Education : fessées, gifles, et autres châtiments corporels
reréponse
on semble se parler à soi-même, franchement c'est impossible à lire, il faut synthétiser la pensée pour la rendre accesible ou ouvrir une section pour écrire un livre, jamais vu ça moi, ça mérite une fessée non je ris mais c'est pas évident de lire tout et quand on termine on a oublié le début: ça s'appelle un post sans fin et moi je dis oui petite fessée et non grosse raclée, ça fait six mots à peu près et c'est court et simple. Bon, le prenez pas mal non plus mais bon c'est juste une impression comme ça; j'essaie de rester dans le sujet mais j'espère que les posts sont pas partout comme ça, bon je vais me boire un cola moi.
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j'ajouterais juste ceci
Résumé
Dans nos sociétés européennes, frapper un être humain est prohibé. L’enfant est un être humain. Frapper les enfants et les humilier délibérément n’en demeurent pas moins une pratique courante admise dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. Il faut casser l’acceptation sociale et juridique du châtiment corporel des enfants.
L’Assemblée parlementaire souhaite que chaque Etat membre se dote d’une législation qui prohibe les châtiments corporels aux enfants, notamment au sein de la famille
Elle note les succès remportés par le Conseil de l’Europe dans la suppression de la peine de mort en Europe et elle demande aux Etats membres de s’attacher de la même manière à faire de l’Europe, dans le plus court délai possible, une zone exempte de tout châtiment corporel pour les enfants.
I. Projet de recommandation
1. L’Assemblée parlementaire relève que pour satisfaire aux exigences de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale révisée, d’après le Comité européen des Droits sociaux, il convient pour les Etats d’interdire tous les châtiments corporels et toutes les autres formes de punition et traitement dégradant à l’encontre des enfants. Cinq Etats membres ne satisfont pas à leurs engagements car ils n’ont pas de fait interdit tous les châtiments corporels; une procédure de réclamation collective a été ouverte contre cinq autres Etats membres pour cette même raison.
2. L’Assemblée note également que la Cour européenne des Droits de l’Homme en est venue à conclure, par des arrêts successifs, que les châtiments corporels violaient les droits de l'enfant tels que garantis par la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; ces conclusions ont visés tout d'abord les châtiments corporels dans les établissements pénitentiaires pour jeunes délinquants, puis à l’école, y compris dans les écoles privées, et tout récemment, dans le cadre familial. Par ailleurs tant la Commission européenne des Droits de l’Homme que la Cour ont souligné que l’interdiction de tout châtiment corporel n’était pas une violation du droit au respect de la vie privée et familiale ou à la liberté de religion.
3. L’Assemblée constate que tous les Etats membres ont ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant ; cette convention exige des Etats qu'ils protégent les enfants contre toutes formes de violence physique ou mentale de la part des adultes qui en ont la garde. Le Comité des droits de l'enfant, organe conventionnel du traité, a constamment interprété cette convention comme exigeant des Etats, à la fois l’interdiction de tous les châtiments corporels à l’égard des enfants et des actions de sensibilisation et d’éducation du public.
4. L’Assemblée se félicite de l’Initiative mondiale actuellement lancée pour mettre un terme à tous les châtiments corporels infligés aux enfants ; elle souhaite se joindre au soutien que lui apporte d’ores et déjà l'UNICEF, l’UNESCO, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, le réseau européen des médiateurs pour enfants (ENOC) et de nombreuses institutions des droits de l’homme et organisations non gouvernementales nationales et internationales à travers l’Europe.
5. L’Assemblée estime que tous les châtiments corporels infligés aux enfants violent leur droit fondamental au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique. Le maintien de la légalité des châtiments corporels dans certains Etats membres est une violation du droit tout aussi fondamental des enfants à une protection devant la loi à égalité avec les adultes. Dans nos sociétés européennes, frapper un être humain est prohibé et l’enfant est un être humain. Il faut casser l’acceptation sociale et juridique du châtiment corporel des enfants.
6. L'Assemblée est inquiète de constater que, jusqu'à présent, seule une minorité d’Etats sur les 45 Etats membres a interdit officiellement les châtiments corporels au sein de la famille et dans tous les autres contextes. Si par ailleurs tous les Etats membres ont interdit les châtiments corporels à l'école, y compris dans les écoles privées et dans d'autres institutions éducatives, l’interdiction ne joue pas nécessairement dans les foyers d'adoption et dans tous les autres systèmes de garderie. En outre, cette interdiction n'est pas, toujours et partout, respectée.
