Lecture Andoesque
Posté : ven. avr. 25, 2008 9:18 am
Histoire de vous faire partager mes histoires...
R ê v e e n m i r o i r
Samedi matin dans un quartier parisien, une famille de trois personnes partage ensemble un petit appartement. Le père affalé dans son fauteuil, une tasse de café à la main, regarde d’un œil torve les actualités à la télévision. La tête hérissée de bigoudis, la mère fume sa cigarette matinale sur le balcon. Quant au fils, il occupe la salle de bain depuis une bonne demi-heure. Vincent plonge trois doigts dans un pot et en recueille une énorme motte de gel. D’un geste sûr et habitué, il étale le produit bleu fluo froid sur ses courts cheveux noirs. Méticuleusement, il sculpte sur son crâne une multitude de petites mèches dressées dans tous les sens, lui donnant un air de diablotin. Sa coiffure mise en place, il attrape sur une chaise dans sa chambre sa chemise préférée et l’enfile sur un maillot de corps noir. Pour la petite histoire, cette chemise lui a coûté tout de même une bonne paire de baffes de la part de sa mère. La chemise en lin et coton rouge, s’est retrouvée affublée d’un superbe idéogramme dans le dos. Vincent la trouvait trop simple et trop occidentale. Armé d’un pinceau à poils moyens et d’une peinture acrylique noire, il a calligraphié le nom japonais qu’il s’est attribué : Kenshi qui veut dire dans la langue nippone : ange. Face à son miroir, l’adolescent juge son look. Il défait les trois premiers boutons métalliques de sa chemise, tire sur son baggy savamment déchiré, remet un bouton, hésite, puis change de chaussures. Après avoir troqué ses Vans noirs aux lacets gris argentés, contre une paire de Convers bordeaux, il quitte enfin la pièce, l’air satisfait. Son petit déj’ jus d’orange–croissant englouti, alors que Vincent s’apprête à sortir de chez lui armé de son appareil photo numérique, son père toujours en peignoir de chambre, l’aperçoit. « Tiens ! Le fan de Japoniaiseries ! » L’adolescent ne préfère pas relever la remarque, car contrairement aux membres de sa famille, il maîtrise le zen. Juste un : « A plus ! » Et il disparaît.
Après avoir fait la tournée des rares magasins asiatiques de son quartier (les boutiques–épiceries chinoises en fait), Vincent tire de sa besace smile son appareil photo numérique dernier cri et commence son tri. Exit le vieux pépé chinois aux dents plus jaunes que le citron et qui fume un cigare. Sauvegardée la jeune maman aux yeux bridés en train d’embrasser son bébé. Pendant une bonne heure, le photographe mordu du Japon, choisit avec soin les visages asiatiques capturés par–ci, par–là. Du nourrisson au vieillard, en passant par la vendeuse de « pào » ou le cycliste nonchalant, il immortalise dans sa boîte tout visage ayant un air asiatique. Les plus beaux et les plus expressifs finiront dans son ordinateur portable. Les créatures bornées et stupides qui lui servent de parents ne comprennent pas son engouement pour L’Asie et plus particulièrement le Japon. « Pour manger du serpent, du jus de panda, du chien et de la poiscaille pas cuite ??? Non, merci fiston ! En plus, tes japonais se promènent dans la rue en jupe à rayures et savates à talons en bois et s’enfoncent des sabres dans le bide à tout bout de champ ! Et je ne te parle pas des lutteurs obèses à petits chignons ! » Pour M. Benson, le Japon se résume entre autres à ces clichés inexacts et peu reluisants. Mais, Vincent lui connaît le vrai visage du pays du Soleil Levant, il vénère ce pays si paradoxal où hyper–modernité et archaïsme se côtoient dans une harmonie incroyable. Il a appris à apprécier l’âme du Japon et non son apparence ni sa mode. Découvrir et connaître ses bons côtés comme les plus mauvais. Mais son père, Armand Benson, français jusqu’à la moelle et ignorant comme ce n’est pas permis, s’en moque royalement. Un jour, Pays sublime, je viendrai jusqu’à toi.
