Pour l'école, on a fait un petit compte-rendu sur le récit fantastique en s'appuyant sur des textes tels que le Nez de Gogol ou La Vénus d'Ille de Mérimée.
Il faut savoir que ce texte n'est que du cours de 4ème, je le mets seulement pour vous donner mes capacités à bien ou moins bien écrire.
Texte :
Le schéma narratif du récit fantastique se caractérise par une situation initiale banale avec des personnages banals, réalistes, et sans aucun pouvoir "magique". On peut le remarquer dans
La Vénus d'Ille où le guide accueille l'archéologue, ou dans
le Nez où Ivan Iakovlévitch se lève et, comme tout le monde, prend un petit-déjeuner.
L'élément perturbateur, lui, peut se caractériser par une confrontation entre le réel et le surnaturel : Ivan, un homme "normal" mange comme tout le monde, et d'un coup, trouve un nez dans son pain, ce qui est surnaturel ; ou lorsque Mr de P. (sous-entendu Mr de Peyrehorade) meurt dans des circonstances mystérieuses. Quoique cette mésaventure peut -- ou plutôt, pourrait -- s'expliquer rationnellement. Là où gît tout le mystère du récit fantastique.
Car dans le récit fantastique, peuvent s'envisager deux lectures : une rationnelle avec une lecture rationnelle et des explications logiques -- dans la
Vénus d'Ille, le retour de la pierre peut facilement s'expliquer par de la physique mathématique -- ou une explication surnaturelle, par une statue animée pouvant s'avérer bienveillante ou malveillante et par une malédiction qui s'abat sur Ivan.
La chute du récit fantastique s'exprime par une non-résolution des énigmes : la statue se voit déterrer et les vignes gèlent par deux fois en mois de juillet : le lecteur reste sur sa faim. Si on voulait récrire le récit et le finir par une situation finale explicative des énigmes, il aurait peut-être fallu ne pas déterrer la malveillante, mais plutôt, la laisser pour ½uvre d'art et la "respecter".
Quant au point de vue du récit fantastique, il est interne ; l'histoire s'en voit racontée par la conscience et le regard du personnage. "
Fin.
Comme vous l'avez sans doute remarquer, ce n'est pas la même écriture que les autres nouvelles. En tout cas, j'espère vraiment que vous avez préféré les nouvelles. De plus, ce compte-rendu a été écrit il y a assez longtemps de cela (le 22 novembre 2006) à une époque où je n'avais encore lu que deux nouvelles de l'Arbre des Possibles ; donc quand je n'avais pas de connaissance véritable en matière d'écriture.
Voilà. Sinon, je vous prépare aussi des critiques du Mystère du chiffre et de Apprenons à les aimer de Werber qu'il a mis dans son Arbre des Possibles, justement.
A+
***Ajout :***
Voilà les critiques d'Apprenons à les aimer et du Mystère du chiffre parus dans l'Arbre des Possibles :
" Apprenons à les aimer :
Problématique : Et si des êtres surdéveloppés existaient dans une autre galaxie
?
Développement : Qui n'a jamais réfléchi à une attaque extraterrestre : des films en ont parlé, des scientifiques en ont discuté, et quelques canulars sont nés ...
On nous demande dans cette nouvelle de se détacher de la Terre et de voir d'en haut tout ce que l'on pouvait remarqué d'étrange dans une attitude plus que routinière. Mais, également d'interpréter des êtres différents et surdimensionnés qui nous utilise à bon ou mauvais escient, et à raisonnable ou démesuré étonnement ... "
Et Le mystère du chiffre :
" Problématique : Est-il possible qu'il reste encore des choses à savoir au-delà des choses que nous cherchons ou que nous ne savons ne jamais connaître ?
Développement : Lorsqu'on apprend une chose, et qu'on n'y pensait pas, l'étonnement est la première réaction. En suivent d'autres, moins intéressantes, ou du moins à déclarer ici. Lorsque la quête du savoir est dépassée par les différences humaines de ce savoir, on peut opérer à un grave changement. Un changement d'où découlera une quête ultime de sa reconnaissance et d'un savoir autant important qu'intéressant. "
Et voilà.
Je suis en train d'écrire un livre. Et donc, les nouvelles se feront bien plus rares. J'ai également pensé à copier le début du texte ici, mais je préfère écrire, prendre du recul et du temps, et puis réécrire. Et ceci, incessamment. Jusqu'à vous poser des questions intéressantes selon moi sur votre vision du personnage principal. J'ai pas envie que ce soit Mr Tout le Monde, mais plutôt quelqu'un de réaliste avec des personnages réalistes, et une histoire logique. Et là, je pourrais vous questionner, et vous me critiquer vivement. Mais il faudra encore un long été avant que je ne fasse cela.
Voilà. Merci d'avoir lu les critiques, et le message.
À dans longtemps
.
***Ajout :***
Et bien finalement, j'ai décidé de vous donner mon texte avant. Je vous avertis : en tout, ça fait 12 pages, donc prenez toutes vos dispositions pour pouvoir le lire d'un trait (et si c'est pas possible, bin c'est pas grave).
Ce dont j'ai besoin, c'est de savoir si le scénario est logique, l'utilité des personnages qu'elles soient comprises assez rapidement (c'est-à-dire que vous compreniez vite qui est le père et la mère de qui) ; je voudrais aussi savoir si vous avez compris l'aspect philosophique de la lettre et/ou quel est-il pour vous, et toute objection sur une inexactitude scientifique est la bienvenue. Bon, je m'inspire de Werber, mais j'ai pas de prétentions à publier un jour ce livre. Seul Werber sait écrire ce type de texte.
Et s'il vous plaît, si vous lisez, soyez franc et clair dans vos critiques ; si vous n'avez pas aimé, dites-moi clairement : j'ai pas aimé, parce qu'il n'y a pas assez de figures de style (ce n'est qu'un exemple). Et alors, je ferais le possible pour ajouter des figures de style, et ensuite vous me redirez qu'est-ce que vous n'avez pas aimé.
Allez, le texte :
Jacques était à ses cours. Il ne les écoutait pas. Il ne comprenait pas à quoi lui servirait que les séismes seraient des mouvements de plaque lithosphérique. Ce qui l'intéressait, lui, c'était ses cours de philosophie. Son enseignant savait également que Jacques était très intelligent. Il avait d'ailleurs un devoir surveillé, le lendemain, en philosophie justement. Le sujet du contrôle avait d'ailleurs beaucoup intéressé Jacques. Il savait que, comme d'habitude, il allait réussir.
