Marie Faucher

[cillbq]

Contes des sages qui s'ignorent, c'est un petit recueil de contes (75 contes, pour 237 pages), que j'ai trouvé en furetant à la FNAC, non seulement il est assez joliment illustré, mais en plus le contenu est superbe, je pense qu'il vaux les moins de 15 euros que je l'ai payé...Je n'ai pas résisté à l'envie de vous en faire découvrir quelques uns, pour vous faire partager le plaisir que j'ai eu à les lire.

L'ordre du monde :

Le Baal-Shem-Tov, le Maître du Bon Nom qui par sa seule parole, rendait le rose aux joues tristes, un jour, avec quelques-uns de ses disciples, se promenait dans une plaine aride et isolée, quand au bout d'une longue marche l'un d'eux se plaignit d'avoir soif, très soif. Et pas le moindre puits, le plus mince filet d'eau.
"Ne t'en fais pas, lui dit le Baal-Shem, quand Dieu a créé le monde, s'il a prévu la soif, Il a sûrement prévu son apaisement."
Et voilà que vient vers eux un paysan portant deux seauxlourds sur ses épaules. Furieux, il marmonnait :
"Mon maître est devenu fou ! Ce matin, il m'a envoyé, comme ça, une idée en l'air, me promener dans ce bled où il n'y a rien ni personne, avec deux seaux d'eau !
- Tu vois mon fils, en créant le monde, Dieu a aussi créé cette idée folle chez ce maître-là."



Les pièces d'or :

Un mendiant, un jour de marché, reçoit d'un homme bien pansu un sac de cent pièces d'or, que très vite il vient lui rapporter.
"Seigneur, cet argent ne me vaut rien. Ma femme dit que je dois lui en donner la moitié ou bien que vous devez lui en donner autant qu'à moi puisqu'elle est aussi pauvre que moi."
Le bonhomme donne alors la bourse à un homme riche qui était là, à n'en pas perdre une mieyye.
"Tiens ! les riches ne se plaignent jamais de l'argent qu'on leur donne."
Puis au mandiant : " Rentre chez toi tranquille et retrouvez-vous ensemble, toi et ta femme. Je suis pour la paix des ménages."



Le Coran :

Un homme vertueux, à qui l'on demandait souvent d'où lui venait cette odeur sainte qui se dégageait de lui, répondait invariablement :
"C'est que je sais ce qu'il y a dans le Coran."
Ainsi passaient les jours et l'invariable question, l'invariable réponse, quand un curieux eut l'idée de vouloir savoir ce qu'il y avait dans le Coran..
"Dans le Coran, il y a deux fleurs pressées et une lettre de mon ami Abdullah.



Le portrait:

Dans le rond de la lumière, sous la lampe, un enfant gribouile, et son père amusé quitte un peu son journal pour voir ce que fait son fils.
"Qu'est ce que tu nous dessines, mon chéri ?
- Je dessine Dieu.
- Mais personne ne connaît Dieu. Personne n'a jamais vu Dieu.
- Eh bien ! vous le verrez quand j'aurais fini."


La forêt :

Jean-Pierre était enfant des villes quand Grand-Père, un jour, lui fit choisir "dans quelle main" une pigne de cyprès. Bien sûr, il en avait une dans chaque main. Quand les pignes s'ouvrirent, lâchant leurs graines, Jean-Pierre les mit en terre dans une boîte à chaussures, les guettant chaque matin, chaque midi, chaque soir, égouttant dessus ses doigts trempés pour leur donner de l'humide.
Dans le train des vacances, il demanda qu'on fasse place à sa boîte à chaussures.
"Place ! Place ! Je trimballe une forêt."
Dans le jardin de Grand-Père, il a repiqué toutes ses pousses hautes comme son pouce à peine.
Jean-Pierre aujourd'hui est un homme qui se promène chaque jour dans sa haute forêt car c'était bien une forêt.


