je suis Nameless." Je m'arrête. Je suis en présence d'un tueur psychopathe complètement timbré. Il stoppe sa marche, me regarde. "Je sais ce que vous pensez. Que je pourrais vous tuer, là, d'un coup, comme je pourrais tuer Alexis et Altronia. Oui, je pourrais..." Il fait quelques pas vers moi, je recule, effrayée, me cogne contre un rocher, m'affale de tout mon poids. John continue d'avancer. L'horreur me prend. Son visage n'est plus qu'à quelques centimètres du mien. J'ai la gorge sèche, j'ai envie de hurler, mais aucun son ne sort. "... mais je ne le ferai pas." Il me relève. "Je ne le ferai pas parce que je ne sais pas où nous sommes. Nous sommes tous perdus, tous dans le même pétrin." Je le regarde, moitié étonnée, moitié terrifiée. "Vous n'êtes pas obligée de me faire confiance." Il repart. Je reste là, abrutie par toutes ces révélations. Jamais plus je ne poserai de telles questions...
Brusquement, quelque chose me touche l'épaule. Je tourne la tête. C'est Alexis. "Il faut continuer à avancer..." Je hoche la tête. Il se penche vers moi, et me glisse, au creux de l'oreille : "Mon autre moi me dit que John est pour l'instant digne de confiance... Il ne se trompe jamais. Tout ce que John désire, c'est de partir d'ici. C'est également mon souhait. Alors nous 'avons pas le choix, nous devons placer notre foi en lui." J'approuve. "Retournez avec lui, il ne vous fera rien. Il désire votre présence." Cette dernière phrase me frappe. La voix d'Alexis n'est plus la même. C'est une voix qui semble venue d'outre-tombe... Mais il repart vers Altronia, et ils reprennent leur marche. Je rejoins John. Nous ne parlons pas.
Après une bonne heure de marche, j'ose de nouveau adresser la parole à John. "Où allons-nous ?" "Je ne sais pas. Nous avançons dans une direction, toujours la même, dans
l'espoir de trouver une échappatoire." Le silence reprend, pesant. "Je suis désolé." Je me tourne vers John. "J'aurais dû vous préparer, je suis désolé de vous avoir révélé mon
identité si brusquement..." "Non... C'est moi qui suis désolé de ma réaction envers vous... Vous avez raison... Nous voilà tous dans le même pétrin..." "Lisa... C'est un joli nom." "Merci John... Puis-je vous tutoyer ?" "J'allais vous poser la même question... Bien sûr que oui..." "Merci." Je lui donne la main, la sers, peureuse. "Tous dans le même pétrin..." Je répète cette phrase, nerveusement. "Tous dans le même pétrin..." Le brouillard nous recouvre...


2EME PARTIE : PERDUS DANS LE BROUILLARD...

