Paroles d´un touriste cubain à Paris.
Paris - 10/09/2007
Je m´appelle Francisco Valiero, j´ai 25 ans. Je suis né dans un pays dit révolutionnaire, que le président des Etats-Unis a classé dans "l´axe du mal" comme il dit. Je n´ai jamais compris pourquoi : Personne dans mon pays ne veut du mal à qui que ce soit, et personne ne comprend pourquoi nous sommes montrés du doigt de la sorte.
Je suis né à Cuba.
Un endroit « particulier » paraît-il. « Communiste » m´a-t-on reproché dernièrement, à Paris oui, communiste, voir même marxiste-léniniste en particulier, mais je voudrais vous rassurer, ce n´est en aucun cas une maladie. Au pire une discipline un peu rigide, au mieux, un sens moral aiguë et une solidarité naturelle que l´on m´a apprit dès mon plus jeune âge, et qui maintenant me vaut d´être invité et choyé dans nombre de soirée latino pour lesquelles je déborde de sollicitation. Si chez vous, beaucoup disent du mal de mon pays, les sud-américains ne s´y trompent pas. J´étais comme une sorte de « star » dans le Paris-latino.
J´ai l´impression que les cubains sont à la mode chez vous. J´ai eu l´impression d´être à la mode. Je suis au regret de vous dire que ce n´est pas réciproque, car lorsque vous venez chez nous, beaucoup d´entre vous se comportent mal et manquent de respect.
Je dis « à Paris » car je suis actuellement en France, mais par ce texte, je vous dis merci et au revoir.
Il y a bientôt 7 mois, ma soeur qui est établie tout prés de la capitale de la France, m´a proposé de venir lui rendre visite parce que je lui manquais. Elle aussi me manquait car notre famille est plus importante que tout. Elle fit tout les papiers nécessaires, l´administration cubaine ne fit pas de problème, juste un peu lourde sur la procédure en regard des déplacements induits par ses demandes, mais le plus incroyable restant les papiers sollicités par l´ambassade de France à La Havane.
Nous sommes originaires d´un petit village de pêcheurs à l´ouest de Santa Clara, et j´ai du me déplacer à d´innombrables reprises pour amener d´innombrables papiers, tantôt censés, tantôt incompréhensibles. Mais surtout, j´ai du affronter le regard des fonctionnaires consulaires Français qui me jaugeaient tel un pirate le couteau entre les dents. Je ne demandais rien à personne au final, seulement une autorisation administrative française me permettant de rendre visite à ma soeur, aide soignante dans un grand hôpital parisien.
Je n´arrivais pas en France dans l´esprit d´émigrer, même si cela m´a effleuré. Enfin, c´est surtout ma soeur qui a collectionné le plus de problèmes. Il aura fallu qu´elle me déclare comme un animal vacciné, pris en charge économiquement, pour qu´on lui donne l´autorisation de me recevoir chez elle. J´aimerais savoir si telle chose est arrivé à un seul français qui s´est rendu à Cuba.
J´arrivai enfin en France, chez ma soeur et mon beau-frère, un français originaire de la Bretagne.
La France. Je ne connais personne qui n´en rêve pas chez moi. Le pays d´une Révolution, celui de l´art de vivre et des Droits De l´Homme, celui d´un peuple rebelle et fier, celui du siècle des lumières, de ses intellectuels, de ses grands Hommes et de ses artistes. L´Histoire de France que l´on apprend dans nos écoles cubaines dès le plus jeune âge. Il y a même une Tour Eiffel dans mon village car il y eu un carnaval avec comme thème Paris.
Le soir de mon arrivée, ma soeur et mon beau-frère travaillant le lendemain, me donnèrent quelques consignes pour mes prochaines journées. Et un peu d´argent aussi, une fortune en réalité, pas moins de 50 Euros ! C´est ainsi que le lendemain je me suis levé très tôt, avide de découvrir ce que nombre de publicités, légendes ou rumeurs m´avaient assoiffées de découvertes. Et c´est la que je fis la constatation de ma première surprise : A quelques mètres de la porte d´entrée de l´immeuble, un homme visiblement dans un mauvais état, était allongé par terre, dans la rue. Personne ne semblait l´avoir vu, alors j'ai tenté d´alerter les passants, dans ma langue. Un véhicule de Police arriva, puis un autre véhicule rouge, apparemment les secours. Ils le prirent en charge, et comme personne ne me comprenait, j´ai continué mon chemin. 50 mètres plus loin, ils étaient 6 à être étalés par terre avec des chiens et probablement des bouteilles d´alcool. Personne ne les voyait, comme des meubles usés. Je restais interdit par ces constatations, interloqué et surpris. Peut-être que certains français aimaient vivre comme cela. Je n´avais pas de repère, cela n´existait pas chez moi.