La cloche avait enfin sonné. Sur le chemin du retour, il se remémora son cours pour ne pas avoir à le réviser ce soir.
Jacques était un grand anecdotique. Pour lui, tout ou alors quasiment tout, était un signe. Par exemple, il avait théorisé que le lendemain d'un jour pluvieux sera malheureux. En plein printemps, il aura philosophie demain, et il commençait à pleuvoir.
Le facteur n'était toujours pas arrivé. Le professeur l'attendait aux aguets. Ce n'était pas un grand patient. Pourtant, il avait en des raisons dignes de ce nom. L'une d'entre elles était qu'il devait être en possession de ses copies du devoir de demain ; la seconde était l'attente de quelques factures apparemment arrivés en retard, comme celles de l'eau et de l'électricité dont Philippe ne voulait pas être priver. La dernière raison, et pas des moindres, était qu'il devait s'attribuer des lettres anonymes, qu'il devait envoyer ensuite à Jacques. Enseignant dévoué, il avait bien compris pourquoi il fallait qu'il le fasse ...
Jacques se levait difficilement. Suite à la pluie d'hier, il a dû se résigner à réviser ses cours et à les expliquer à sa grand-mère : la meilleure façon selon Einstein d'être sûr de savoir parfaitement une chose. Il le fit parfaitement. Ses théories plus ou moins absurdes commençaient à lui paraître stupides. Sa mère vint le réveiller ; et douloureusement, il se leva. Il n'avait plus que cinq minutes pour se préparer. Il ne se lava donc pas les dents et emmena avec lui de quoi manger sur la route. Il voulut sortir son « pass d'entrée » pour le lycée ; mais ce n'est que lorsqu'il a vidé son sac qu'il comprit qu'il l'avait oublié.
Philippe avait finalement reçu les lettres, qui en devenait moins anonymes. Cependant, il n'avait toujours pas reçu les copies du contrôle. Le facteur lui avait dit que son collègue à Paris n'a pas eu le temps de les lui préparer. Les deux enseignants collaboraient ainsi : l'un à Paris, l'autre à Toulouse ; quand l'un préparait les copies d'un contrôle, l'autre préparait le suivant. Et une fois par mois, ils se rencontraient pour débattre sur des généralités qui n'intéressent que les professeurs de philosophie.
Donc, il n'y aura pas d'heure sans réponses exclusive de Jacques, mais plutôt une heure classique de fin d'année de terminale : RÉVISION.
Jacques n'avait plus le temps de revenir chez lui, et il allait également raté son contrôle. Il n'avait même pas d'amis pour le sauver de cette impasse. Un moment, il pensa à escalader le mur, mais lorsqu'il vit du verre de sécurité, il renonça. La seule façon pour lui de rentrer était de se cacher derrière un gros gabarit. Il en vit un arriver. Étonnamment chanceux dans sa malchance, Jacques vit qu'il avait son pass. Il le suivit discrètement. De derrière, il voyait quand même que le proviseur était présent en train de vérifier que chaque individu qui passait était effectivement étudiant à ce lycée. Il se mit plus à droite pour mieux se cacher du proviseur et du surveillant. De peur, il arrêta sa respiration et commença à observer attentivement ses pieds tremblants. D'un coup, il se vit fermer les yeux. Son esprit sentait qu'il allait se faire attraper.
Philippe était déjà en salle de cours. Il attendait ses élèves. Il savait pertinemment qu'ils seraient heureux de pouvoir reporter ce contrôle au lendemain. Il en avait d'ailleurs discuter avec quelques élèves en difficulté qui lui avaient assurer qu'ils trouvaient que cette fin d'année était rudement difficile et qu'ils savaient pertinemment qu'ils auraient beaucoup de difficulté à obtenir leur Graal : le baccalauréat, le diplôme le plus important de toute la vie. Les étudiants arrivaient les uns après les autres, très tôt donc, en groupe distincts d'amis. Philippe s'étonnait de ne pas avoir vu Jacques arriver en premier. Il n'arrivait pas à penser qu'il ne voulait pas être évalué sur un simple contrôle. Non, pas lui, pas Jacques.
« Non, pas moi » se disait-il. Non, pas Jacques, pas lui, pas lui le seul élève qui excelle en philosophie, pas lui, il n'allait quand même pas se faire attraper par le proviseur. Que Dieu le préserve, oui, mais par pitié, laissez-moi aller à mon cours tranquillement.
Il réfléchissait à comment il devait réagir s'il ne passait pas, et surtout comment expliquer cette mésaventure pour ne pas avoir de plus graves problèmes. Car dans ce lycée, ne pas être en possession de son pass était étrangement comparé à un grave délit.
Pour Jacques, le temps ralentissait. Lorsqu'il avait encore les yeux ouverts, il n'avait plus qu'un mètre à parcourir. Il pensa qu'il s'était déjà fait attraper, puisqu'il sentait avoir vécu bien plus que le temps qu'il faut pour marcher deux pas. Toujours terrorisé à cette idée, il n'ouvra toujours pas les yeux. Et ceci, jusqu'à ce qu'une grosse voix rauque pensa le réveiller.
« C'est pas bientôt fini de me taper sur le dos, espèce de petit intello ! »
« Ouf ! » se dit-il.
Ce n'était que son sauveur supposé derrière qui il s'était caché. Le gros stupide. Sur le coup, il ne comprit pas. Il se releva, excusa rapidement, et s'aperçut que les portes étaient fermées. Il pensait avoir compris. En fait, le gros n'était pas rentré. Après une courte réflexion, il rejeta cette hypothèse trop irréaliste. Timidement, il demanda à savoir ce qui se passait. On lui répondit à l'unanimité qu'il était stupide. Il supplia une réponse. Sans rien comprendre, tous les étudiants se jetèrent sur lui et commencèrent à lui taper fortement dessus.