7. L’Assemblée invite donc le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à lancer, dans l’ensemble des Etats membres, une campagne coordonnée et concertée pour l’abolition de tous les châtiments corporels infligés aux enfants. L’Assemblée note les succès du Conseil de l'Europe dans la suppression de la peine de mort et l’Assemblée demande à l'Organisation de s'attacher de la même façon à faire de l’Europe, dans le plus court délai possible, une zone sans châtiment corporel pour les enfants.
8. Elle invite le Comité des Ministres et les autres organes concernés du Conseil de l’Europe à mettre d’urgence en place des stratégies, y compris une assistance technique, pour ½uvrer avec les Etats membres à la réalisation de cet objectif, et en particulier pour :
i. garantir une large sensibilisation des enfants, de tous ceux qui vivent et travaillent avec eux et du public en général à l’interdiction de tous les châtiments corporels et autres humiliations et traitements inhumains ou dégradants dont sont victimes les enfants;
ii. assurer une large sensibilisation aux droits fondamentaux des enfants, notamment au droit au respect de leur dignité en tant qu’être humain et de leur intégrité physique;
iii. promouvoir des formes positives, non violentes d’éducation des enfants et de résolution des conflits auprès des futurs parents, des parents et de tout autre personne ayant des enfants à charge ainsi qu’auprès du public;
iv. donner aux enfants et adolescents la possibilité d’exprimer leur point de vue et de participer à la conception et à la mise en ½uvre des actions visant à éradiquer les châtiments corporels;
v. faire en sorte que tous les parents, et en particulier ceux qui éprouvent des difficultés à élever leurs enfants, aient accès aux conseils et à l’aide dont ils ont besoin ;
vi. veiller à ce que les enfants bénéficient, de manière confidentielle, d’avis et de conseils, ainsi que d’une représentation juridique pour agir contre les violences dont ils sont l’objet;
vii. garantir des formes effectives et appropriées de protection aux enfants particulièrement vulnérables aux punitions qui leur portent préjudice et les humilient – par exemple les enfants handicapés et les enfants en institutions ou en détention ;
viii. veiller à ce que les châtiments corporels et autres formes dommageables et humiliantes de discipline infligés aux enfants soient incorporés dans la définition des violences domestiques ou familiales et à s’assurer que les stratégies de suppression des violences punitives contre les enfants soient intégrées aux stratégies de lutte contre les violences domestiques ou familiales.
9. L’Assemblée invite enfin le Comité des Ministres à recommander aux Etats membres de :
i. se doter d’une législation appropriée qui prohibe les châtiments corporels aux enfants, notamment au sein de la famille ;
ii. contrôler l’effectivité de l’abolition au moyen d’enquêtes régulières sur l’expérience de la violence des enfants chez eux, à l’école et ailleurs, ainsi que l’efficacité des services de protection infantile et l’expérience et le comportement des parents face aux violences infligées aux enfants ;
iii. veiller à l’application effective des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme en la matière et à celle des conclusions pertinentes du Comité européen des droits sociaux.
II. Exposé des motifs par Mme Bargholtz1
A. Introduction
1. Frapper un être humain est un acte injustifiable. Frapper un être humain porte atteinte à son droit fondamental au respect de son intégrité physique et de sa dignité humaine. Les enfants sont de jeunes êtres qui partagent ces droits avec les adultes. Battre les enfants et les humilier délibérément n’en demeure pas moins une pratique courante, socialement et juridiquement admise dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. La présente Recommandation de l’Assemblée encourage l’initiative visant à interdire, dans les plus brefs délais, tous les châtiments corporels et tous autres peines ou traitements dégradants des enfants. A cet égard, la première des mesures à prendre, la plus urgente d’entre toutes est de raffermir les droits des enfants.
2. Le Comité européen des droits sociaux considère que la conformité avec la Charte sociale européenne requiert l’interdiction de tous les châtiments corporels et de toutes les autres formes de punitions et traitements dégradants des enfants. La Cour européenne des droits de l’homme en est venue progressivement à condamner les châtiments corporels y compris au sein de la famille. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant exige des Etats qu’ils protègent les enfants contre toutes les formes de violence physique ou mentale lorsqu’ils sont sous la garde des parents ou d’autres personnes. Le Comité des Ministres a, dans une série de recommandations, la première datant de 1985, appelé les Etats à réformer leur législation et à prendre toutes autres mesures utiles pour mettre un terme aux châtiments corporels.
3. En dépit des normes internationales des droits de l’homme clairement établies obligeant les Etats à agir, seule une minorité des 45 Etats membres du Conseil de l’Europe ont expressément prohibé tous les châtiments corporels y compris au sein de la famille.