Je marche, nous marchons... Rien, rien, il n'y a rien, pourquoi... De temps en temps, des ruines... Du sang, des morts... Silence, que du silence, je n'en peux plus... Trois fous
m'entourent, dont un tueur psychopathe... Quelle idiote je suis de leurs avoir fait confiance... Que fais-je ? Rien, plus rien n'a de sens... J'ai soif. On fait une pause, enfin, j'ai soif. Qu'est ce qu'il se passe ? Alexis me parle, mais je n'entends pas, j'ai soif. Quelle chaleur ! Un coup m'atteint à la tête...
"Qu'est ce qu'il se passe ?" "Tu commençais à divaguer..." "Désolé..." "Pas grave, c'est normal dans cet enfer sans fin..." "J'ai soif..." "Bois." "Merci." "De rien." "Ça va Lisa ?" "Oui Altronia." "On repart." "D'accord."
On se relève, et c'est reparti pour quelques heures de marche...
"Stop." On s'arrête. "On va dormir là." "Pourquoi là ?" "Pourquoi pas..." Je m'assieds. "J'ai envie de dormir." "Moi j'ai froid." "Froid ? mais il fait une chaleur étouffante !" "Je sais
pas, c'est pas un froid naturel... Ça me prend aux tripes..." "Calme toi Alexis. C'est normal." "Normal ?? Ah ouais ? Pour toi, tout est normal ici !! Est-ce que tu te rends compte que ça fait des semaines qu'on tourne ainsi en rond ??? Tu comprends pas qu'on est foutu ou quoi ????" "Ta gueule petit. Je croyais que t'en avais des tripes..." "Des tripes ?? Mais je m'en fous des tripes !! On est foutu John !!!" "Ta gueule." John s'approche de lui, lui donne un coup derrière la tête. Alexis s'effondre inerte. Altronia pleure.
Je regarde la scène, je n'arrive pas à tout comprendre, qu'est ce que... "Il se réveillera demain. C'est la fatigue..." John se couche, Altronia pleure. Je m'approche d'elle. Moi aussi j'ai froid à présent... Je la prends dans mes bras. "Calme toi, il vit encore..." "Lisa, j'ai peur..." "Pourquoi ?" "John..." "John est le seul qui arrive à gérer cette situation avec calme..." "J'ai un mauvais pressentiment..." "Moi aussi..." Altronia se blottit contre moi, pleurnichant. Elle finit par s'endormir, je l'imite rapidement.
Bleu... C'est bleu... Puis, une goutte tombe, du sang, l'eau se trouble, la tâche se répand sans attendre... Le calme est troublé, les ennuis commencent... Je suis sur un lit... Des lunettes. Je vois des lunettes. Je souris. Les lunettes disparaissent, j'entends du bruit, lointain, très lointain, et un masque se place devant moi. Un masque de chirurgien... Je souris. Le masque se trouble peu à peu, un épouvantail... apparaît... Je hurle.
Je me réveille, en sursaut. John est réveillé. Il a fait un feu. J'allonge Altronia par terre, me lève sans bruit, pour me placer à côté de John. "Ça va ?" "Oui... Les paroles d'Alexis
m'ont... touchées... Je me dis qu'il a raison..." "Non John. Vous seul réussissez à garder votre calme..." "Merci..." "Vous devriez dormir..." "Non. Mauvais pressentiment..." "Moi
aussi..." Un coup de vent me fait frissonner... Quelque chose se produit alors, c'est comme imperceptible, mais au fond de moi, ça fait comme l'effet d'une bombe atomique... "Qu'est ce qu'il se passe ?" John s'est levé. "Je ne sais pas. Le vent ne cesse de grandir... Un tourbillon se crée. Altronia se réveille. "LISA !!!!" Je cours la voir. Le bruit du vent est assourdissant. "TENEZ-VOUS À UN ROCHER !!" Je suis les conseils de John, quand : "JOHN !!! OU EST ALEXIS ?????" John me regarde, il comprend soudainement, lâche le rocher. "JOHN, NON !!" Le vent l'envoie valser par terre. Sa face s'écrase. Il ne bouge plus. Altronia ne peut se contenir : "JOOOHHNNNN !!!!!" Elle pleure, je pleure, nous pleurons... Le temps passe, le vent passe, John trépasse ? Nul ne le sait, pas moi en tout cas, pas vous, personne, sauf lui... Le vent se stoppe, je lâche le rocher, Altronia, et cours, cours vers John. Il vit. Je sèche mes larmes, annonce la nouvelle à Altronia, mais elle ne se calme pas pour autant. Je suis surexcitée. Le visage de John est à moitié arraché, râpé. Je le panse avec mon t-shirt. Il remue, j'exalte. Et, soudainement, m'endors, je ne sais pourquoi, ni comment, mais je tombe, et ma tête cogne sur le sable...
L'épouvantail, encore, toujours... J'ai peur. Que me veut-il ? C'est l'incarnation de l'horreur à mes yeux... Je le regarde, il me regarde. Et, brusquement, je le reconnais... C'est
une créature que j'ai dessinée, il y a longtemps, une de mes premières BDs... L'épouvantail fait un pas, deux pas, trois... Je recule, ne voit pas le gouffre... Je tombe... Ça
tourne, c'est beau, c'est psychédélique. Couleurs, sensations. Alexis. Il est là, tombe avec moi... Il me sourit, me regarde, me fait un geste de la main. J'essaie de me diriger
vers lui, je tente de lui saisir le poignet, mais il s'évanouit dans l'ombre... Ma vue se trouble... Un bip revient sans cesse, je sens une aiguille qui me traverse le bras, mais je n'ai pas la force de le lever... Le temps se distille...
On me secoue. Ma tête tape le sol, mes pensées me reviennent. Non sans difficultés, j'entrouvre mes paupières. Altronia. Aussitôt, son regard rencontre le mien, et tout devient...
Bleu, rouge, vert, jaune, tout se détache, les couleurs se décomposent, je ne vois plus, non, au contraire, je vois tout, je suis tout, je vacille, réussis à me lever, je suis tout, tout est en moi, je suis une déesse, rien n'existe, tout est noir, je ne comprends plus, que se passe-t-il ? La vie se rétracte et la mort prend forme, il n'y a plus que haine, plus rien n'existe. Mes pensées se perdent dans un délire métaphysique. Je pense à mon ancienne vie, à mes joies si peu présentes, à mes peines trop présentes... Je pense à des films... Le chien andalou... Requiem for a dream... À des livres... Ubik, Substance mort, Salem... Tout se mélange, où est le bien, le mal, c'est quoi la vie, c'est quoi la mort, c'est quoi la vie, c'est quoi l'amour, c'est quoi l'humain, où va le monde ? Sais pas, sais plus, je comprends plus. Où vais-je ? Je me perds dans des raisonnements sans queue ni tête. Je me perds dans l'infini... L'infini devient fini, le fini devient la mer, et la mer devient le père, et la pair devient le triple, et le triple devient tout, et le tout devient fou, et le fou devient maître, et le maître devient esclave, et l'esclave devient l'homme, et l'homme devient merde, et la merde devient mort, et la mort devient un
tourbillon, et le tourbillon devient violet, et le violet devient rouge, et le rouge devient sang, et le sang devient moi, et moi, je ne deviens rien... L'épouvantail me poursuit, il n'est pas seul, il y a le pantin de la boîte avec lui, mon dernier petit copain... Ils sont tous là, me poursuivant sans relâche, sans faiblir, sans s'arrêter, mais moi je n'en peux plus, je titube, je m'effondre. Les ténèbres m'envahissent...