Jacques sursauta. Il venait de rêver. Mais lorsqu'il vit l'heure, il refit un mouvement de sursaut. Il allait arriver en retard. Comme dans son rêve, il n'avait plus que cinq minutes pour se préparer, ne se lava pas les dents, et pris de quoi manger sur la route. Mais à chaque seconde, il vérifiait qu'il avait toujours son « pass d'entrée », qu'il considérait maintenant comme son Graal.
La cloche n'avait pas encore sonné, bien que tous les élèves, hormis Jacques, étaient déjà assis sur leur chaise. Ne connaissant pas encore la bonne nouvelle, tous les élèves paniquaient, ne sachant pas à quoi s'attendre ; préparant proprement au minimum une demi-douzaine de feuilles doubles présentables. Philippe était d'autant plus heureux, puisque tous les élèves, même ceux en difficulté, avaient rapporté leur matériel complet et était prêt à être évalué. Il commençait à en vouloir à lui-même et à son collègue parisien de ne pas lui permettre de s'émerveiller devant des élèves sûrs d'eux-mêmes et de leurs connaissances.
« Il faut que je vous dise quelque chose, les enfants. »
Philippe avait arrondi tous les yeus de ceux qu'il dénommait « enfants ».
« Vous n'avez pas devoir aujourd'hui. »
Il se sentit trop sec. Peut-être aurait-il fallu plus de phrases, pour être mieux accepter. Car le monde fonctionne ainsi : parlez beaucoup, vous serez et vous vous sentirez le meilleur, bien qu'incompréhensible ; parlez peu, et vous serez rejeté, mais, au moins, aurez le mérite d'être clair et compris. Il sentait arriver une mauvaise réaction des élèves ...
Jacques arrivait à son lycée en courant rapidement et efficacement. Rapidement en raison de sa petite taille qui lui permettait de se faufiler partout ; et efficacement grâce à l'élaboration d'une manière de courir tant étrange que rentable en terme d'énergies dépensées : bras recourbés, corps droit avec une légère courbure vers le haut du dos, les plus longs pas possibles, pieds plats recourbés au niveau des orteils et à chaque pas, tenter le saut le plus éloigné possible. Jacques arrivait d'un angle d'où il ne pouvait pas voir la porte. S'il était un chat avec un angle de vue de 160°, il l'aurait peut-être vu ; ou mieux, s'il était un chien avec 250°, il l'aurait mieux vu. Mais il n'était qu'un Homme. Ses capacités s'en voyaient restreintes.
Jacques avait une peur atroce de trouver la porte fermée. Pourtant, il avait bien révisé ses cours, c'était théoriquement impossible.
« Oh, Monsieur ... » L'enseignant ne répondit pas. « On avait bien révisé, Monsieur ... »
Tous les élèves, hormis ceux en difficulté, se révoltèrent.
Calmement, il se décida enfin à leur répondre :
- « Écoutez, je sais bien que vous avez révisé, que vous êtes en début de déprime chez quelques-uns, mais écoutez-moi.
Si vous avez parfaitement appris et compris votre cours et l'avez surtout vécu, vous deviez sûrement vous y attendre. Mais oui, ne me regardez pas de cette façon, j'en suis certain. Vous avez sûrement rêvé que vous n'aviez pas contrôle ; peut-être pas celui d'aujourd'hui, mais un ancien devoir. Allons, souvenez-vous, êtes vous sûr de n'avoir jamais rêvé en petite classe de cinquième que vous n'auriez pas devoir un jour ? Et même que vous l'avez mal réussi ? Et bien, sachez qu'aujourd'hui votre v½u caché est exaucé. Enfin, exaucé. Vous voyez ? Comme vos fiches-mémoire disent sûrement que les rêves ne sont qu'évaporation de l'esprit et imagination avancée du cerveau, vous savez enfin qu'elles ont peut-être tort ! Que la seule vraie vérité est celle que vous pouvez et voulez vivre, et celle que votre cerveau et esprit consentent aimablement à accepter sans scrupules.
Peut-être que vous pensez que ce que vous vivez en ce moment est un sentiment de dégoût envers moi, qui ne vous ai pas donné votre devoir, j'en suis conscient ; mais sachez que vous venez de vivre un élément important de votre vie. Je ne dis pas que vous avez tort en pensant ce que vous pensez, au contraire, « Je pense donc je suis » avait dit Descartes, donc pensez, et soyez ; mais, par pitié, avant de penser, comprenez. Oui, comprenez. »
Jacques était enfin arrivé. Il n'avait pas beaucoup attendu pour arriver, tout les élèves étaient déjà rentrés au lycée. Il s'étonna lui-même à ranger précieusement son pass. Arrivé en classe, il ne prit pas sa place habituelle. Il s'assit derrière, toutes les places étant déjà remplies. Bien qu'il ait déjà pensé à l'idée qu'il ne s'assirait pas devant, il ne comprenait pas quelque chose. Une chose étrange. Pourquoi personne ne travaillait ? On n'avait pas contrôle ? Il posa cette question. Comme dans son rêve, tout le monde lui répondit qu'il était stupide. Il avait peur de supplier d'obtenir une réponse. Une peur atroce. Il demanda donc à son professeur :
- « Monsieur, pourquoi vous ne nous avez pas donné les feuilles du contrôle ? »
Le professeur lui répliqua avec un sourire aux lèvres :
- « Les questions de ce contrôle sont en toi, et seul toi peut répondre à tes questions. »
Jacques était étonnamment satisfait de cette réponse, bien qu'il ne comprenait toujours pas pourquoi il n'y avait pas contrôle. Le temps passait. Les lycéens parlaient, débattaient sur des idées que leur avaient proposé leur professeur. Et le temps passait. La cloche retentit d'un coup. Tout le monde sortit.Et juste à la dernière minute, Philippe appela Jacques pour qu'il vienne à son bureau. Tous les autres élèves pouvaient aller chez eux, mais pas Jacques.
Le facteur était arrivé à l'immeuble de Philippe. Il déposa dans la boîte aux lettre les copies du contrôle et quelques factures. Il repartit distribuer d'autres factures à des adresses différentes. Il n'était pas encore arrivé chez Jacques. Le facteur espérait que ce dernier n'allait pas venir de si tôt. Ce serait stupide.