Samedi soir, Tokyo centre ville, un adolescent se retrouve seul dans un petit appartement au neuvième étage d’un immeuble triste et gris. Ses parents, tous deux représentants dans le commerce sont en voyage à Nagasaki pour deux semaines. Tetsuka Kazuko a rendez-vous au nouveau photomaton près du lycée, pour une séance photos avec ses amis. Il avait choisi avec soin sa tenue : un nouveau t-shirt violet à strass – à l’effigie de « DéspairsRay », son groupe fétiche – sur un jean moulant noir et avait chaussé ses baskets rouge et or. Après avoir avalé son « bento » il quitte le domicile pour se diriger à pied vers son lieu de rendez-vous. En chemin, il en profite pour flâner du côté du Ginza Nikko Hôtel. La saison des touristes occidentaux n’a pas encore débuté, mais Tetsuka espère croiser un jeune occidental de son âge. Mais aujourd’hui personne ne l’intéresse. Seul un vieux couple datant du siècle dernier, déambule gentiment dans le hall violemment éclairé de l’hôtel. Suite à un cours de géographie, l’adolescent est tombé sous le charme de la plus belle ville de France, la Ville des Splendeurs, la capitale du Raffinement : Paris. Quand il n’achète pas les goodies de ses mangas préférés, il économise chaque yen épargné, afin de s’offrir un voyage pour la ville de ses rêves. Ses amis le surnomment « le Parisien » Ses parents eux, sont ravis que leur rejeton se passionne pour un pays économiquement intéressant. Ils le tiennent au courant des cours de la bourse française et des nouvelles des industries les plus importantes. Mais Tetsuka se moque éperdument de l’argent qui coule à flot ou pas dans ce pays. Ce qui l’intéresse, c’est la culture artistique et culinaire riche, la haute couture et cette ville cosmopolite et charmante. Un klaxon sort l’adolescent de sa rêverie. S’il veut arriver entier à son rendez-vous, il ferait mieux de ne pas se faire faucher par une voiture.
Arrivé près du photomaton, il salue ses amis qui l’attendaient et s’engouffrent dans la cabine bariolée. « On choisit à tour de rôle les décors ! » L’idée de sa voisine de table Sora Kitano est acceptée. Tetsuka se serre auprès des deux filles et des deux garçons qui forment son petit groupe. Trente fois ils se font mitrailler, sur fond de cocotiers, sur la banquise, près d’un volcan ou dans l’espace. Les deux jeunes filles préfèrent poser avec des Hello Kitty et des héroïnes aux cheveux roses. C’est au tour de l’adolescent de choisir son fond. Pianotant sur le clavier jaune aux boutons verts et bleus, il tombe sur une image splendide. La Tour Eiffel illuminée ! La Dame de Fer semble s’être parée de ses plus beaux bijoux pour être immortalisée sur papier glacé avec lui. « Oh ! Le Parisien a trouvé sa belle ! » La remarque de Sora ne lui parvient même pas. Il s’installe face à l’appareil et affiche son sourire des grandes occasions. A la fin de la séance, il quitte aussitôt ses amis qui essaient de le retenir en lui proposant une soirée karaoké. Serrant contre son cœur son petit paquet de photos, il regagne rapidement son « perchoir » pour passer en revue ses images d’une manière fébrile. Le découvrant enfin, il glisse le portrait sur fond de Tour Eiffel dans une pochette porte-bonheur en soie rouge. La photo rejoint ses économies et un ticket de métro marseillais rapporté par son oncle. Soudain, une idée lui vient. Il fouille dans la petite penderie de sa chambre et sort une chemise noire, sa préférée. Il la déploie avec soin sur le tatami et sort d’une boîte métallique, un tube de peinture dorée pour verre. Tirant un bout de la langue pour s’appliquer, il esquisse la silhouette de la Tour Eiffel sur le dos de la chemise. Le tube vidé et ravi du résultat, il enfile aussitôt la chemise et se pavane devant son miroir. Je m’envolerai jusqu’à toi, Ville Lumineuse !
Quinze années se sont écoulées. Dans l’aéroport de Sydney en Australie, deux hommes, Tetsuka Kazuko et Vincent Benson, sont sur le point de réaliser un vieux rêve d’adolescent. Leurs avions sont en escale sur le grand continent, ils en ont pour deux ou trois heures de transit. Monsieur Kazuko s’installe sur un siège et sort d’une malette, un journal japonais. Monsieur Benson s’assoit en face d’un asiatique en pleine lecture d’une gazette et feuillette un magazine économique. Quelques heures plus tard, ils regagneront leurs vols respectifs pour la destination finale.
Plus jamais leurs routes ne se croiseront. Pourtant, pendant des années, ils ont partagé le même rêve miroir : quitter le Japon pour la « Ville Lumière » et s’envoler de France pour atterrir au « Pays du Soleil Levant »
Prépare-toi Paris, j’arrive !
