Effectivement, la remarque des 10% vient de William James, un des pionniers de la psychologie moderne.
Comme il a été dit, je pense plutôt que ce soit 10% des capacités utilisées consciemment et le reste inconsciemment.
Se pose alors le problème de l'inconscient: qu'entend-on par là ? Je distinguerai
deux inconscients, l'inconscient psychanalytique et l'inconscient que je nommerai "cognitif".
Selon la théorie psycho-dynamique (psychanalytique), nous avons un partie consciente et une partie inconsciente (je schématise, on ne va pas rentrer dans les sous-détails de pré-conscient, subconscient etc...). Cette partie inconsciente a une importance qui varie selon les auteurs. Freud place l'inconscient comme un élément central, ultra puissant.
Jung parle d'un conscient, un inconscient individuel dans la couche la plus superficielle et un inconscient collectif dans la couche la plus profonde. Il minimise l'inconscient en remettant en avant le conscient.
Des auteurs comme notamment Erikson ont participé au mouvement dit de l'Ego Psychology, où le conscient est remis sur le devant de la scène. Je ne m'étendrai pas dessus, pour ne pas HS.
Parce qu'une part énorme de notre vie est inconsciente. Je ferai plutôt intervenir alors la deuxième notion, inconscient cognitif. La théorie de l'inconscient en psychanalyse n'est pas forcément avérée, et elle est difficilement prouvable. Celle de l'inconscient cognitif est plus facilement étudiable, je vais vous en donner des exemples.
Lorsque nous voyons quelque chose, cela passe bien sûr par nos yeux, puis le nerf optique. L'aire visuelle primaire (V1), puis les autres aires visuelles sont dans le cortex occipital (le cerveau est divisé en différents lobes, celui là est celui juste au dessus de la nuque).
Il existe une pathologie appelée cécité attentionnelle, si je ne me trompe pas dans le terme. Elle est dûe à des lésions de ces aires.
Le patient devient alors aveugle. Classique me direz vous, rien d'original. Oui, mais voilà, prenez cette personne, demandez lui de marcher, et sur son chemin, placez une chaise. Vous demandez juste qu'elle aille droit.
Elle devrait marcher en plein dedans et pourtant... non, elle l'évite !
La personne ne "voit" pas dans le sens qu'elle n'en a pas conscience, son corps l'a "vu".
Troublant aussi, l'expérience de Tranel et Damasio de 1978. Ils ont pris des prosopagnosiques: c'est une pathologie, due à une lésion du lobe pariétal (celui juste au dessus de l'occipital, vers le sommet du crâne en gros) qui fait qu'on ne reconnait plus les visages familiers. On est incapable d'utiliser nos yeux pour identifier un visage (faire la séquence de regardez les yeux puis la bouche notamment). Quand on demande montre à la personne des visages, qu'elle connait ou non, on demande si elle les reconnait.
Dans tous les cas, elle dit "non, je ne les connais pas", même ses amis ou proches.
Oui, mais... si on place des capteurs de la réponse électrodermale (R.E.D.) (ce qu'on appelle le "détecteur de mensong" qui détecte l'activité électrique de la peau). Quand on montre les visages connus, la personne dit "je ne connais pas".
Mais la R.E.D. elle est présente, il y a donc reconnaissance, mais pas consciente. Et avec des inconnus, elle ne l'est pas
Les neurosciences découvrent de plus en plus que des processus inconscients sont au centre de notre activité cérébrale. Ce qui pourrait donc expliquer qu'on utilise, dans le sens se servir délibéremment et volontairement 10% de notre cerveau, ou de manière générale, de notre SNC, système nerveux central (j'inclue alors la moelle épinière, car tout ce qui est réflexe, ajustement des muscles pour éviter le claquage etc etc, c'est aussi une part énorme de notre SNC).
L'activité de l'équilibre aussi, par exemple, quand on est debout, on n'est jamais fixe, même au garde à vous, on oscile toujours un peu. Ca, je ne le décide pas volontairement.
Il y a beaucoup d'exemples encore, le sommeil, les fonctions neurovégétatives (déglutir la salive, respirer, faire battre le coeur)
J'en viens alors à un point suivant, évoqué dans cette discussion: les synapses. On dit que le nombre de connexions possibles dans un cerveau est supérieur au nomnbre d'atomes dans l'univers (et non, comme il est dit dans Amélie Poulain "le nombre de neuronnes est supérieur au nombre d'atomes dans l'univers", car ça n'est pas possible, vous vous doutez bien, en revanche, on a plus de neurones dans un cerveau que d'étoiles dans l'univers)
Comme nous avons vu, on a tout un tas de processus inconscients réalisés par le SNC. Mais ces processus sont le fait d'un système, d'un réseau de neurones etc. Ce qui occupe donc une grande partie de notre cerveau en terme de "matériel physique".
