[galerie]la galerie de Gattaca

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gattaca103683
Nymphe des bois
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Message par gattaca103683 »

je commence par une nouvelle que j'ai écrite aujourd'hui inspirée de la phrase d'Edmond Wells "Elargissez le décor de vos rêves"

Le décor des rêves

J'ouvre les yeux, j'enlève le casque en souriant. J'ai eu un beau rêve: originalité, cadre exotique, juste ce qu'il faut de suspense sans stress. L'idéal quoi !
Je revisionne tout en m'habillant. Je ne m'étais pas trompé. Même pas besoin d'éditer. J'étiquette "toutes tranches d'âge", un petit mot pour résumer sans brûler. J'envoie à la compagnie. Ça doit me rapporter ce qu'il faut pour faire ce voyage à Bali dont je…que je désirais...
J'enfile mon gilet protecteur. Je mets mon arme dans ma poche après avoir vérifié qu'elle était bien chargée. Je mets mon nouveau casque anti-rayonnements avec lunettes intégrées, le masque anti-pollution. C'est dangereux de sortir, mais il le faut bien.
Dans la rue je marche à pas rapide, tout en faisant attention à ne pas tomber dans un piège ou un trou. Je regarde autour de moi. Je m'éloigne de tout individu suspect, c'est-à-dire de tout le monde. Une femme se fait braquer. Je me retourne pour ne pas pouvoir identifier les coupables. Il fait sombre, il y a du brouillard ce matin aussi. Ça fait deux ans qu'on nous dit que ça va disparaître dans quelques jours. Comme chaque jour je me demande pourquoi je ne m'achète pas une voiture. Après tout j'ai les moyens d'avoir une bien sûre. La réponse ne se fait pas tarder: un véhicule du nouveau modèle de Peunault, l'Unbreakable, se fait attaquer en ce moment là devant mes yeux par une bande. Le conducteur se fait massacrer.
J'arrive enfin au centre commercial. J'enlève le masque. J'appuie sur un bouton secret dans le casque anti-rayonnement pour déclancher le programme anti-messages subliminaux. Je risque de me faire arrêter, tant pis, je préfère cela à être ruiné et devenir l'esclave d'une banque.
J'achète de la nourriture, de l'eau, des médicaments, je sors. Je fais encore plus attention. Un bandit affamé essaie de me surprendre. Je lui tire dessus rapidement. Il s'effondre par terre, électrocuté. Je continue ma route. J'arrive à destination: un immeuble dans un état pitoyable au milieu d'un quartier pauvre, gardé par quatre jeunes bien armés. Ils me connaissent bien. Je monte les escaliers jusqu'au cinquième étage. Je frappe à une porte en faisant attention à ne pas la mettre en miettes. J'entends les clapotis des six serrures qui s'ouvrent l'une après l'autre. Un vieil homme ouvre la porte. Petit, maigre, albinos, lunettes plus grosses que le visage, nœud papillon portant encore quelques traces de sa couleur initiale verte. Il sourit.
- Tu arrives à temps, mon fils. Je suis sans eau depuis dix heures.
Je ne réponds pas. Je remplis la citerne. Je mets les médicaments sur la table, la nourriture dans un coffre en bois. L'appartement se compose d'une seule pièce en plus d'une salle de bain faite pour des lilliputiens. Je sais que le vieil homme ne peut pas appeler, ligne de communication coupée. Pour lui, sortir seul est un suicide.
- Tu dois déménager chez moi, dis-je enfin.
Il sourit de nouveau:
- Et eux ? répond-il en faisant signe au mur.
- L'endroit n'est pas sûr pour eux non plus, je proteste.
- Ne t'inquiète pas pour nous, ils sont forts, ils me protègent.
Impossible de le faire changer d'avis. Je le sais.
- Du nouveau ? je demande.
Il avance avec peine vers le mur, y pose ses deux mains. Une porte secrète s'ouvre. Je le suis dans l'autre pièce.
Des livres, des livres partout, des milliers de livres. La deuxième pièce était deux fois plus grande que celle où Joshua vivait. Les étagères qui couvraient ses murs supportaient à peine le poids des bouquins qui s'entassaient sur elles, coulaient par terre, formant des collines, des montagnes, ne laissant plus une place pour se déplacer dans la salle. Comme un chat agile, Joshua arrivait d'une façon mystérieuse à marcher au milieu des volumes sans les piétiner ou les toucher. Moi, je trébuchais de temps en temps. Je commençais à perdre l'habitude. Quand j'étais jeune, je pouvais voyager dans ce pays d'idées et de savoirs les yeux fermés.
Je me souviens. Mon enfance, je l'ai passée dans cette bibliothèque, à côté de Joshua qui m'apprenait à lire et à écrire dans six langues, à penser, à rêver. Sans lui, je serais devenu un dealer comme ma mère. Si j'étais un Rêveur de Classe A, c'était grâce à lui, à ses livres.
- Regarde ce que j'ai, une traduction russe du Livre des Animaux d'Al Jahidh. Un trésor !
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Deux ado déchiffrent péniblement la pancarte: A...Asso..ci..a..tion T...P...T...S...M...Ren...con..t...re...a..vec...C...Q...S...S...D...S...Mais c'est du chinois, bordel !