L'alphabet :

Un pauvre homme s'était perdu un soir dans les bois, sans son livre de prières.
"Mon Dieu, pardonne-moi. Me voilà perdu, voici la nuit et bien sûr que je vais dormir ici au creux des feuilles, mais je ne suis qu'un imbécile, je n'ai pas emporté mon livre de prières, et Tu sais bien que je n'ai aucune mémoire, je ne les sais pas par coeur. Toi, Tu les connais toutes déjà, alors, je vais te réciter l'alphabet, entier, Tu remettras bien toutes ces lettres en ordre ?"
Le Seigneur, ce soir là, trouva sa prière délicieuse.


Je finirais par un conte, qui m'a fait un peu penser, tout au moins au début, à un roman de Werber, c'est un peu après sa lecture que j'ai décidé d' acheter ce livre...


L'échelle :

Tricher n'est pas jouer. Chercher n'est pas trouver, et pour trouver quoi ? La verité ? Quelle vérité ?
Un de ces chercheurs, patient, acharné, gravissait jour après jour la montagne au sommet de laquelle il espérait trouver.
Sur la paroi abrupte et vertigineuse, il taille chaque marche, et chaque marche après l'autre se dérobe sous le pas qui la quitte et l'oblige ainsi à toujours monter sans espoir de retour. Il arrive enfin au sommet, le ciel sur la tête, la brume à ses pieds posés sur cette pointe de sa Terre. Et là, à ses pieds justement, une échelle est couchée. Comment dresser cette échelle qu'on ne peut nulle part appuyer ? Le sol rocheux est insensible. On ne peut rien enfoncer.
Et que fait cet homme sur cette cime ?
Peut-être qu'il réfléchit. Peut-être qu'il désespère. Peut-être qu'ilprie. Enfin il trouve. Il se dress, lui, bien droit et pose l'échelle debout appuyée contre son dos.
Alors un ange apparaît en haut de cette échelle et descend.
Une fois qu'on a fait tout ce qu'on a pu, il faut attendre l'aide. Attendre l'Ange, qui, sûrement, lui n'attend que ça.

[julien]

ça a l'air bien interessant ce recueil de contes. Merci pour ces textes, , en tous les cas ça donne envie de le lire. Et c'est dans un conte qu'il y a cette methode de prendre une page au hasard?

[cillbq]

En fait non, c'est dans la préface du livre qu' Henri Gougaud, la personne qui dirige la collection écrit (je te met juste le début) :

Sagesse des contes, mode d'emploi

Ce livre n'est pas fait pour être lu
mais pour être fréquenté comme un ami proche,
secret. Vous pouvez lui demander
de vous nourrir, il vous nourrira,
de vous éclairer, il vous éclairera,
de vous émouvoir, de jouer, il jouera avec vous
le jeu le plus mystérieux du monde celui du hazard
qui n'existe pas.

Posez-lui une question, inquiète
ou espérante, en tout cas intime,
une de ces questions d'au-deà de
l'intelligence que d'ordinaire on pose
à son coeur, les yeux fermés. Ouvrez-le
au hazard. Quelqu'un est là, qui vous parle,
Il ne vous dit pas seulement quelque chose
de plus ou de moins intéressant, non,
Il répond à cette question que
vous n'avez pas dite à voix haute.
Il y répond à sa manièren qui peut être
déconcertante. Mais ne grimacez pas.
Ce qui vous est dit là s'avère toujours
étrangement sensé.


Et ça continue sur 3 autres paragraphes...

[julien]

d'accord, merci, c'est ce que je pensais. Je sais pas si tu as essayé, mais pour moi , ça fonctionne pas mal, et c'est meme surprenant de voir le rapprochement entre le texte et le question... Mais faut relativiser, on interprete les choses comme on veut, et l'on donne le sens qu'on veut à une phrase, mais on sort quand meme avec une reponse, ça peut aider a faire un choix, qu'on avait peut etre deja fait inconsciemment.
Mais des que je croise ce livre, je pense bien le prendre! Voila un bon conseil!