Philippe annonça lentement: « Bonjour. » Jacques lui rendit ses salutations. Philippe étala le sujet : « Pourquoi es-tu venu en retard ? » Jacques s'étonna de cette question. Il aurait pu lui dire pendant le cours, ou alors quand il était arrivé, mais apparemment son professeur avait décidé de lui poser cette question à ce moment précis. Philippe insista : « Alors, pourquoi n'es-tu pas venu à l'heure ? J'espère de tout mon c½ur que ce n'est pas pour rater le contrôle. » Jacques était follement étonné. Il consentit tout de même à répondre :
« Mon réveil ne sonna pas, je suis désolé. »
« Ce n'est pas la peine d'être désolé, c'était juste une question ; mais je voulais t'avertir que tu as raté les premières minutes du cours. Et elles étaient intéressantes. »
« Pourriez-vous, si ça ne vous prend pas sur votre temps, me les résumer ? »
« Bien sûr. J'ai dit que ce cours est spécial, que pour le comprendre parfaitement, il faut plus que l'expliquer à qui que ce soit, plus que le réviser de haut, plus qu'en apprendre les grandes lignes. Ce cours, pour le comprendre pleinement, il faut le vivre. »
Jacques était complètement déboussolé. Il n'arrivait pas à se rendre compte que c'était ce qu'il venait de faire.
« Il faut que je vous dise quelque chose d'important. »
Le professeur se calma d'un seul coup. Comme s'il venait de recevoir une magnifique nouvelle.
« J'ai tout mon temps, tu peux parler. »
En plus, le facteur approchait à grands pas de la maison de Jacques.
« Je veux vous expliquer complètement la situation dans laquelle je me trouve et les raisons complètes de mon retard de ce matin. D'abord le matin. J'ai fait un rêve. »
Et il lui expliqua longuement son rêve et la similitude qui s'en suivit dans la vraie vie. Minute de silence. Et Philippe de répondre non sans assurance :
« Tu sais, le rêve est à lui seul un domaine scientifique évolué. Une étude a révélé que plus de 80 % des adolescents rêvent régulièrement de poursuites. Ils fuient ou alors poursuivent quelqu'un lors d'un songe. Les étudiants rêvent aussi des profs, des études, d'être en retard à un examen, de rater le train, de voir un proche mourir, de voler ...
Toi, tu as rêvé que tu étais poursuivi par le temps, et tu sentais en toi la peur de rater un examen. Qui n'avait même pas lieu, d'ailleurs. Et c'est là où je voulais en arriver, c'est-à-dire à la possibilité de ressemblance flagrante entre la vraie vie et le rêve. Puisque comme on peut rêver de mauvaises expériences que l'on a déjà vécu, nous pouvons aussi anticiper sans le savoir quelque chose qui nous arrivera dans l'immédiat et même sur le plus long terme. Je vais te poser une question qui répondra à mes suppositions : t'es tu levé au moins une seule fois entre le moment où tu t'es couché et le moment où ton réveil a sonné ? Pour aller boire un verre d'eau ou aller aux toilettes, par exemple ... Réfléchis longtemps, j'ai besoin d'une réponse. »
Euh... Eh bien... Je pense bien que je me suis levé rapidement pour boire un verre d'eau. Et je pense même me souvenir d'avoir vu l'heure pour voir si mon horloge interne ne s'était pas automatiquement levé au moment précis où je devais me lever. Comme il n'était encore que 3 heures du matin, je me suis aussitôt rendormi. »
« Grâce à ce que tu viens de me dire, je pense savoir ce qui c'est vraiment passé. Et bien que ce ne soit que des pensées, cela doit pouvoir s'expliquer scientifiquement.
Je t'explicite. Quand tu as vu l'heure, inconsciemment, ton horloge interne, certes aidé de ton cerveau, a déduit qu'il ne te restait plus que 3 heures 30 de sommeil. Mais, ça, c'était ton horloge interne. Elle ne t'aurait réveillé sans réveil électronique seulement si ton cerveau l'acceptait. Et ton cerveau savait que les autres parties du corps avaient encore besoin de repos. Il refusa. Et, par la plus grande des coïncidences, le moment où tu devais te réveiller fut celui où tu faisais tes rêves.
La plus grande partie des rêves se déroulent lors de ton sommeil paradoxal. Car ton sommeil se partage en phases ; le sommeil léger où on reste très sensible, le sommeil profond qui porte bien son nom, puisqu'on y dort profondément et enfin, le sommeil paradoxal qui augmente l'activité du cerveau et des yeux. Ce qui peut expliquer le fait que les rêves ont lieu majoritairement pendant cette phase et que c'est la aussi la phase où on a le plus de chances de se souvenir de son rêve au lever.
Comme ton horloge interne s'est souvenu que tu allais te lever en retard par rapport aux autres jours, elle a donc ordonné à ton cerveau de lui faire faire un rêve dans lequel tu anticiperas ce qui t'arriveras. Pour la question que tu n'aurais pas entendu ton réveil, il y a là deux solutions : la première est peut-être qu'il n'ait tout simplement pas sonné, que tu l'ai oublié, ou bien qu'au moment où tu as fermé les yeux dans ton rêve, tu n'y voyais rien, ni dans le rêve, ni en '' vrai '', et que donc, tu ne l'ai pas entendu. Ce qui me pousse à dire que tu étais en sommeil profond, et que donc, ça explique le fait que tu sois mal réveillé, puisque se réveiller ou réveiller quelqu'un lors d'un sommeil profond n'est pas de tout repos. »
Jacques nota le jeu de mots entre sommeil profond et repos. Il fit mine hypocritement que cela l'amusait et trancha enfin :
« Merci de m'avoir appris tout cela. Je suis heureux de savoir que ce n'est pas une malédiction qui tombait sur moi. »
Jacques n'était pas au courant. Tandis que, accourant, le facteur apportait enfin les lettres anonymes chez Jacques, maison vide, ce qui l'étonna légèrement. Philippe, qui ne savait pas si le facteur était enfin arrivé ou pas, pouvait encore rester des heures à discuter avec Jacques. Et Jacques était aussi partant pour un long entretien entre eux deux. Et ça parlait, et ça parlait ...
« Monsieur, maintenant que vous m'avez parfaitement éclairci l'esprit, j'oserais vous demander de ne plus faire qu'une seule chose. M'écouter. Et si vous voulez intervenir, vous le pouvez. Mais merci d'intervenir que si vous en voyez l'extrême obligeance. »
Jacques n'aurait jamais imaginé pouvoir prier son professeur de se taire.