Japon, enfin je te vois !
R ê v e e n m i r o i r
Samedi matin dans un quartier parisien, une famille de trois personnes partage ensemble un petit appartement. Le père affalé dans son fauteuil, une tasse de café à la main, regarde d’un œil torve les actualités à la télévision. La tête hérissée de bigoudis, la mère fume sa cigarette matinale sur le balcon. Quant au fils, il occupe la salle de bain depuis une bonne demi-heure. Vincent plonge trois doigts dans un pot et en recueille une énorme motte de gel. D’un geste sûr et habitué, il étale le produit bleu fluo froid sur ses courts cheveux noirs. Méticuleusement, il sculpte sur son crâne une multitude de petites mèches dressées dans tous les sens, lui donnant un air de diablotin. Sa coiffure mise en place, il attrape sur une chaise dans sa chambre sa chemise préférée et l’enfile sur un maillot de corps noir. Pour la petite histoire, cette chemise lui a coûté tout de même une bonne paire de baffes de la part de sa mère. La chemise en lin et coton rouge, s’est retrouvée affublée d’un superbe idéogramme dans le dos. Vincent la trouvait trop simple et trop occidentale. Armé d’un pinceau à poils moyens et d’une peinture acrylique noire, il a calligraphié le nom japonais qu’il s’est attribué : Kenshi qui veut dire dans la langue nippone : ange. Face à son miroir, l’adolescent juge son look. Il défait les trois premiers boutons métalliques de sa chemise, tire sur son baggy savamment déchiré, remet un bouton, hésite, puis change de chaussures. Après avoir troqué ses Vans noirs aux lacets gris argentés, contre une paire de Convers bordeaux, il quitte enfin la pièce, l’air satisfait. Son petit déj’ jus d’orange–croissant englouti, alors que Vincent s’apprête à sortir de chez lui armé de son appareil photo numérique, son père toujours en peignoir de chambre, l’aperçoit. « Tiens ! Le fan de Japoniaiseries ! » L’adolescent ne préfère pas relever la remarque, car contrairement aux membres de sa famille, il maîtrise le zen. Juste un : « A plus ! » Et il disparaît.
Après avoir fait la tournée des rares magasins asiatiques de son quartier (les boutiques–épiceries chinoises en fait), Vincent tire de sa besace smile son appareil photo numérique dernier cri et commence son tri. Exit le vieux pépé chinois aux dents plus jaunes que le citron et qui fume un cigare. Sauvegardée la jeune maman aux yeux bridés en train d’embrasser son bébé. Pendant une bonne heure, le photographe mordu du Japon, choisit avec soin les visages asiatiques capturés par–ci, par–là. Du nourrisson au vieillard, en passant par la vendeuse de « pào » ou le cycliste nonchalant, il immortalise dans sa boîte tout visage ayant un air asiatique. Les plus beaux et les plus expressifs finiront dans son ordinateur portable. Les créatures bornées et stupides qui lui servent de parents ne comprennent pas son engouement pour L’Asie et plus particulièrement le Japon. « Pour manger du serpent, du jus de panda, du chien et de la poiscaille pas cuite ??? Non, merci fiston ! En plus, tes japonais se promènent dans la rue en jupe à rayures et savates à talons en bois et s’enfoncent des sabres dans le bide à tout bout de champ ! Et je ne te parle pas des lutteurs obèses à petits chignons ! » Pour M. Benson, le Japon se résume entre autres à ces clichés inexacts et peu reluisants. Mais, Vincent lui connaît le vrai visage du pays du Soleil Levant, il vénère ce pays si paradoxal où hyper–modernité et archaïsme se côtoient dans une harmonie incroyable. Il a appris à apprécier l’âme du Japon et non son apparence ni sa mode. Découvrir et connaître ses bons côtés comme les plus mauvais. Mais son père, Armand Benson, français jusqu’à la moelle et ignorant comme ce n’est pas permis, s’en moque royalement. Un jour, Pays sublime, je viendrai jusqu’à toi.