3ÉME PARTIE : DU MÊME AU PAREIL

Je suis dans un couloir, je pleure, qu'est ce qui ne va pas chez moi, où est le problème ? Ma vie n'est rien, tout ceci n'aura servi à rien. Une porte s'ouvre, c'est John. Je me lève d'un bond, me jette sur lui, il me colle une claque, je valse. Je ne comprends plus... Il a un couteau, je cours. Il me poursuit. Dans le couloir sans fin, il y a les portes qui ne s'ouvrent pas, et il y a celle marqué W-C. Je l'ouvre. Il fait noir, je n'entends rien, seulement le bruit de ma respiration. La paroi est glacée. Je suis enfermée. J'entends des pas, arrête de respirer, j'ai peur. La lumière envahit la pièce, ce n'est pas John, ce n'est personne... Il n'y a personne. Pourquoi ?????? Je hurle. Il y a trois portes, j'en ouvre une, me retrouve dans le brouillard. Altronia m'appelle, mais le vent m'empêche d'avancer. Elle me tend la main, et hurle. Je me retourne, John. Je fais marche arrière, referme la porte. Je m'assieds, reprends ma respiration. Tant d'émotions... Musique... Mark N. Enhancer... La haine se relâche... Prise par un ultime instinct de survie, j'ouvre une seconde porte, je suis dans la forêt. Malheur, la porte se referme derrière moi. Il y a une cabane en face, loin, je n'en vois que la lumière qui s'échappe des fenêtres. J'entends un bruit, mon ami l'épouvantail. Il s'incline devant moi, je ne comprends plus... Il se relève, sa tête est devenue celle d'Altronia, il recommence à me poursuivre. Je
cours, tout droit. Il pleut, les éclairs éclatent. Je suis trempée, fatiguée. J'arrive à la maisonnette, entre, claquant la porte. Il y a un homme sur un fauteuil. Il me regarde. Je
reprends mon souffle. Je tente de parler, mais il lève la main, et c'est lui qui parle : "Ne croyez pas que tout se finit là. Votre vie ne vient que de commencer... Votre vie... Quel terme mal utilisé en ce moment... Mais passons... Votre histoire continue par ici !" Il écarte son fauteuil, me montre un feu de cheminée. Le feu grandit, grandit, m'envahit, me recouvre. J'ai froid, je tombe en enfer. J'atterris sur un sol mou, me redresse. Brouillard... Cet endroit m'est familier... Déjà-vu... Alexis se dirige vers moi, titubant. Il s'effondre, je le rattrape. Il tente de parler : "John... plus confiance... Altronia... fuyez..." Il est mort, je crie, de toutes mes forces... "POURQUOI ???? Pourquoi lui, si innocent, lui qui avait encore toute sa vie devant lui ???? Mon Dieu, pour la première fois, je vous implore : prenez-moi à sa place !!!!" Une voix rauque me répond : "Ta volonté sera exaucée." Je me retourne. John, avec un couteau. "AU SECOURS !!!!!" "Nobody can heard you scream..." Il a un couteau... Shining... Je tente de partir, il m'agrippe par les cheveux. Je me débats. Ses yeux brillent d'une lumière démoniaque. Et, il s'effondre. Derrière lui, Alexis, une pierre à la main : "Le héros a toujours un second
souffle..." Il tombe, ses yeux roulent par terre, s'arrête devant moi, ils semblent me dire "Sauve-toi !!". Altronia surgit alors du brouillard. Je m'avance vers elle. Quand je m'aperçois qu'elle n'a plus d'yeux... "Altronia, que... ?" "Tuez là." De nombreuses formes apparaissent derrière elle. L'épouvantail, le pantin, les chirurgiens, John... John... Il tient, dans sa main, les yeux d'Altronia... Il regarde l'épouvantail, qui s'effondre par terre inanimé. Que se passe-t-il
? "Je te veux pour moi seul..." Course-poursuite effrénée. Je me perds dans un dédale de rues... Je tombe, ma tête fait Crac ! et je perds connaissance.


4ÉME PARTIE : ARTICLE DE JOURNAL

MORTS LIÉES

Dans la nuit du 20 janvier, Lisa, célèbre dessinatrice de la BD "Al(e)xis", le tueur connu sous le nom du "Nameless", et la cartomancienne Altronia, ont perdu la vie, à l'hôpital
Saint-Jean, après plusieurs semaines de coma. Rappelons que Nameless, après avoir tué la fameuse cartomancienne qui se faisait appelée Altronia, avait tenté d'échapper à la police, et c'est à ce moment qu'il avait heurté Lisa, qui portait un enfant en son ventre. Ces trois célébrités sont mortes avant-hier soir, sans que les chirurgiens n'aient pu les sauver. Leurs décès, à quelques minutes d'intervalles, semblent étroitement liés, par on ne sait quel mystère. Avec chacun d'eux disparaît une énigme qui ne sera jamais résolue : pourquoi The Nameless tuait-il ? Comment Altronia faisait-elle pour prédire le futur avec tant d'exactitude ? L'enfant de Lisa serait-il devenu aussi célèbre que sa mère ? Tant de questions qui resteront à jamais sans réponses...