Le nombre de connexions possibles est illimité (enfin, bon, tout statisticien me répondra que non, on peut quantifier les probabilités, mais elles sont énormes), on n'aurait donc, actuellement à
un temps t une certaine combinaison de connexions en place.
Cette combinaison correspondrait-elle alors à 10% de ce que mon cerveau pourrait POTENTIELLEMENT produire comme réseau ?
Après, vient aussi la question des connexions inutiles. Dans la première année de notre vie, on perd presque 1 milliard de neuronnes. Ils sont naturellement présents, mais "inutiles" dans les dispositions actuelles. Ils entrent dans la composition de réseaux aberrants: par exemple, c'est schématique, et ça ne se passe pas tout à fait comme ça: le bébé a appris le schéma "je mets la main à la bouche" (je ne suis pas rigoureux, on va dépasser tous les stades de développement, on ne va pas s'en préoccuper à savoir, quels mouvements sont appris en premiers etc.) Admettons que ces neuronnes soient mal agencées, il a mal appris le geste et porte la main dans le vide. Ce geste n'est pas utile en l'occurence.
Un principe fondamental, dans le corps humain et spécialement dans le SNC:
tout ce qui ne sert pas est vite supprimé et réagencé, tout ce qui est souvent utilisé est renforcé, solidifié afin d'être encore mieux utilisé. On peut notamment citer l'exemple de plasticité cérébrale, un individu qui devient aveugle, à terme, dans son Cortex Pariétal Postérieur (CPP), là où sont centrées toutes les informations de la sensibilité, selon ce qu'on appelle l'Homonculus de Penfield (
http://perso.orange.fr/association.afrh ... rvo43w.jpg)
à terme les zones de la vision, inutiles désormais, sont réagencées, notamment pour l'ouïe.
Donc, si on en revient à mon geste dans le vide, les synapses qui codent pour ce geste, sont aberrantes. Le corps va donc les supprimer (c'est notamment une des théories de l'existence du sommeil paradoxal, phase où le dormeur est en activité électrique élevée, il servirait notamment à supprimer ces connexions inutiles) Un nourrisson passe 50% de son temps de sommeil en sommeil paradoxal.
Cela voudrait-il dire qu'on a 10% des connexions qui sont stables, car utilisées sans cesse, pour des choses avérées et 90 % de connexions qu'on aurait créé tout au long de la journée et qui au final ne nous auraient servi à rien ? Et qu'on va donc défaire.
Le cerveau ne serait-il qu'un gros canevas où on ne fait que faire et défaire des connexions ?
A ce moment là, si on n'utilise que 10% (je reprend ce chiffre c'est peut être plus, peut être moins, ce sont comme on a dit, des processus inconscients, et qu'on ne peut identifier précisemment avec la science actuelle, il y a trop de synapses pour toutes les analyser...), n'est-ce pas tant mieux ?
Plutôt que d'avoir 100 % des connexions possibles dans le cerveau, oui, mais dont 90 % seraient inutiles voire dangereuses car permettant des mouvements, des fonctions, des réactions innapropriées?
Le cerveau est notre plus bel organe, il est d'une complexité folle.
Je ne sais plus disait que telle zone du cerveau correspond à telle fonction. Comme dirait un de mes profs de neurosciences avec son accent portuguais "c'est plus compliqué qu'ça !". En fait, il y a deux courants, localisationniste et globaliste. Le premier dit: tel endroit, telle fonction. Le deuxième dit: ça, plus ça, plus, plus plus... nous donne ça.
Il apparait que ça soit un peu des deux. On a des zones dont on sait à quoi elles servent. Mais le cerveau est un énorme câblage, des zones communiquent toujours les unes avec les autres.
Enorme cablage, dont il faut sélectionner quels câbles sont réelement utile. On en revient à la question des 10% etc...
Après, tout petit aparté, c'est pour emm... le monde, juste qu'on m'a emm. avec ça,
l'hypohyse n'est pas considérée comme faisant partie du cerveau... Mais bon, elle y est très liée, c'est chipoter énormémement.
A la personne qui parlait de télépathie, qui sait, on n'a pas encore réussi à démontrer scientifiquement que ça existe, ça ne veut pas dire pour autant que ça n'existe pas.
Etant d'une fac de psycho expérimentale et scientifique, on a pour credo que tout le monde peut avancer quelque chose, tant qu'il le prouve.
Il y a une chose qui est épatante: tout comme une fois que notre coeur bat, il ne s'arrête jamais (j'exclue la question des infarctus) tout au long de notre vie; une fois le cerveau lancé, son activité électrique est constante.