Je souris. J'étais un CQSSDS (Ceux Qui S'en Sont Déjà Sortis). J'étais invité à la huitième rencontre qu'organisait l'association TPTSM (pour Tu Peux T'en Sortir, Merde!) entre les adolescents et enfants des banlieues et les originaires de ces quartiers qui ont eu la chance d'échapper au destin tragique inscrit d'avance dans le dossier de chaque nouveau né là bas. Les militants de cette association étaient pour la plupart des anciens élèves de Joshua. Ceux là ont choisi de rester et de se battre. Je ne pouvais leur refuser un petit coup de main de temps en temps.
- Hello, Gros Rêveur !
La voix me fait vibrer. Ces grands yeux noirs ! Ces cheveux bouclés! Cette façon si Black de marcher comme on danse! Décidément, je ne peux rien leur refuser.
Cette fois, on devait répondre aux questions des jeunes concernant nos métiers.
- Je suis Rêveur de Classe A, dis-je, non sans fierté.
- C'est quoi ? me demande une jeune fille de neuf ans.
Parfois, j'oubliais que je parlais à des mômes qui n'avaient probablement jamais été connectés.
- Il y a près de huit ans, en l'an 2047, des scientifiques ont réussi à déchiffrer les signaux électriques que notre cerveau émet quand on rêve, les enregistrer, les transformer en images assez claires et...le plus important, le reproduire, pour provoquer les mêmes rêves enregistrés chez un individu autre que leur instigateur. Ils ont inventé un casque spécial capable d'enregistrer et de diffuser les rêves. Grey Magik, Un homme d'affaire visionnaire eut l'idée géniale d'acheter les droits de cette technologie. Depuis, une industrie des rêves s'est développée considérablement. Au début, l'échange de rêves à travers le web était un passe temps d'amateurs, beaucoup de passionnés ont travaillé pour améliorer la définition et développer des logiciels de montage de rêves. Peu à peu, des sociétés en ligne se sont emparées du marché. Ceux qui avaient le don d'avoir les rêves les plus clairs et les plus originaux sont devenus des professionnels et se mirent à vendre leurs rêves à l'intermédiaire de ces compagnies.
- Comment ça marche ? demanda un ado intéressé.
- Chaque nuit, avant de dormir, je mets mon casque d'enregistrement. Le matin, si j'ai un bon rêve, je l'envoie à la compagnie qui le met en ligne après l'avoir classé selon des genres et des catégories: rêve de vol, rêve comique, rêve d'horreur, rêve érotique, etc. La compagnie s'occupe également d'en fixer le prix et d'en faire la publicité.
- Qu'est-ce qui fait que certains vendent leurs rêves et d'autres les achètent ?
- Les Rêveurs professionnels sont généralement des personnes hyper sensibles, pour la plupart des gauchers, ayant beaucoup d'imagination. Il faut évidemment cultiver cette capacité en s'intéressant aux arts: la musique, les arts plastiques et graphiques. Les meilleurs Rêveurs restent tout de même ceux qui ont lu beaucoup de livres dans leur enfance...
- Tu peux nous parler des problèmes et de l'avenir de cette industrie ? demanda Six, un membre de l'association qu'on avait surnommé ainsi à cause de son sixième doigt de la main droite, une mutation due à un accident nucléaire survenu dans la région où vivaient ses grands parents.
- Pour le moment, on travaille sur un nouveau logiciel qui permet de naviguer en direct dans les songes des Rêveurs connectés. On cherche aussi à isoler les différents éléments d'un rêve pour pouvoir les réorganiser et les monter, par exemple insérer un personnage d'un rêve dans le décor d'un autre. En ce qui concerne les problèmes, il y a les controverses autour du système d'évaluation des prix, les disputes habituelles entre les Rêveurs et les compagnies pour le pourcentage que chaque partie doit obtenir. Il y a aussi des problèmes qui touchent les acheteurs. Certains deviennent dépendants et ne peuvent plus se séparer de leurs casques. Ça peut devenir une drogue dangereuse...Mais notre plus grand problème à tous, c'est le piratage, le copiage illégal. Comme les autres artistes, nous, Rêveurs avons besoin de vivre de nos talents. Les pirates ne comprennent pas cela, et violent nos droits au nom de la liberté.
- Vous voulez que les Rêves aussi deviennent un privilège des plus riches, dit une voix ironique.
Je me retourne. C'était un jeune de seize ou dix sept ans, portant une bande noire autour de son front. Ça ne peut être qu'un pirate, je les reconnais du premier coup d'œil.
- Mais...comment tu t'appelles ?
- Raven...
- Raven, nous ne privons personne des rêves, tout le monde rêve. Notre industrie n'est que du divertissement.
- Dans ce cas, pourquoi achète-t-on vos rêves ?
Je le regarde avec surprise. Il continue d'un ton étrange:
- Laissez les rêves s'envoler, monsieur. Les hommes n'ont plus que ça à partager...