C´est ainsi que je me suis promené toute la journée jusqu´au soir, ne me privant pas de dépenser les 50 Euros, notamment dans un Mac Donald ou, somme toute, j'ai trouvé une nourriture abondante et consistante mais sans saveur appréciable, plutôt bourrative. Et surtout, malgré l´incroyable beauté de Paris, je vis partout des gens qui mendiaient, l´air mourant dans les rue de France, tandis que l´ensemble passait son temps collé au téléphone portable. Et quand je demande maladroitement mon chemin, c´est à peine si l´on me répond. Quelle curieuse organisation sociale.
Je me suis longuement promené dans un grand magasin qui vendait de tout, au point qu´un homme noir très costaud m´a suivi dans les allées. J´ai été profondément choqué par une chose : J´ai observé une très longue travée garnie de nourriture pour les animaux, et aussi de tas de choses pour leur confort, même des jouets !
Dès que j´ai revue ma soeur, je lui fis part de ces observations pour le moins incroyable, incongrue et hors d´imagination pour un simple citoyen Cubain comme moi. Elle tenta de m´expliquer, mais tout cela me dépassait et j´avais la migraine, une forte migraine due à ce décalage, à l´air respiré et à ce tourbillon « d´hallucinations ».
Le lendemain, je repartai en m´étant promis de ne plus faire attention aux « dormeurs des rues », seulement voilà, je fus confronté à une autre particularité : Partout dans l´avenue, sur le trottoir, des gens paraissaient déménager : Des meubles, de l´électroménager, des jouets, des vêtement étaient entassés sur les trottoirs. Des tas d´objets se trouvaient la, à même la rue. Puis je vis des gens se servir, shooter dedans, des chien pissaient sur ces tas d´objets. Ce jour la, plutôt que de me rendre ridicule comme la veille, je me suis assis sur un banc puis me mis à observer : En fait, ces objets partaient pour les ordures. Des articles de maison qui paraissaient neufs étaient jetés là comme s'ils étaient hors d´usage. Chez nous, cela n´existe pas, nous réparons les choses en panne ou usées. Je n´ai toujours pas assimilé une telle opulence permettant cela. Les trois quarts de ces objets auraient été un luxe inouï dans n´importe quelle famille cubaine.
Les jours suivants, je suis resté enfermé à vider le réfrigérateur de toutes ses saveurs colorées, mélangeant des fromages et des glaces aux goûts inconnus. Mangeant le jambon à pleines mains et faisant bouillir quelques morceaux de viande enroulés de gras que j´arrosais abondamment de citron après cuisson. Je ne compris rien au fonctionnement de l´ordinateur, mais j´appris vite à manier la télécommande de la télévision. La langue française est compliquée à comprendre mais pas hors de portée pour un hispanique, et j'ai voulu vite savoir ce que l´on racontait ici. De toutes façons, malgré la profusion de chaînes internationales, je n´avais pas trouvé de « telenovelas » (NDT : feuilleton typique sud-américain) même sur les chaînes espagnoles.
Je suis arrivé chez vous en pleine période d´élection présidentielle. Vous étiez tous affairés à élire un président pour la France. Comme je ne comprenais rien, j´ai décrété que la femme était bien plus jolie que le petit homme. En plus, j´ai compris qu´elle était socialiste. Mais elle à perdu, cependant, la France s´est exprimé et le peuple semblait satisfait de l´arrivée du petit homme nerveux, plein de tics. Je me demandais s´il allait être ami avec nous les cubains.