***Ajout :***

Nouvelle : l'objet



Il sortit de son travail fatigué, comme après une journée habituelle à vrai dire. Il était 18 heures, il savait qu'il devait rentrer chez lui au plus vite, car bientôt il devrait préparer le repas et aidé le fils à faire sa géographie. Ainsi, il ne fit pas de détour par le bar, où il s'arrêtait parfois boire un café en lisant le journal. Une fois à droite, puis tout droit pendant 50 mètres, puis à gauche, puis… Un jeune homme s'avança vers lui : "Excusez moi vous auriez pas une cigarette ?" Si, il en avait. Mais il ne la lui donna pas de suite. Il avait déjà vu ce jeune, il s'en souvenait. La dernière fois il avait les cheveux plus long, une veste beige et non noire comme aujourd'hui. Il s'en souvenait, il était même en train de fumer un joint avec des amis à lui. "Monsieur ?" Lui vint une idée. "Hum, si si, j'en ai une." Il sortit une Marlboro, lui tendit. "Excusez moi, vous auriez pas quelque chose à vendre ?" Le jeune le regarda d'un œil méfiant. "Non, je touche pas à ça moi…" "Hé, je suis pas un flic, je bosse à Volcom et j'ai vraiment envie de trouver quelque chose à fumer. Tu veux ma carte ?" "Non non, c'est bon, je vous fais confiance… Combien vous voulez ?" "Combien tu peux me proposer ?" "Bah sur moi j'ai 20, mais je peux vous avoir plus si vous avez du temps." "J'ai pas le temps désolé. Tiens, voila tes 20 euros." "Merci, tenez." "Merci à toi, salut, et à la prochaine probablement." Il reprit sa route, s'allumant une cigarette. Il arriva enfin devant sa maison, ouvrit la boite aux lettres, rien, sa femme était rentrée, et ses enfants aussi, le scooter en attestant. Par mégarde, il jeta sa clope dans le jardin du voisin. Il regarda autour de lui, personne ne semblait l'avoir vu, mais il décida quand même d'aller la chercher. Il la ramassa, un peu honteux, se demandant ce qu'il se passerait si la vieille d'en face le voyait dans le jardin. Elle appellerait probablement la police, qui se déplacerait pour rien, et il devrait tout leur expliquer… Mais apparemment, elle ne le vit pas. Il jeta cette fois-ci sa cigarette dans la poubelle puis rentra chez lui.
Quand il ouvrit la porte, quelque chose lui parut bizarre. Il n'y avait pas de bruit. Il n'en fit pas non plus et, avançant avec lenteur, décida de trouver la cause de ce silence pesant. Arrivé dans sa chambre, il comprit. Devant lui étaient étendus les cadavres de sa femme et de ses deux enfants. Il les regarda, sans bouger, pendant quelque temps. Puis il s'assit sur le lit, se relevant aussitôt, il ne devait toucher à rien, il s'en souvenait, on le lui rappelait tous les soirs dans ses séries policières américaines. Cela ne lui fit rien de les voir étendus là, tous les trois. Rien, même pas un peu de tristesse. Sa femme, il ne la voyait quasiment plus, et les enfants n'étaient pas les siens, mais ceux de l'ex mari à sa femme. Alors bon, il n'avait pas vraiment d'attache avec eux, surtout qu'ils ne vivaient ensemble que depuis 3 ans. Le garçon, Tom, avait 14 ans, ils se haïssaient mutuellement. Quand à la fille, Alice, âgée elle de 18 ans, elle ne l'avait jamais vraiment apprécié, et lui ne faisait pas attention à elle, elle veillait assez bien sur elle toute seule. Il observa le sang qui coulait encore entre les dalles froides qui formaient le carrelage de la chambre. Cette beauté le fascina tant qu'il décida d'aller chercher son appareil photo. C'était la première fois qu'il voyait un mort et là il en avait trois d'un coup, une aubaine. Il prit quelques clichés et reposa l'appareil sur la commode. Il alla faire un tour dans la salle de bain pour prendre des gants, il savait qu'il ne devait toucher à rien sans gants. De retour dans la chambre, il se pencha vers Alice, lui écarta la mèche qui tombait sur ses yeux, les lui ferma puis l'embrassa sur le front. C'était la seule qu'il ne voyait presque jamais, donc la seule qu'il appréciait à peu près. Il partit s'asseoir dans le salon.
Assis devant la télévision, il regardait les informations et se dit qu'il devrait peut-être appeler la police, l'odeur du sang commençait à lui monter à la tête. Avant, il se roula un joint, et le fuma dans la douche, comme il en avait l'habitude de le faire, afin que la fumée ne se propage pas dans la maison. Il mit un coup de déodorant et se dirigea vers le téléphone, mais s'arrêta juste avant. Il avait du cannabis sur lui et les flics n'allaient pas aimer ça. Le problème s'offrait à lui et il ne savait vraiment pas quoi faire, puis lui vint à l'idée qu'il pourrait le mettre dans la chambre de Tom, si les flics le trouvaient ils penseraient que cela lui appartenait. Il le fit, puis décrocha le téléphone, composa le numéro, laissa sonner une fois, et raccrocha. C'était trop bête, mais comment allait-il le leur dire. "Oui bonjour ma femme et ses deux gosses ont été assassinés, je fais quoi moi ?" Il décida enfin qu'il était assez grand pour s'embarrasser d'idioties pareilles, il trouverait le moment venu, il n'était plus un enfant cherchant à annoncer une mauvaise nouvelle à ses parents. Ce fut alors que quelque chose le saisit. Quelque chose n'était pas normal ici, dans cette maison. Il manquait quelque chose, ou quelque chose était en trop, il ne pouvait dire quoi mais cela le gêna tant qu'il se crut tout d'abord observé, il alla à chaque fenêtre mais rien, alors il appela enfin la police.