Il y a une théorie dite de l'assemblée de neuronnes, selon laquelle (en résumant), la conscience c'est juste des réseaux de synapses qui pulsent à une fréquence précise, qui est 40 Hz. (tiens, tiens 40... nombre dans la Bible, mais j'en parlerai sur un autre topic, je suis un peu HS). La question des ondes cérébrales est un vaste sujet aussi, et donc la question de l'influence d'ondes, magnétiques notamment, sur notre cerveau etc. La télépathie se sert peut être de ces ondes pour communiquer.
Cette théorie pousse également à la réflexion sur la question de départ, ces fameux 10% en y introduisant un autre élément: la mémoire.
Selon cette théorie, un événement, un mot etc, "codé" dans le cerveau c'est juste tel neuronne associé à tel neuronne associé à untel, untel. Avec un question de pondération: certains neuronnes libèrent des neurotransmetteurs excitateurs, d'autres inhibiteurs. Si on résonne en terme de + et de -, cette théorie dit qu'un souvenir, c'est une valeur finale, tant de +, tant de -... (en espérant ne pas me tromper). Est-ce qu'alors 10% de notre mémoire est consciente, et donc on utilise 10% de nos capacités.
Ce qu'on appelle la mémoire procédurale (souvent, on prend comme exemple la manière dont on s'essuie en sortant de la douche, remarquez qu'on fait toujours de la même manière, on a appris une bonne fois pour toute et on s'en sert toute sa vie, sans y réfléchir) est omniprésente. On revient aux réseaux utiles: seules les connexions qui servent à s'essuyer efficacement, sans se casser la g... ont été renforcés. Ceux inutiles supprimés.
Je prends l'exemple des mouvements, mais ça s'applique à d'autres secteurs aussi, juste que l'exemple est plus représentatif.
On aurait donc en fait à disposition 10% des mouvements "qui nous servent" et potentiellement 90% des mouvements "inutiles".
Un autre exemple, et je rebondirais alors sur ce dont il a été question, à propos des autistes qu'on appelle "autistes intelligents". Une des explications physiologiques de l'autisme (enfin, plutot un constat, on ne sait encore que trop peu de choses) est un déficit d'inhibition notamment au niveau du lobe pré-frontal (qui comme son nom ne l'indique pas, n'est pas avant le front, mais au niveau du front...) là où sont les capacités dites "supérieures" de l'Homme (jugement, raisonnement, évaluation etc). On retrouve ce souci d'inhibition chez les schizophrènes et également chez les lésions qu'on nomme "frontales".
On remarque par exemple que les schizophrènes peuvent rester aimantés sur un détail pendant des heures, on trouve ça aussi chez autistes, et on trouve ça aussi chez les frontaux. On observe par exemple que des schizophrènes sont très forts pour trouver des anagrammes. Dans la vie quotidienne c'est inutile. Mais eux ont un souci physiologique. Donc utilisent une capacité inutile au quotidien.
De même, chez les patients frontaux, il y a une affection appelée "euphorie" avec des troubles du comportement sociaux. Il n'y a plus d'inhibition, le patient dit ouvertement ses 4 vérités à tout le monde, il fait des bêtises, il ne "sait pas se tenir" (le cas le plus connu est celui de cet ingénieur qui a pris une barre métallique dans l'oeil, qui lui a transpercé le lobe pré-frontal, Phinéas Gage). Cela veut dire quoi ? De base, on sait faire des anagrammes, on sait dire ses 4 vérités, mais ça ne sert pas tous les jours. Je ferai le parrallèle avec L'Ultime Secret, les paranos qui déploient des trésors d'ingéniosité pour mettre au point des systèmes de surveillance et de protection.
Mais on est sans cesse en train d'inhiber. Un champ de recherche important en neurosciences est celui de l'inhibition. On inhibe sans cesse.
Revoilà un parallèle avec l'utile et l'inutile, je parlerai ici plutôt d'adapté ou inadapté. Ainsi notre cerveau sait brider nos potentiels (dans quel but ? un certain darwinisme ?)
Il y aurait donc une explication physiologique, et aussi comportementale, pour moi les deux sont liées. En reprenant les paranos du livre, physiologiqement, ils ne sont plus inhibés pour ces choses "inutiles", mais ça sert leurs comportements, leurs délires, donc ça les renforce en les rendant "utiles"...
Ainsi, les réseaux inutiles à
un temps t, mais utile tout de même, sont inhibés, mais pas supprimés. Ceux inutiles sont supprimés.
C'est un sujet réelement passionnant, encore plus qu'on n'en sait pas grand chose, et qu'on peut difficilement l'expérimenter...
Vaste débat... J'en ai fait une tartine monstre, j'ai essayé d'agencer mon post pour qu'il soit clair, mais ça reste fouillis, je le crains. Courage à toi, lecteur qui me lit.
J'espère ne pas trop avoir fait de HS, j'ai voulu toujours relier avec le sujet initial: 10%/90% en me focalisant notamment sur la question conscience/inconscience.