En fait, j'ai mis pas mal de temps à admettre (et je n'ai toujours pas bien accepté) que la notion d'écoulement du temps soit indissociable de la notion d'information accessible à une catégorie d'observateurs. Pour moi, il me semblait évident que le temps s'écoule qu'il y ait un observateur ou pas pour le regarder s'écouler.DarKnuT a écrit :Ce que j'ai essayé de te dire, c'est que personne ne va s'intéresser à ton topic car il est beaucoup trop complexe, et quasiment personne n'a le niveau pour soutenir un débat de ce niveau là...En tout cas moi, le sujet m'intéresse, mais je comprends rien à ce que tu as mis (et pourtant j'ai fait un peu de maths de physique de mécanique et tutti quanti)
Et pourtant, quand on creuse la question de la notion d'irréversibilité, on s'aperçoit que l'on ne peut pas se passer de la notion d'observateur et de limitation d'accès à l'information d'une catégorie d'observateurs. Je m'explique sur ce point (que je crois très important) avec les images qui sont classiquement employées pour illustrer le caractère dit macroscopique de la notion d'irréversibilité :
Si on considère deux boules de billard qui vont se cogner en partant à la rencontre l'une de l'autre (pour illustrer le choc de deux molécules de gaz) et qu'on filme la scène, si on passe le film à l'envers à quelqu'un qui l'ignore, il n'a aucun moyen de détecter la supercherie. Le renversement du temps se traduit par une simple inversion des vitesses des boules de billard. Comme les lois fondamentales de la physique sont symétriques vis à vis du renversement du temps (si l'on excepte cependant la désintégration du Kaon neutre) il n'y a rien de surprenant à ce qu'on ne puisse pas détecter un sens privilégié d'écoulement du temps. A l'échelle microphysique, il n'y a pas moyen de distinguer une cause d'un effet ou encore une situation ultérieure d'une situation antérieure (à une situation étiquetée comme présente) et on ne peut donc pas non plus faire apparaître la notion d'information enregistrée (de souvenir).
Et pourtant, si maintenant on filme une pierre que l'on jette dans l'eau ou un verre qui tombe et qui se casse, là on peut parfaitement détecter le sens d'écoulement du temps. Si on passe le film à l'envers, on voit bien que les phénomènes se déroulent à rebrousse-temps.
Entre ces deux situations qu'est-ce qui a changé ? L'échelle d'observation, c'est à dire l'information accessible à l'observateur. Par exemple, si on laisse tomber une goutte d'encre dans un verre d'eau, à l'échelle microphysique la situation est parfaitement réversible. Si on pouvait parfaitement isoler le verre d'eau de son environnement, on pourrait faire se reconcentrer la goutte d'encre en renversant toutes les vitesses de toutes les molécules d'eau et d'encre en partant de la situation où la goutte d'encre est mélangée dans l'eau.
C'est donc seulement à l'échelle macroscopique que toutes les situations initiales (dans lesquelles on verse la goutte d'eau à des endroits différents dans le verre d'eau) semblent converger irréversiblement vers une même et unique situation finale : la goutte d'encre uniformément mélangée à l'eau. l'apparente unicité de cette situation finale et son caractère figé de situation d'équilibre (où plus rien ne change) sont en fait une illusion due à un manque d'information de l'observateur macroscopique.
"La" situation finale semble unique et figée aux yeux de l'observateur macroscopique, l'état final apparaît à ces yeux comme un état d'équilibre (un état ou plus rien ne change) car il ne dispose pas des informations lui permettant de se rendre compte que les molécules d'eau et d'encre continuent à s'agiter dans tous les sens à l'échelle microphysique.
Un observateur qui saurait tout sur l'état microphysique du système observé se trouverait dans l'impossibilité de distinguer le sens dans lequel s'écoule le temps. C'est donc paradoxalement notre ignorance partielle d'une partie des informations décrivant l'univers observable qui nous fait percevoir un sens d'écoulement du temps et qui nous permet de décrire le monde que nous observons avec ce que nous appelons des informations. Notre possibilité de décrire le monde et de le voir évoluer dans le temps semblent donc découler de la notion d'ignorance sélective de l'observateur macroscopique (et de la distinction entre informations pertinentes et informations non pertinentes).
Il y aurait énormément de choses à dire pour faire ressortir les liens entre écoulement du temps, information accessible à l'observateur, grandeurs macroscopiques, état d'équilibre, entropie, théorème H de Boltzmann, hypothèse du chaos moléculaire, fuite d'information dans l'environnement du gaz parfait "isolé" associée à cette hypothèse, mesure quantique, décohérence, expérience dite du choix retardé, interprétation transactionnelle de la mécanique quantique (de John Cramer), irréversibilité, distinction entre cause et effet, principe de causalité, importance du caractère non isolé des systèmes réels, mais bon, pour l'instant je m'arrête là car je ne sais pas du tout si ce que je dis là intéresse ou pas.
Ces questions n'intéressent guère les scientifiques car on ne sait pas poser clairement le problème. On ne sait pas définir mathématiquement ce qu'est une observation, un appareil de mesure quantique, un phénomène irréversible, ce qui distingue une cause d'un effet etc, etc... En fait, dès qu'on creuse un peu la question de l'écoulement irréversible du temps, notre possibilité d'accéder à des informations enregistrées sur des phénomènes passés et pas à d'éventuelles informations enregistrées sur des phénomènes futurs, notre possibilité de préparer des causes pour obtenir des effets futurs et notre incapacité (semble-t-il) à préparer des causes pour obtenir des effets passés, on sort très vite du domaine de la science, le domaine des faits observables, reproductibles, modélisables par des modèles mathématiques bien définis et prédictifs. On peut donc comprendre que les scientifiques n'aiment pas du tout discuter de ce genre de question.DarKnuT a écrit :Nous sommes ici sur un forum généraliste, avec des gens de toutes générations et de toutes nationalités. Pas sur un forum de mathématique quantique. Si tu cherches des débateurs au niveau, va chercher un forum consacré aux chercheurs du CNRS....Bon courage