Quand la police arriva enfin, il fumait sa cigarette. On toqua à la porte, il alla ouvrir. "Bonjour. Monsieur Georges L*** je présume ?" Il acquiesça d'un coup de tête puis les fit entrer. "Je suis l'inspecteur Jean Daron et je suis chargé de cette enquête." L'inspecteur fit une brève pose, détourna légèrement la tête, il sembla à Georges qu'un trouble l'envahissait, mais son visage reprit ses couleurs et il demanda : "Pardonnez moi de vous demander ça dans des circonstances pareilles Monsieur, mais auriez vous un lien de parenté avec Mr L***, préfet de police ?" "Oui c'est mon frère." "Ah ! Très bien très bien…" "… mais je n'ai plus aucun rapport avec lui depuis mes 18 ans, et je ne pense pas qu'il décide d'intervenir sur cette enquête !" "Ah, non non, c'était juste pour savoir Monsieur, merci. Les corps sont… ?" "Dans la chambre à coucher, la porte là-bas." "Merci, nous allons procéder à l'examen de la maison, vous pouvez rester dans cette pièce si vous le désirez. Vous avez touchez à quelque chose ?" "J'ai juste refermé les yeux d'Alice, la fille de ma femme, mais j'ai pris des photos avant si vous le désirez, et je n'ai fait ça qu'avec des gants." L'inspecteur plissa les yeux, il se dit qu'il était tombé sur un bel énergumène… "Je reviendrai vous voir après pour vous interroger."
L'inspecteur Daron revint au bout au bout d'une dizaine de minutes. "Bien, il s'agit de toute évidence d'un meurtre. Je vais à présent vous poser un certain nombre de questions, même si vous devez être en état de choc, c'est la procédure habituelle et je dois m'y plier." "Non non, cela ne pose aucun soucis monsieur, vous faites votre boulot et puis, ça ne va pas si mal que ça vous savez." Déconcerté, l'inspecteur fut silencieux avant de continuer : "Bien. Connaissez-vous quelqu'un qui pourrait en vouloir à votre femme ?" "Non, vraiment pas, tout le monde l'aimait bien dans le quartier." "Et à vos enfants ?" "Ce ne sont pas mes enfants, ce sont les enfants de l'ex mari de ma femme. Non, je ne pense pas, vous savez bien, ils sont comme tous les enfants, ils font des conneries mais dans le fond, rien de tel à s'attirer un courroux tel qu'on les assassinerait, 'fin vous voyez de quoi je veux parler…" "Non, lança sans réfléchir l'inspecteur Daron, puis, devant l'air étonné de Georges il ajouta, je n'ai pas d'enfants." "Ah très bien… Moi non plus à vrai dire, mais c'et un peu comme si… Vous voulez une cigarette ?" "Volontiers." Georges lui tendit une cigarette puis s'en alluma lui aussi une. La première bouffée le fit tousser. "Bien continuons. Vous vous entendiez bien avec votre femme ?" Georges eut un petit rire nerveux. "A vrai dire, non, ce n'était pas la joie, mais rien de bien méchant non plus. Après cinq ans de mariage, on ne se parlait plus vraiment. La routine s'était installée." "Une maitresse ?" "Oui, j'en ai eu une pendant un certain temps et là je vois la fille qui travaille avec moi à Volcom, une vendeuse charmante." "Bien. Et votre femme, elle avait un amant ?" "Pas à ma connaissance, non je ne crois pas, mais de toute façon elle ne me l'aurait pas fait savoir" dit-il dans un petit rire. "Evidemment. Et avec les enfants de votre femme, vous vous entendiez bien ?" "Non plus. Tom ne m'aimait pas, ça c'est sûr, il aurait préféré rester chez son père, malheureusement celui-ci avait de trop gros soucis financiers. Je ne peux pas dire que je l'appréciais vraiment, mais je pense que j'en donnais suffisamment l'impression devant sa mère." "Et la fille, Alice c'est ça ?" "Oui c'est ça…" Son regard se perdit un instant dans le vide, il écrasa sa cigarette et s'enfonça un peu plus dans le fauteuil avant de répondre : "Alice, je ne la voyais qu'à peine, cela fait seulement trois ans que nous vivons ensemble vous voyez et elle sortait souvent avec des amis, enfin c'est de son âge je suppose, vous me comprenez…" "Non." "C'est vrai, vous n'avez pas d'enfants… Ben, ce que je veux dire c'est que je la connaissais pas, elle allait chez des amis pendant tous le week-end et le soir elle s'enfermait dans sa chambre pour travailler et aller sur internet. Une adolescente quoi." "Oui je crois que je comprends. J'ai une question qui va peut-être vous paraître incongrue Monsieur L***… Avez-vous tué votre femme et ses enfants ?" Georges parut surpris mais sans plus. "Ouais je m'y attendais. La plupart du temps c'est le mari qui tue et appelle la police ensuite. Non je ne les ai pas tués. Et vous savez pourquoi ? Non bien sûr que non, vous ne savez pas… Venez." Il se leva et se dirigea vers la chambre où étaient encore exposés les trois cadavres. "Regardez-la, dit-il en montrant Alice. Vous voyez une telle beauté ? Vous croyez sincèrement que j'aurais pu la tuer, elle qui me rendait si heureux rien que par un regard ?" "Hum, je vois. C'était juste une question comme ça. Bien, vous allez me suivre au commissariat pour que je fasse un rapport. Vous avez de la famille dans le coin ?" Georges secoua la tête. "Bon, alors je vous conseille d'appeler votre maitresse, la maison ne vous sera pas accessible ce soir." "Bien." Il alla au téléphone et appela Julie, sa maitresse. Pendant l'appel lui revint cette impression désagréable qui l'avait parcouru déjà la dernière fois. Quelque chose clochait ici.