Par la suite, ma soeur m´a présenté ses amis sud-américains, vu que je m´emmerdais chez elle, et que je passais mon temps à vider le réfrigérateur. Alors je suis parti avec ses amis dans des boites de nuits de Paris. J´ai rencontré beaucoup de gens, d´ici et de partout. Gêné parce que comprenant qu´on me présentaient comme un cubain de Cuba. Comme si un cubain pouvait venir d´un autre pays. Parfois ses amis latinos m´exhibaient comme un authentique produit de « la-bas », parfois comme un « pauvre » qui découvrait la vraie vie, tout le temps comme un faire-valoir faisant l´objet d'attentions. Ce n´est pas facile à vivre.
J´ai rencontré des gens bizarres dans votre capitale. Bonjour le soir, je t´ignore le lendemain. Et puis aussi « je te prends pour pauvre et con », comme celui qui m´a fait travailler une semaine dans son restaurant cubain, dans le quartier du Marais. Qui au final me payait avec mes pourboires, mais qui par contre vendait les cigares de mon pays à 15 euros pièces, d´un mauvais tabac très sec que nous ne voudrions même pas pour nos bêtes.
Autres rencontres, comme celles qui m´ont conseillé de me déclarer comme « réfugié politique » avec tous les avantages sociaux à la clé. Les mêmes à qui j´ai expliqué que ma soeur avait dû payer une fortune lorsque je fus victime d´une rage de dent, alors que chez moi, il faudrait vraiment un accident pour en arriver là. Et pourquoi réfugié, et pourquoi politique ? Ni réfugié, ni politique, je n´étais qu´un simple touriste cubain. Une femme m´a même proposé un mariage pour que je reste en France, mais je lui ai répondu que j´étais déja marié et que je ne voulais pas rester en France. Je crois que je l´ai vexé
J´ai vu des compatriotes flamboyants le soir, tantôt danseurs, tantôt amants de femmes hors d´âge, rentrer dans leurs chambres minuscules et sans toilettes, mais qui pourtant evendiquaient l´oeil triste, l´art de vivre d´une grande capitale européenne : Paris.
J´en ai rencontré d´autres qui m´ont expliqué le « paradis », et qui n´avaient qu´une chose dans leurs yeux : Cuba. Ceux la, je ne les voyait pas dans les endroits « à la mode », ils travaillaient dans un seul but, rentrer chez nous.
On m´a également fait rencontrer beaucoup de français se disant solidaires avec Cuba, mais cette solidarité ne s´exprimait qu´après beaucoup de Mojito, et n´avait que peu de consistance passée la soirée. C´est ainsi que je découvris en France une curieuse conception du communisme accompagné de drapeaux à l´effigie du Che.
Durant toute ces semaines, j´ai regardé la télévision tous les jours, la télévision française. Et tous les jours je voyais votre petit président qui, selon ce que j´ai compris, a passé ses premières vacances avec le président Bush. Autant nous n´avons pas autant canaux de télévision que vous, autant Fidel ne se permettrait pas d´apparaître aussi souvent et pour ce que j´en ai compris, pour n´importe quoi et à n´importe quelle occasion.
Il y aurait tant à dire sur votre société, et tant sur la mienne, mais je suis au regret de vous faire remarquer que vous avez abdiqué face à la justice. Chez vous, des milliers de gens mendient sur vos trottoirs, alors que j´ai vu des cortèges de voitures à 1 millions de dollars.
Chers amis français, vous m´avez accueilli avec beaucoup de bienveillance, parfois mitigée ou compatissante, mais il vous faut comprendre qu´un cubain qui vient visiter votre incroyable pays n´est pas qu´un pauvre bougre en manque. Et lorsque vous venez chez nous, rappelez vous une seule chose : Pour nous, tout est gratuit : La santé, l´éducation, le sport, la culture, et il y a moins d´analphabètes dans notre pays que dans le votre, nous ne sommes pas riches comme vous, mais dans mon pays, les êtres humains ne décorent pas les trottoirs des villes. Je suis fier d´être né à Cuba, et jamais je n´échangerais ma « misère » comme on me l´a souvent souligné, contre votre « opulence » de façade. Le jour où vous vous battrez pour l´essentiel pour tous, alors vous serez cubain, et sachez que notre main sera toujours tendue.
Je ne sais pas si je raconterai tout ça à mes amis dans mon village, je pense qu´ils ne me croiront pas. Je reviendrai vous voir.
Francisco Valiero - De passage à Paris.
Traduction pour CSP : Sierramaestra
http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=52412