4. Faire cesser les châtiments corporels est indispensable pour améliorer le statut des enfants et une stratégie essentielle pour prévenir toute autre forme de violence et d’exploitation. Dans beaucoup d’Etats membres, aucune recherche n’a été entreprise sur la violence infligée aux enfants par leur famille; dans les pays où pareille étude a été menée, elles font apparaître une très forte prévalence des châtiments corporels, y compris des brutalités ayant entraîné des préjudices corporels.
5. L’élimination des châtiments corporels suppose l’adoption ou l’existence d’une législation interdisant expressément ces pratiques assortie d’une action de sensibilisation au droit des enfants à être protégés et de promotion de formes positives, non violentes, de discipline.
B. L’importance de la question
6. La persistance de l’acceptation juridique et sociale des châtiments corporels est une violation des droits fondamentaux des enfants, aujourd’hui reconnue. Les recherches existantes montrent que les châtiments corporels demeurent une pratique courante à défaut de réforme législative et d’éducation de l’opinion publique (voir le paragraphe 9). Partout en Europe, des millions d’enfants voient leurs droits fondamentaux violés à grande échelle. Tous les châtiments corporels violent le droit des enfants au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique. Les châtiments corporels causent souvent des dommages physiques, des infirmités, voire dans certains cas le décès de la victime. Les recherches montrent que les châtiments corporels peuvent engendrer des traumatismes psychologiques chez les enfants; leur usage est associé au développement de comportements et d’actions violents dans l’enfance et ultérieurement dans la vie d’adulte. Il est assez incroyable que, dans la plupart des Etats membres, les enfants que leur état de développement rend particulièrement vulnérables aux dommages physiques et psychologiques, soient moins bien protégés contre les brutalités que les adultes.
7. Il y a de cela un ou deux siècles seulement, les attitudes traditionnelles envers les esclaves, les domestiques et les femmes se reflétaient dans le « droit » juridiquement reconnu des maîtres et des maris de les battre2. La preuve la plus éclatante du statut d’infériorité dans lequel sont toujours tenus les enfants nous est donnée par la croyance largement répandue, dans nos sociétés européennes, selon laquelle les châtiments corporels seraient légitimes. L’affirmation insidieuse selon laquelle l’intégrité physique et la dignité humaine des enfants peuvent être enfreintes en tout impunité favorise l’émergence d’autres formes de violence envers les enfants, y compris les violences et l’exploitation sexuelles et la traite des enfants. Mettre un terme à la violence légalisée dont sont victimes les enfants – les châtiments corporels – est une stratégie fondamentale pour prévenir toutes autres formes de violence.
C. La mesure du problème
8. Le seul moyen pour connaître l’étendue de la violence infligée aux enfants au sein de leur famille consiste à mener des entretiens détaillés avec les parents et les enfants. Des études rétrospectives où les adultes sont interrogés sur leur enfance peuvent également fournir des informations. Ils ne permettent pas, cependant, de savoir ce qui s’est produit dans leur première enfance. Les sondages d’opinion permettent de tester les attitudes envers l’usage des châtiments corporels. Pour mesurer les progrès réalisés en matière d’élimination des châtiments corporels, il faut régulièrement mener des enquêtes auprès de groupes représentatifs de parents et d’enfants.
9. Dans de nombreux pays, aucune étude n’a été entreprise sur la violence infligée aux enfants au sein de leur famille. Des études émanant d’un nombre restreint d’Etats indiquent que les châtiments corporels, y compris les corrections sévères, sont une pratique courante, à moins que leur usage n’ait été systématiquement remis en cause. A titre d’exemple l’on peut citer:
Croatie: un échantillon de 1000 élèves ont été interrogés entre 1997 et 1998 sur l’expérience qu’ils ont vécue pendant leur enfance en matière de châtiments corporels et de violences sexuelles; 93 % ont subi des châtiments corporels; 27 % ont reçu des coups entraînant des blessures3. La Croatie a expressément interdit le châtiment corporel en 1999.
Grèce: sur une cohorte nationale de 8158 enfants âgés de sept ans, un tiers des enfants recevait une fessée au moins une fois par semaine et un enfant sur six quotidiennement (1993)4.
Pologne: une étude nationale menée sur des adultes en 2001 a révélé que 80% d’entre eux ont subi des châtiments corporels5.