Il dormit chez sa maitresse le soir et ils firent l'amour. Après, il sortit sur le balcon fumer une autre cigarette. Il était préoccupé, non pas par le meurtre mais il savait qu'un élément de la maison avait disparu. Il était décidé à savoir quoi.
L'enterrement eut lieu quelques jours plus tard. Il n'y alla pas à l'heure prévue, il n'avait pas envie de voir toute la famille de sa défunte femme. Quand il arriva, il vit qu'il n'était pas seul. "Matthieu !" "Tiens, salut Georges." Matthieu était l'ex mari de sa femme, le père des deux enfants. "Tu vas bien ?" Matthieu eut un sourire forcé. "On ne peut pas dire que ce soit la grande forme dans une condition pareille, tu ne crois pas ?" "Ouais tu dois avoir raison." Ils se turent un instant et s'adossèrent sur une tombe. Ils regardaient sans bouger la tombe où étaient enterrés les trois corps. Matthieu rompit le silence : "Tu veux une cigarette ?" "J'ai les miennes. J'ai été en acheter ce matin." Matthieu hocha la tête, et se sortit une cigarette. Avant qu'il l'allume, Georges prit la parole : "Tu veux fumer un joint plutôt ?" Le matin même il avait été retourné voir le jeune, en sachant que ce qu'il avait acheté l'autre fois serait à jamais perdu. "Oui je veux bien." "OK ! Tu veux rouler ?" "Je te laisse faire." Georges roula, il l'alluma, fuma et le fit tourner. "Quel gâchis ! De si beaux enfants morts si jeunes…" "Je n'aimais pas ton fils." "Je sais, c'était réciproque." Ils se turent, fumant. Georges regarda Matthieu. Il avait changé depuis leur dernière rencontre. Il sourit intérieurement en pensant à cette dernière fois. Ils s'étaient saoulés dans un bar, et cela avait mal fini, ils s'étaient tapés dessus, avaient été mis dehors et finalement étaient rentrés bras dessus-dessous en chantant dans la rue. Ce soir là, Matthieu portait un T-shirt d'un groupe de musique, Coquettish s'il se souvenait bien, et un jean noir. Aujourd'hui, il était vêtu d'un pardessus gris, un T-shirt Bullrot Wear et un baggy. Les temps changent se dit Georges… Matthieu avait aussi coupé ses cheveux longs, mais il l'avait déjà vu en photo depuis. Et il avait troqué ses lunettes contre des lentilles.
Ils se quittèrent sur le parking du Lidl, Georges avait proposé à Matthieu de le conduire à sa voiture et ce denier avait accepté. Georges sentit que Matthieu était empli une immense fatigue, peut-être l'effet du joint. Avant de partir, il lui posa tout de même une dernière question : "T'as des nouvelles de l'avancement de l'enquête ?" "Non pas plus que toi je suppose. Meurtre au couteau, vol des bijoux et de l'argent, rien de plus. L'assurance a fonctionné ?" "Ouais t'inquiète pas pour moi." "OK, bon, moi j'y vais, si t'as besoin un soir, de parler ou de voir quelqu'un, appelle moi." "Merci." Et, sur ces mots, ils se quittèrent.
Il ne dormit que quelques heures cette nuit-là. Un malaise permanent entourait la maison. Un peu comme si quelque chose, une sorte d'être extérieur, voulait entrer en contact avec lui. Il savait que cette idée était des plus stupides, alors regarda des émissions sur Arte. Au bout d'un moment, il se rendit compte qu'il avait peur, peur de dormir, alors il se fit un thermos de café et resta éveillé jusqu'au petit matin. La maison était presque vide, les policiers avaient emporté un grand nombre d'objets pour l'enquête. Ils avaient laissé une liste. Il s'en saisit, fébrilement, et la parcourant d'un œil soudainement vif, s'aperçut qu'il manquait un objet, il ne savait pas quoi, mais il le savait. Il tremblait. Il prit une douche, but un nouveau café, attrapa son chapeau, sortit.
Il était à peine 7 heures du matin, la gendarmerie était fermée. Il attendit quelques temps, puis vit une boulangerie, il partit s'acheter un croissant chaud et moelleux, le mange en fumant. Puis, une envie d'uriner le prit, alors il courut jusqu'au bar le plus proche, commanda un demi et en profita pour aller aux WCs. Au bar, il lut le journal. Puis, il vit que la gendarmerie ouvrait enfin.
Il demanda l'inspecteur Daron, on le fit entrer. L'inspecteur avait l'air fatigué. Georges remarqua qu'il ne s'était pas rasé ce matin. Quelque chose se déclencha dans sa tête. L'inspecteur ne lui était soudainement plus étranger. Sa tête lui disait quelque chose. Il l'imagina avec plus de barbe, les cheveux longs et la mémoire revint. "Excusez moi, mais ne joueriez-vous pas de la basse ?" L'inspecteur sortit de sa torpeur, écarquilla les yeux : "Comment diable pouvez-vous savoir ça ??" Georges alluma une cigarette, prit quelques secondes avant de répondre : "Vous ne devriez pas jurer, même si vous ne croyez pas en dieu, on ne sait jamais, peut être qu'en fin de compte le diable vous écoute." Il sourit. "Vous aviez un groupe de punk rock nommé "The Frag!". Vous avec fait un concert au Rocksane à Bergerac. La première partie était un groupe inconnu, qui faisait son premier vrai concert, il s'appelait "Psyko". A la fin du concert, vous avez été dans un bar avec les membres de ce groupe, et vous avez sympathisé. Vous leur aviez promis que vous les recontacteriez, vous ne l'avez jamais fait." Il tira une bouffée, et