« Voilà. Ma situation familiale vous fera sûrement grimacer. Mes parents se sont divorcés quand j'avais l'âge de 13 ans. Je ne me suis jamais souvenu ni du jour ni des circonstances de ce divorce. Ni de sa cause originelle. J'ai l'impression que ce divorce m'a valu une période de stress intense dans ma vie et dans mes études, ce qui m'a armé d'un kyste moyen sur le sommet droit du crâne. Revenons-en au divorce. La particularité de ce divorce, c'est que je ne me souvenais pas de ce jour. Ma mère m'a dit que c'était un 18 juin. Le 18 juin 2002. Entre nous, je n'ai jamais compris cette date, est-ce que mes parents auraient voulu se gâcher leurs vacances ? Cette date me paraît étrange. Il faudrait la déchiffrer.
Donc, je n'ai aucun souvenir profond de ce jour-ci. Au plus profond de moi-même, je sais pertinemment que c'est le jour où mes parents se sont quittés, mais dans mes souvenirs qu'ils soient visuels ou auditifs, rien ne me revient. C'est rageant. Rageant à mourir. N'ayant trouver que faire, je me suis dit que j'allais travailler jusqu'à arriver en terminale pour voir ce que me fournirait la philosophie. Pour l'instant rien, mais tant que les autres matières ne m'auront pas aidé significativement, je ne travaillerais qu'en philosophie. Et rien au monde ne pourra m'arrêter dans ma démarche. Rien, ni même le remariage de mes parents, bien sûr, car ce que je fais ne ressemble en rien en une grève de la faim, mais je prends cela plutôt pour une expérience à vivre et des recherches en moi-même les plus poussées que l'on n'ait pu faire. Et pour l'instant, même si je n'ai encore rien eu, je continue à chercher activement, en espérant un jour trouver. Et j'aurais au moins l'assurance que ma vie sera une vie réussie.
Ma mère me raconta que ce divorce était purement conséquence de l'absence d'amour entre eux deux et que ce n'était aucunement lié à moi. Maintenant, je vis avec ma mère et ma grand-mère maternelle dans une petite villa, et mon père est parti à la capitale enseigner en philosophie. Voilà pourquoi, intérieurement, je vous compare à lui des fois. Sinon, pour répondre à une possible question que vous voudriez me poser, je ne lui pose pas de questions, car je ne le vois qu'une seule fois par mois ; seule fois, à laquelle il m'invite à dîner dans un restaurant de moyenne ou haute qualité. De temps en temps, ma mère se joint à nous pour que l'on discute ensemble sans se disputer et sans dévier la discussion sur des propos instables. Ma mère est journaliste. Sa mère m'est de grand secours, car c'est à elle que j'explique tous mes cours, et plus particulièrement ceux de philosophie qu'elle comprend sans difficulté. »
Là, déjà, c'était plus dur. Elle pouvait le faire, mais elle n'y arrivait pas. Elle a entrepris un énorme challenge. Céline se demandait si elle devait écouter de la musique. Peut-être que l'inspiration en viendrait ensuite toute seule. Elle avait dit à son rédacteur en chef qu'elle allait écrire un excellent article excellemment bien élaboré. Elle pensait organiser son travail d'une façon assez spécifique :
- Un début prenant qui pousse à lire même l'individu qui n'est intéressé par aucune lecture quelle qu'elle soit ; un début qui commence déjà par un problème capital : l'amour entre le couple.
- Un milieu captivant, des énigmes peu à peu résolus ; en fait, un milieu qui quand il vous répond à une question, en pose une autre. Et ceci, incessamment. Le mystère de l'amour expliqué, va engendrer le mystère du haïssement dans le couple, qui va engendrer le mystère du '' Comment faire pour les enfants ? '', et ceci, jusqu'à :
- Une fin qui répond à toutes les questions, le lecteur en sort grandit : il a lu, compris, et sent qu'il s'en souviendra.
Céline avait enfin trouvé l'inspiration. Elle avait écouté ''Umbrella'' de Rihanna. Ça avait marché. Et là, les mots couraient. Les uns devant les autres, ils s'accumulaient. Elle s'arrêta. Elle avait soif. En buvant sa bouteille, elle se demanda que pourrait bien être son titre d'article. Elle n'aurait pas dû penser au titre. Elle se trouvait absurde, elle aurait dû d'abord faire un bon article, puis en tirer un titre, en conséquence de toutes les émotions qu'elle a pu ressentir tout au cours de son écriture. Les émotions, c'est-à-dire sa vie quotidienne, le 18 juin 2002 ...
Elle en était au mystère du haïssement dans le couple. Elle était fort bien inspirée. Et pourtant, elle avait arrêté la musique. Elle comprit ce jour que ce n'est pas l'inspiration qui n'arrive pas, mais que c'est la vie qui nous inspire le mieux. La vie, et les émotions ...
Jacques et Philippe étaient restés de longues minutes sans dire un mot. Et puis, comme lassé, Jacques prit son sac, et salua de la main son professeur, comme pour respecter le silence qu'ils avaient opérés depuis déjà dix minutes. Philippe en fit de même, puis esquissa aussi un sourire que Jacques lui rendit aussitôt. Ils sentaient le fou rire arriver, ils se retinrent difficilement. Jacques comprit qu'il devait sortir rapidement pour garder le silence et surtout ne pas en rire. Ce serait stupide.
Jacques marchait jusqu'à chez lui. Il ne voulait ni parler, ni encore moins rigoler, toujours avec cette envie de respecter le silence entrepris il y a de cela plus de vingt minutes. Il arrivait enfin à la ruelle de sa villa. Le silence en devenait presque morbide. Coûte que coûte, il ne bronchera pas. Il ne prit même pas la peine d'ouvrir la boîte aux lettres, de peur qu'une quelconque farce le fasse rire. Sa mère prendrait le courrier quand elle arrivera.
Sylvie était au marché. Elle achetait de la salade variée, du saumon, et de la bonne pastèque de début de saison, de façon à faire un bon déjeuner à sa fille et à son petit-fils. Elle passait dans les rayons, et ne s'arrêtait même pas pour voir les dernières nouveautés. Ce n'était pas son but. Son but était de rentrer rapidement pour faire la cuisine et se préparer un bon petit plat avec ses colocataires adorés.