Sa façon de parler me bouleversa. J'aurais pu entrer dans une profonde rêverie, si une autre fille ne me demanda:
- Ça ne te dérange pas que des étrangers sachent ce dont tu rêves ?
- J'aime ce métier. J'aime partager mes rêves avec les autres. C'est comme quand on raconte une histoire. Quant aux rêves trop personnels, je les garde pour moi, je les efface tout simplement de la mémoire du casque en me réveillant.
Je fus heureux en constatant que j'avais réussi à attirer l'attention des jeunes, et surtout, quand les yeux noirs me regardèrent, pleins de reconnaissance. Je cherchais Raven des yeux. Il avait disparu.
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- Laissez les rêves s'envoler...
Je rêvais et le savais bien. Cela m'arrivait souvent. Mauvais. Les clients n'aimaient pas cela. Peu importe. Je suis heureux. J'aime rêver. Je me sens chez moi, ici, dans ce monde qui n'existe pas. La réalité est un grand fiasco. Seul le rêve compte.
Je veux que mon rêve soit parfait.
Certains rêveurs professionnels s'entraînent pour contrôler leurs rêves. Moi, je ne le voulais pas. L'inconscient est beaucoup plus créatif. J'aimais le laisser me surprendre.
Pour un moment, il ne se passe rien. Je mis encore quelque temps avant de comprendre le pitch de ce rêve là. Je suis un dieu. J'ai tous les pouvoirs. C'est à moi de décider.
Ça va se vendre comme des petits pains !
Je n'ai aucune idée de ce que je veux faire. J'improvise.
Je visualise le monde. Pas besoin de créer un nouveau. Le mien est déjà trop beau.
J'abolis les limites.
Je vole, je déplace des montagnes, je cueille des étoiles, je raconte une blague au soleil et je ris avec lui, je me transforme en géant, je joue aux boules avec les planètes, je deviens nanoscopique, je valse avec les électrons, j'embrasse toutes les créatures vivantes à la fois, je deviens eau, vent et feu. Je peins avec la musique. Je voyage à la vitesse de la lumière, je deviens lumière.
Je deviens dieu...
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- Bonjour...
- Bonjour Mme Oh. J'appelle pour un rêve que j'ai envoyé il y a une semaine. Il ne figure pas dans le catalogue...
- Référence ?
- GTK103683, c'est un rêve très spécial, il ne pouvait passer inaperçu...
- Attendez un moment...le voilà...Votre rêve a été refusé...
- Comment ça, refusé !
- Comme je vous le dis, monsieur. Rêve refusé, cause: sans intérêt...
- Sans intérêt ! N'importe quoi! Vous ne pouvez refuser ce rêve là...Ecoutez, si vous ne le diffusez pas sur le champs, je vais le vendre à une autre compagnie, non, je vais le diffuser gratuitement...
- C'est impossible, monsieur. Vous avez signé un contrat d'exclusivité avec nous. A partir du moment où vous nous envoyez votre rêve, il devient propriété de la compagnie, elle est la seule à pouvoir en disposer comme elle veut. Votre rêve ne vous appartient plus, monsieur.
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Joshua m'ouvre la porte. J'entre. Je trouve Raven qui m'attendait.
- Alors ? je lui demande.
- Tu avais raison, il me répond. Ton rêve a été classé "pièce de collection" et mis aux enchères sur un site réservé aux milliardaires. Le prix de départ suffirait pour payer les études de tous les enfants du quartier pendant pour les deux cents ans à venir.
Je tombe sur une chaise. Je regarde Joshua, qui me sourit comme d'habitude.
- Qu'est-ce que je dois faire ? je lui demande.
- Tu as le droit de porter plainte contre la compagnie et lui demander un pourcentage respectable de la somme qu'elle va toucher, me répondit-il docilement.
- Mais...
Je ne puis continuer. Mon rêve était si grand, je ne voulais pas qu'il devienne la propriété d'un connard de marchand d'armes.
- Tu te souviens quand tu étais enfant, dit mon maître. Quand tu hésitais à prendre une décision. Tu demandais leurs avis.
C'est vrai. J'ai toujours cru fermement qu'ils détiennent toutes les réponses. Je m'avance vers le mur, je passe dans la chambre secrète. Je prends un livre au hasard, je l'ouvre.
Mais je ne lis pas.
Je me rends compte que je n'avais pas besoin d'une indication. Tous les livres, toutes les pages, toutes les phrases que j'aurais choisies au hasard m'auraient dit la même chose.
Je jette un regard plein de tendresse sur les livres. Je sors. Je prends mon casque d'enregistrement de mon sac.
- Raven, dis-je. Tu veux bien m'aider ? On va donner des ailes aux rêves...
Les grands yeux noirs vont sûrement être contents de moi...
Fin


pour ceux qui ont eu la patience de lire jusque là qu'est-ce que vous en pensez ?
Rien ne ressemble à une âme comme une abeille.Elle va de fleur en fleur comme une âme d'étoile en étoile, et elle rapporte le miel comme l'âme rapporte la lumière (Victor Hugo)
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