esquissa un demi-sourire. "J'étais batteur dans ce groupe." L'inspecteur le regarda avec un ébahissement tout naturel. "Quelle mémoire…" "Oui je sais, c'est bien la ma grande qualité… ma mémoire. Mais je ne suis pas venu ici pour vous parler du bon vieux temps, mais parce qu'on m'a volé quelque chose." L'inspecteur se redressa subitement et sortit de sa torpeur. "Comment ça ?" "Voila la liste de tous les objets que vous avez saisis n'est ce pas ?" "C'est exact." "Il en manque un. Je ne saurais vous dire quoi mais il en manque un et cet objet, quel qu'il soit, m'appartenais et me manque. Il y a un vide à présent." "C'est votre mémoire qui…" "Oui c'est ma mémoire qui m'a fait me souvenir que cet objet manque, et elle ne s'est jamais égarée. Je ne sais juste pas quel est cet objet." Daron hocha la tête. "Bien. Mais malheureusement, ce fameux "objet" doit être en possession de l'assassin, assassin que nous ne tenons pas entre nos mains. Je suis navré." Georges sentit une rage soudaine l'envahir, mais il ne pouvait la faire éclater en cet instant. Il serra la main tendue de l'inspecteur et s'en alla.
Le temps n'était pas au beau fixe, et Georges avait l'esprit plus que tourmenté après son entrevue. Il déambulait dans les rues sans but précis, c'était finalement juste pour trouver un calme qu'il ne trouverait jamais plus chez lui. Il avançait près des quais lorsque quelqu'un l'accosta. Il ne fit au départ pas attention à la personne, mais un cri rauque le fit sortir de sa léthargie. Il tourna la tête et rencontra un SDF. "'Lu m'sieur ! Z'auriez pas un peu d'monnaie ?" lui demanda-t-il en souriant. Georges le regarda d'un air vide, fouilla succinctement dans ses poches. "Non désolé. Une cigarette ?" "Ce s'rait pas d'refus !" Georges lui en tendit deux. Le clochard lui fit un petit signe de tête, et Georges reconnaît sur son visage un signe de gratitude. "Z'auriez pas du feu tant qu'vous zy'êtes ?" Georges sortit son briquet mais, ne voulant pas qu'il soit sali par ces mains grasses et puantes, ce fut lui qui lui alluma sa clope. Au moment précis où la cigarette s'enflammait, il fut pris d'un mal de tête féroce. Un flot d'images se mit à défiler dans sa tête, il n'arrivait plus à faire le tri… Le clochard le regarda bizarrement tandis qu'il se repliait sur lui-même. "Ca va m'sieur ?? Hé m'sieur, vous n'auriez pas perdu quelque chose ??!" Georges se releva brutalement, saisit le SDF par la gorge. "Qu'est ce que tu viens de dire ??" L'expression du clochard passa de la satisfaction à la peur, il donna un coup à Georges, qui le lâcha, et s'enfuit en courant.
Le lendemain, au soir, Georges le croise de nouveau. Il s'excuse pour sa brutalité, lui offre une cigarette, et lui demande s'ils se connaissaient. Mais le sans-abri le reconnait, prend peur et part, balbutiant quelques remerciements pour la cigarette. Georges reste planté là, il ne sait que faire, il ne peut le poursuivre, il ne peut rien faire, il ne peut plus aller voir la police, le voila seul, seul face au monde, il le sait. Il s'assoie dans un parc, sur un banc, fume, pense, et observe tous ces jeunes qui passent. Jadis il était comme eux, insouciant, mais aujourd'hui, à cet instant précis, il se rend compte de l'importance de la stabilité. Il avait son confort, sa vie. Sa famille l'intéressait peu, mais cet objet !! Il se lève, accoste un adolescent : "J'pourrais avoir une bière ?" Son visage doit être rongé par quelque expression des plus terrifiantes, car le groupe entier s'en va en courant. Il voulait juste une bière…
C'est la nuit. Georges, dans son sommeil, rêve. Il y a quelqu'un… je le connais… tout en lu éveille ma mémoire… qui, qui, qui ??? Ses habits… son odeur flotte au dessus de moi…elle, tient, c'est une femme, marche, je la suis, elle disparaît, qui qui qui qui ????? Il se réveille en sursaut. Qui était-ce ? Il tremble, mais ce n'est pas du froid, c'est une sensation de… vide.
C'est le matin. Georges décide de retrouver le clochard et de savoir.
Dans la rue, un jeune homme l'aborde. "Salut ! Tu veux quelque chose à fumer ?" Il le regarde, perdu. Qui est-ce ?? Il ne sait plus. Puis, se souvient, c'est le jeune homme à qui il achète du shit. Il ne répond pas, essaie de se souvenir des vêtements que portait ce dernier la dernière fois. La dernière fois… quand était-ce ? Un mal de tête le saisit, il part en courant.
Dans la rue, il croise des gens qui le saluent. Il continue à courir. Plus rien… il ne se souvient plus… sa mémoire flanche. Il court, quelque part…
C'est le soir et il se découvre avec stupeur sur les quais. Le clochard est à coté de lui. Georges se rend compte qu'il est complètement ivre, et donc qu'il ne se souvient plus de lui. Ils discutent, puis, enfin, le clochard le reconnaît. Mais cette fois il n'a plus peur. Il le guide vers un endroit sombre, s'en va.
Une bonne demi-heure après, quelqu'un arrive. Georges ne le voit pas, car son visage est plongé dans l'obscurité. L'homme lui tend un objet, L'objet ! C'est un livre. Georges le reconnaît immédiatement, c'est le recueil de Lovecraft.. L'homme ne dit pas un mot et s'éloigne. Jamais plus Georges n'aura l'occasion de le rencontrer. Mais, en fin de compte, cela lui importe peu. Il a retrouvé son livre. L'ordre est revenu.