Jacques était rentré. Il fut presque heureux de ne voir personne à qui parler. Son but originel en devenait presque le silence à tout jamais. Il avait lu un mot de sa grand-mère qui l'avertissait qu'elle était partie faire des courses. Il sentait qu'il n'avait plus besoin de parler. Comme il savait qu'il n'allait pas rigoler, il consentit à aller chercher des quelconques factures dans la boîte aux lettres.
Philippe était au téléphone :
« Alors ?
Tout est parfait. Personne n'était à la maison, je n'ai que posé la lettre, et je suis reparti en courant. Personne, et je dis bien personne ne m'a remarqué.
Excellent. La prochaine lettre partira dans une semaine. Une semaine par lettre. Je te dirais chaque semaine quand ce sera possible que je retienne Jacques. Pour les deux autres, on n'a qu'à prier Dieu.
Non, pour les deux autres, on s'arrangera, j'ai même un petit plan.
Et pour les copies, tu me les a ramenés ?
Oui, il les a envoyé.
Bon. Donc, dans une semaine, on pourra ...
À dans une semaine. Tu m'appelleras. »
L'interlocuteur raccrocha sèchement. Philippe était satisfait. Cette énorme coïncidence le surprit. Il ne l'avait pas prévu le moins du monde. C'était comme un pétale qui était tombé d'une fleur, et que le vent l'avait ramené à sa place, et l'avait resoudé avec sa fleur. Un poème indéfinissable, bien que tant recherché. Il était impossible de définir ce qui venait de se passer. Un silence de mort. Mais un silence vivant. Un silence visuel. Philippe aurait beau tenté d'expliquer ce qui se passait, personne ne l'aurait ni compris, ni écouté.
Jacques avait trouvé une lettre. Il la posa sur son bureau. Étrangement, elle était à son nom. Il pensa qu'il n'avait jamais reçu de lettres. C'était sa première lettre. Il l'ouvrit délicatement sans prendre la peine d'en voir l'émetteur. Il s'était donné comme objectif d'essayer de le reconnaître grâce à son écriture. Il avait fini sa lecture. Jacques restait mitigé entre deux possibilités de réaction :
Soit, il crie avec force, pour exprimer sa hargne, son audace.
Soit il se tait, et relit le texte et réfléchit longuement à ce texte étonnant.
Il choisit une autre solution. Il choisit de ne pas parler jusqu'à ce que quelqu'un ou quelque chose rompt le silence ; et à ce moment, il criera de rage. Ou de colère. Ou de joie, il ne sait pas pourquoi, mais il criera. Il vient de lire ce qui le bouleversera à jamais.
Céline écrivait. Rien n'aurait pu l'arrêter. Rien, ni personne. Elle avait su utiliser sa capacité à écrire rapidement et intelligemment. Elle écrivait, et elle écrivait. Elle en était arriver au problème existentiel du « Et les enfants, comment on fait ? ». Elle sentait que ce paragraphe était interminable. Il lui fit rappeler son fils bien sûr, Jacques, mais aussi tous les fils du monde. À lui seul, ce paragraphe représentait tout un article. À lui seul, il désorganise tous les principes sur lesquelles elle s'est fixée afin d'écrire. Elle n'était pas prête de le finir. Et elle commençait à avoir faim.
Sylvie avait enfin trouvé tout ce qu'elle recherchait. Il n'était encore que 11 heures. Elle avait encore un peu de temps avant de rentrer. Elle pensa qu'elle pouvait encore marcher dans les différents rayons afin de trouver une offre plus ou moins intéressante. Elle ne trouva rien. L'heure tournait, il était déjà 11 h 15. Elle avait le choix entre le bus et la marche. Elle avait assez marché comme ça. Elle choisit le bus. Dès qu'elle sortit, elle vit le bus arriver du coin de la rue. C'était en plus le bus qui s'arrêtait à la station la plus proche de la maison. C'était un coup de chance, car elle commençait à avoir faim.
Philippe rentrait chez lui en voiture. Il n'était peut-être pas très fier de lui, mais, au moins, il était satisfait de la réussite de son opération. Il savait que cela allait déboucher sur une réussite. En plus, Jacques lui avait paru très motivé. Il se demande s'il l'est toujours autant.
Et il se posa cette question existentielle : et si Jacques n'aurait pas compris la portée philosophique de la lettre ? Les conséquences en seraient peut-être graves.
Il approchait de sa maison. Il était déjà 11 h 45. Il lui fallait manger. Comme il avait toujours sur lui, un petit biscuit au caramel, il l'avala avec gourmandise. Le biscuit ne lui parlait pas. Philippe l'utilisait, mais le biscuit ne lui parlait pas. C'était un fait.
Jacques n'avait pas faim. Il avait mieux à faire. Il essayait d'expérimenter une sensation nouvelle pour tout animal. Il percevait les choses. Il percevait même le divin tout en étant agnostique. Mais la sensation de ne plus réfléchir, personne ne l'a jamais ressenti. Car, Jacques, fils biologique de Céline et de Francis, petit-fils de Sylvie, élève de Philippe, allait le ressentir. Il voulait percevoir l'idée qu'il n'arrivait plus à réfléchir. Tout en restant conscient. Pour cela, il se mettait en conscience que tout ce qui l'entourait n'existait pas. C'est certes hors du commun comme idée, mais elle aide fortement pour pouvoir percevoir ce que voulait percevoir Jacques. Paradoxe : quand il pensait que ce qu'il voyait n'existait pas, il y réfléchissait, et c'était extrêmement difficile de s'évader de ce cercle vicieux. C'était le seul bouclier à la sensation qu'il voulait ressentir. Et pour combattre un adversaire muni d'un bouclier, il faut plus qu'une épée. Beaucoup plus.
Céline n'avait plus trop d'inspiration pour terminer son article. Et comme elle avait faim, elle décida de rentrer chez elle. Elle prit ses clés et rencontra le directeur du journal dans le couloir :
Je vois que vous restez longtemps pour travailler. Ça avance votre article ?
Oui, je l'ai presque fini. Ce sera fait pour cette après-midi je pense.
C'est parfait. Je n'aurai jamais cru que vous auriez pu finir cet article aussi vite. Bravo !