Samedi soir, Tokyo centre ville, un adolescent se retrouve seul dans un petit appartement au neuvième étage d’un immeuble triste et gris. Ses parents, tous deux représentants dans le commerce sont en voyage à Nagasaki pour deux semaines. Tetsuka Kazuko a rendez-vous au nouveau photomaton près du lycée, pour une séance photos avec ses amis. Il avait choisi avec soin sa tenue : un nouveau t-shirt violet à strass – à l’effigie de « DéspairsRay », son groupe fétiche – sur un jean moulant noir et avait chaussé ses baskets rouge et or. Après avoir avalé son « bento » il quitte le domicile pour se diriger à pied vers son lieu de rendez-vous. En chemin, il en profite pour flâner du côté du Ginza Nikko Hôtel. La saison des touristes occidentaux n’a pas encore débuté, mais Tetsuka espère croiser un jeune occidental de son âge. Mais aujourd’hui personne ne l’intéresse. Seul un vieux couple datant du siècle dernier, déambule gentiment dans le hall violemment éclairé de l’hôtel. Suite à un cours de géographie, l’adolescent est tombé sous le charme de la plus belle ville de France, la Ville des Splendeurs, la capitale du Raffinement : Paris. Quand il n’achète pas les goodies de ses mangas préférés, il économise chaque yen épargné, afin de s’offrir un voyage pour la ville de ses rêves. Ses amis le surnomment « le Parisien » Ses parents eux, sont ravis que leur rejeton se passionne pour un pays économiquement intéressant. Ils le tiennent au courant des cours de la bourse française et des nouvelles des industries les plus importantes. Mais Tetsuka se moque éperdument de l’argent qui coule à flot ou pas dans ce pays. Ce qui l’intéresse, c’est la culture artistique et culinaire riche, la haute couture et cette ville cosmopolite et charmante. Un klaxon sort l’adolescent de sa rêverie. S’il veut arriver entier à son rendez-vous, il ferait mieux de ne pas se faire faucher par une voiture.
Arrivé près du photomaton, il salue ses amis qui l’attendaient et s’engouffrent dans la cabine bariolée. « On choisit à tour de rôle les décors ! » L’idée de sa voisine de table Sora Kitano est acceptée. Tetsuka se serre auprès des deux filles et des deux garçons qui forment son petit groupe. Trente fois ils se font mitrailler, sur fond de cocotiers, sur la banquise, près d’un volcan ou dans l’espace. Les deux jeunes filles préfèrent poser avec des Hello Kitty et des héroïnes aux cheveux roses. C’est au tour de l’adolescent de choisir son fond. Pianotant sur le clavier jaune aux boutons verts et bleus, il tombe sur une image splendide. La Tour Eiffel illuminée ! La Dame de Fer semble s’être parée de ses plus beaux bijoux pour être immortalisée sur papier glacé avec lui. « Oh ! Le Parisien a trouvé sa belle ! » La remarque de Sora ne lui parvient même pas. Il s’installe face à l’appareil et affiche son sourire des grandes occasions. A la fin de la séance, il quitte aussitôt ses amis qui essaient de le retenir en lui proposant une soirée karaoké. Serrant contre son cœur son petit paquet de photos, il regagne rapidement son « perchoir » pour passer en revue ses images d’une manière fébrile. Le découvrant enfin, il glisse le portrait sur fond de Tour Eiffel dans une pochette porte-bonheur en soie rouge. La photo rejoint ses économies et un ticket de métro marseillais rapporté par son oncle. Soudain, une idée lui vient. Il fouille dans la petite penderie de sa chambre et sort une chemise noire, sa préférée. Il la déploie avec soin sur le tatami et sort d’une boîte métallique, un tube de peinture dorée pour verre. Tirant un bout de la langue pour s’appliquer, il esquisse la silhouette de la Tour Eiffel sur le dos de la chemise. Le tube vidé et ravi du résultat, il enfile aussitôt la chemise et se pavane devant son miroir. Je m’envolerai jusqu’à toi, Ville Lumineuse !
Quinze années se sont écoulées. Dans l’aéroport de Sydney en Australie, deux hommes, Tetsuka Kazuko et Vincent Benson, sont sur le point de réaliser un vieux rêve d’adolescent. Leurs avions sont en escale sur le grand continent, ils en ont pour deux ou trois heures de transit. Monsieur Kazuko s’installe sur un siège et sort d’une malette, un journal japonais. Monsieur Benson s’assoit en face d’un asiatique en pleine lecture d’une gazette et feuillette un magazine économique. Quelques heures plus tard, ils regagneront leurs vols respectifs pour la destination finale.
Plus jamais leurs routes ne se croiseront. Pourtant, pendant des années, ils ont partagé le même rêve miroir : quitter le Japon pour la « Ville Lumière » et s’envoler de France pour atterrir au « Pays du Soleil Levant »
Prépare-toi Paris, j’arrive !
Japon, enfin je te vois !