***Ajout :***

Chanson : l'épouvantail

Qui se souviendra un jour
De l'épouvantail
Qui encore de nos jours
Reste un adversaire de taille
Un puissant mort
Tout au fond des collines
L'esprit du sort
Des montagnes alpines
Un rejet désespéré
Un paria aboli
Un chant de liberté
Qui ne porte ses fruits
Oui, il n'm'apporte ses fruits...

Et dans sa grandeur
L'épouvantail
Invoqua le malheur
Pour que plus rien n'aille
Il jeta dans nos coeurs
Une poignée de vices
Une vieille rancoeur
Au fond du précipice
Un regard acerbe
Sur la vie ici-bas
Et dans un flot de gerbe
Il poursuit sa voie
Oui, il continue sur ses pas

Début de panique
Et l'épouvantail
Fredonnant la musique
Disparu dans un faille
On ne le revit plus
On ne le chercha pas
Personne n'eut cru
Qu'un jour il existât
Mais lui loin du chaos
Repose en paix
Il est bloqué très haut
Et regrette son fait
Oui, il regrette son fait...
"Un ami est celui qui vous laisse l'entière liberté d'être vous-même." Jim Morrison

" Le cinéma pour moi est ce qui, sous une forme artistique, approche le plus du flot même de nos perceptions." Jim Morrison
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