Elle était fière d'elle. Elle sortit du garage et constata avec dépit des embouteillages. De toute façon, elle était obligée de patienter. Ne sachant pas si Sylvie était rentrée, elle préféra appeler la maison pour avertir de son retard. Elle allait appeler la maison. La maison dans laquelle se trouve Jacques en ce moment. Elle allait l'appeler. Et en toute naïveté, elle attendait une réponse.
« Bonjour. Lecteur, je te souhaite le bonjour. Veux-tu que l'on parle ? Si tu ne veux pas, sache que ton choix est respectable. Ton choix est le plus fort de tous. Par contre, si tu veux discuter avec moi, j'ai encore quatre ou cinq paragraphes dans lesquelles tu devras être très concentré. Si tu veux t'arrêter, tu le peux encore, mais sache que ceci est important. Sache que ce texte remettra en cause toutes tes pensées. Si tu comprends bien ce texte, tu peux te remmettre en cause. À partir de ce moment, tu es seul responsable de tes actes. Tu décides et moi je te guide dans tes choix. Tu avais encore une chance. Mais plus maintenant.
Partons de la base. J'ai la preuve que tu es capable de comprendre au moins une langue, puisque tu es en train de lire ce texte. Par extension, je pense que tu sais donc qu'il existe d'autres langues. Des milliers d'autres langues. Donc si tu es d'accord avec cette idée, tu es d'accord qu'il existe des milliers de façons pour dénommer quelque chose. Prenons un exemple simple.
En français, '' une colle ''.
En anglais, '' a glue ''.
En allemand, '' ein Klebstoff ''.
Comme je pense que vous ne voulez pas connaître toutes les façons de dénommer une colle dans le monde, et comme je n'ai pas envie de vous les lister toutes, j'arrête ici.
Partons du principe qu'en Allemagne, tous les allemands parlent l'allemand parfaitement, et ne connaissent aucune autre langue. Et supposons que vous, français, partiez en Allemagne, pour acheter une colle. En enlevant la mention '' Puis-je avoir ... ? '' et en retirant toutes les différences et difficultés de prononciation, cela donne '' une colle ''. Vous direz donc à cet allemand : « Une colle ». Cet allemand ne comprendra pas ce que vous dites : c'est normal, imaginez-vous quelqu'un qui vient vers vous et vous lance : « ein Klebstoff », vous n'y comprendrez rien. Donc, il ne vous comprendra pas, et vous n'aurez pas ce que vous désirez. Par extension, pour lui, le mot '' une colle '' ne veut rien dire. Pourtant, vous, vous savez parfaitement ce que cela veut dire. Par contre, lui sait parfaitement ce qu'est '' ein Klebstoff ''. Mais, vous, vous ne savez même pas que ce mot existe.
Vous me suivez ? En êtes-vous bien sûr ? Si votre réponse n'est pas « Oui, parfaitement », relisez. Il faut que vous ayez compris.
Donc, quand un allemand pense à '' ein Klebstoff '' et quand vous pensez à '' une colle '', vous avez les mêmes idées en tête. Et quand c'est le contraire, vous avez le même sentiment d'incompréhension. Si vous avez bien compris ce que je veux dire, vous pouvez arrêter votre lecture, car vous connaissez déjà la suite. Si non, continuez, c'est tout à fait normal.
Je viens de vous insinuer qu'en pratique, pour vous, '' une colle '' existe dans la façon de le dire et dans l'image que chacun s'en fait. Par contre, pour un allemand, le mot '' une colle '' existe dans l'image que chacun s'en fait – bien qu'il ne le sache pas, car pour lui l'image que chacun s'en fait est '' ein Klebstoff ''. Mais pour l'allemand, '' une colle '' n'existe pas dans la façon de le dire. La façon de le dire, c'est-à-dire, le langage. L'allemand pense donc que ce langage n'existe pas. Et ce serait de même pour vous, français, qui pensez que '' ein Klebstoff '' n'existe pas. Vous deux pensez mutuellement et respectivement que les mots '' ein Klebstoff '' et '' une colle '' n'existent pas ; et que donc l'allemand et le français n'existent pas ; et que donc ces deux langages respectives n'existent pas. Bien que vous savez pertinemment que votre langue existe. Seulement pour une personne neutre, aucun des deux langages n'existent. Et donc, qu'aucun des milliers de langages n'existent.
Et donc, que le langage n'existe pas. Seul l'interprétation que l'on en fait existe. On interpréte ce que l'on dit. Ce que l'on dit n'est pas le langage, mais les balbutiements opérés par les cordes vocales, c'est-à-dire ce qu'à ordonner votre cerveau. Tout est interpréter.
À méditer : Le langage n'existe pas. Seul l'interprétation que l'on en fait existe.
Avez-vous compris ? Relisez : vous devez comprendre. Aussi : ce que vous avez compris, n'est que l'interprétation de ce que vous avez perçu dans mon message. J'aurais pu le dire en allemand, l'allemand aurait compris exactement la même chose que vous. Il l'a interprété comme vous.
Allez, au revoir Lecteur. Au plaisir. »
Céline fut étonné d'écouter une voix de femme qui disait :
« Bonjour, nous sommes désolé de vous informer que nous ne pouvons faire suite à votre appel. Si votre appel est urgent, nous vous invitons aimablement à bien vouloir recharger votre carte ou à utiliser notre nouvelle formule '' Cent pour sans '' qui consiste à avoir une communication gratuite de cent minutes par jour pour le numéro que vous désirez, sous la condition que vous payez le double du prix normal pour les autres numéros. Merci de votre compréhension et de l'attention que vous portez à notre entreprise qui regroupe plus de 8 000 employés dévoués ... »
Elle raccrocha. Elle n'en pouvait plus. C'était dégoûtant. Ils ne savent plus comment faire pour avoir plus de clients, alors ils mettent de la publicité même sur leur messages automatiques. C'est dégoûtant.
Cependant, c'était sans compter que grâce à cette multinationale, elle pouvait communiquer avec l'autre bout du monde pratiquement gratuitement.
Jacques avait renoncé. Sa seule force pour faire exploser le bouclier qui le bloquait de cette idée de cercle vicieux était son esprit. Cependant, son esprit n'était pas plus fort qu'une épée. Il chercha le nom de l'auteur de la lettre qu'il avait reçu, mais ne vit aucun nom. Cet auteur anonyme qui me parle, se dit-il, était un fou de son temps. Et Jacques se croyait de plus en plus fou, car lui aussi pensait que le langage n'existait pas. Et il l'avait prouvé depuis déjà plus d'une demi-heure. Il se croyait devenu une personne neutre. Mais il se souvenut que lorsqu'il dort, il n'est pas une personne neutre pour autant. Pour être neutre, il faut ne jamais avoir parler. Et une expérience a déjà été faite sur des bébés au XVIII° siècle à qui on ne parlait jamais. Les nourrices ne leur parlait pas, ils ne purent donc jamais parler et quand ils ont été réintégrés dans la société vers 5 ans, ils devinrent tous débiles profonds et moururent vers l'âge de la puberté. Qui peut être une personne neutre ? Un être vivant non humain ? Reste que pour qu'il soit considéré comme neutre, il faut qu'il entende et qu'il comprenne ce qu'est le langage. Mais lui ne parlant pas saura très difficilement savoir ce qu'est le langage. Essayez d'imaginer une couleur qui n'existe pas ; vous trouvez cela impossible. Et bien l'être vivant neutre ne pourra pas comprendre ce qu'est le langage, puisqu'il ne l'utilise pas. Jacques avait enfin compris : comme l'être vivant neutre ne peut pas utiliser le langage, il dira que le langage n'existe pas. Et pourtant, selon lui, il aura raison ; parce que selon vous, la couleur que vous n'utilisez pas, n'existe pas. Donc lui, en disant que le langage n'existe pas, il est autant intelligent que vous. Jacques voulait à la base construire un contre-exemple sur la théorie qu'avançait la lettre, mais il se rendit compte que ce contre-exemple l'amenait à revenir à prouver l'authenticité de la théorie avancé par la lettre. Une théorie indiscutable. C'est-à-dire une vérité.
Céline en avait encore pour une bonne demi-heure dans les embouteillages. Comme elle avait faim, elle descendit de voiture en prenant bien soin de fermer à clé, pour s'acheter un petit biscuit au caramel à l'épicerie juste à côté. Elle le mangea avec gourmandise. Elle pensa à son fils ; elle espérait qu'il n'avait pas faim. Son père Francis, son ancien mari, allait venir ce soir. Elle ira avec lui et son fils au restaurant, sans doute le '' Magnifico '' ; un restaurant italien reconnu. Elle pensa à sa mère Sylvie qui était sûrement déjà arrivée à la maison. Comme elle ne pouvait pas leur parler, elle n'exprimait que des pensées envers eux.
Jacques avait compris qu'il n'était pas une personne neutre. Donc, il avait compris tout l'aspect philosophique de la lettre. Et donc il ne fera pas de grève de la parole. Il s'autorisait enfin à parler. Comme il n'avait pas avec qui parler, il prépara ses cahiers pour cette après-midi.
Ensuite il se demanda qui pourrait bien être l'auteur de cette lettre. Et que lui voulait-il ? S'est-il trompé de personne ? Et comment se fait-il qu'il a envoyé cette lettre parlant du langage à un moment où Jacques s'était dit de ne parler ? Le connaissait-il ? De toute façon, comme il ne connaîtra pas la réponse, il ne se cassa pas plus la tête que cela. Jacques attendait quand même d'autres lettres de cet inconnu pour lui donner encore quelques autres théories tellement bien racontées qu'elles lui paraissent vraies.
Sylvie descendit du bus. Il ne lui restait plus que 100 mètres à parcourir en marchant. Ses achats étaient un peu lourds. Avec ses 75 ans, elle n'avait plus beaucoup de force aux bras. Même cette marche commençait à lui paraître longue, alors qu'il n'y a pas si longtemps que cela, elle lui paraissait très courte. Elle arrêta d'avoir des pensées pessimistes, et pour se mettre de bonne humeur, elle anticipa le déjeuner. Elle pensa que ces moments de rassemblement étaient très important au sein d'une famille. Surtout une famille séparée.
Elle était arrivée. Elle ouvrit avec ses clefs et cria : « Bonjour, il y a quelqu'un ? »
Jacques ne répondit pas à cet appel. Il se dit qu'il valait mieux d'abord cacher la lettre.
« Hé, bonjour, grand-mère ! »
Sa grand-mère partit dans la cuisine d'un pas rapide et déposa sur la table ses achats. Ayant besoin de parler, Jacques descendit.
Bonjour.
Tout en préparant le déjeuner, elle lui répondit :
Alors, tu as bien passé ton contrôle ?
On l'a pas fait, le prof avait oublié les copies.
C'est dommage, non ?
Un peu, mais de toute façon on va le faire demain.
Tu veux qu'on révise ce soir ?
Je crois que c'est aujourd'hui que vient papa.
Ah, oui, j'oubliais, c'est aujourd'hui ; on va tous venir.
Comment ça, on va tous venir ?
Toi, tes parents et moi dîneront ensemble. Ça ne te dérange pas, j'espère ?
Non, non, du tout.
Sylvie était heureuse de la proximité qu'elle avait avec son petit-fils. Elle savait que c'était réciproque.
Céline arrivait enfin. Elle ouvrit la porte du garage électronique. Jacques et Sylvie l'entendirent. Jacques s'étonna à haute voix de son retard. Sylvie lui répondit qu'elle avait remarqué beaucoup d'embouteillages dans les grandes artères.
Céline sortit de la voiture, ouvra la porte, salua de la voix d'un '' Bonjour '', posa son sac, et embrassa sur la joue Jacques et Sylvie. Après ce qu'avait lu Jacques, il ne savait s'il préférait un '' Bonjour '' de loin ou un bisou de près. Il décida de ne plus penser au texte.
Jacques partit dans sa chambre pour travailler un peu les autres matières. Céline resta au rez-de-chaussée pour parler de tout et de rien avec sa mère.
Les trois appréciaient le déjeuner. Il était bientôt 13 h. Céline alluma la télé pour voir les actualités dans le monde ; tandis que Jacques partit sur Internet, là où il considère que c'est lui qui choisit ce qu'il veut savoir. Sylvie préféra aller se reposer dans sa chambre.
Bien sûr, c'est pas fini.