Roumanie: sur un échantillon de 423 enfants âgés de 11 à 13 ans, 75% ont été l’objet de châtiments corporels; 5% d’entre eux ont du suivre un traitement médical par la suite6. Dans une autre étude, 84% des enfants interrogés déclarent avoir subi des châtiments corporels de leurs parents; 20% d’entre eux ont été battus avec des objets; 15% avaient peur de rentrer chez eux par crainte d’être battus7.
Slovaquie: il ressort d’une recherche comportementale conduite en 2002 sur des échantillons d’adultes que 75.3% d’entre eux estiment que les parents devraient être en droit de donner des « claques occasionnellement »; 41.7% que les corrections infligées au moyen d’un objet sont acceptables et 22.9% que le recours fréquent aux châtiments corporels est acceptable8.
Royaume-Uni: il résulte d’une étude menée à grande échelle dans les années 1990 que 91% des enfants ont été battus ; seuls 25% des nourrissons ayant moins d’un an n’avaient jamais été frappés par leur mère et 14% des nourrissons ayant un an avaient été frappés par leur mère avec une « sévérité modérée ». Dans les familles bi-parentales dont les deux parents ont été interrogés, un cinquième des enfants avaient été battus au moyen d’un objet et un tiers avait subi une correction qualifiée de « sévère » (châtiment visant à, de nature à ou causant effectivement des préjudices physiques et/ou psychologiques ou un traumatisme à l’enfant)9.
D. La Charte Sociale Européenne du Conseil de l’Europe
10. En 2001, le Comité européen des droits sociaux chargé de veiller au respect de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale révisée par les Etats membres, déclare que « l’article 17 exige une interdiction en droit de toute forme de violence à l’encontre des enfants, que ce soit à l’école ou dans d’autres institutions, à leur foyer ou ailleurs. Il considère en outre que toute forme de châtiment ou traitement dégradant infligé à des enfants doit être interdit en droit et que cette interdiction doit être assortie de sanctions pénales ou civiles adéquates. »10.
11. Le Comité s’intéresse à la législation et à la pratique des Parties contractantes en ce qui concerne la protection des enfants et des adolescents contre les mauvais traitements en application des articles 7 et 17 des Chartes depuis de nombreuses années. Dans sa déclaration de 2001, le Comité note que le Comité des droits de l’enfant, organe chargé du contrôle du respect des engagements contractés par les Etats au titre de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, recommande systématiquement aux Etats d’interdire tous les châtiments corporels, y compris eu sein de la famille, en accord avec la Convention (voir paragraphe 20). Le Comité Européen des Droits Sociaux prend note également de l’arrêt marquant de 1998 de la Cour européenne des droits de l’homme dans lequel la Cour qualifie les coups infligés à un jeune garçon anglais par son beau-père de traitement dégradant violant l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. La Cour conclut à l’unanimité à la responsabilité du Royaume-Uni au motif qu’en autorisant « les châtiments raisonnables » le droit national avait omis de fournir une protection adéquate (voir paragraphe 16).
12. Le Comité européen des droits sociaux observe encore qu'au cours des dernières décennies plusieurs Parties contractantes ont explicitement interdit le châtiment corporel des enfants dans la loi (voir paragraphe 25 ci- après) et que le Comité des Ministres, dans plusieurs de ses recommandations, condamne les châtiments corporels et autres traitements dégradants utilisés à des fins d’« éducation » ou de discipline (voir paragraphe 23).
13. Le Comité, insistant sur l’inégale protection légale des enfants comparée à celle des adultes dans de nombreux pays, « (...) considère qu'il ne peut être accepté qu’une société qui interdit toute forme de violence entre adultes tolère que les adultes infligent des violences physiques aux enfants. Le Comité considère qu'il n'y a aucune valeur éducative dans le châtiment corporel des enfants qui ne peut être réalisée autrement ».
14. De plus, dans un domaine dans lequel les statistiques montrent une constante augmentation du nombre de cas de mauvais traitements des enfants signalés à la police et au ministère public, il est évident que des mesures supplémentaires pour mettre un terme à ce problème sont nécessaires. Interdire toute forme de châtiment corporel des enfants est une importante mesure pour l'éducation de la population car cela donne un message clair de ce qui est considéré comme acceptable par la société. Une telle mesure évite toute discussion et toute interrogation sur la frontière à tracer entre ce qui peut être considéré comme un châtiment corporel acceptable et ce qui ne peut pas l'être.
E. La Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales
15. La Commission européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme ont, par décisions successives, considéré que les châtiments corporels infligés aux enfants violaient la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales en relation d’abord, dans les années 1970, avec les châtiments prononcés par les juridictions à l’encontre des jeunes délinquants, puis à l’école, y compris dans les écoles privées et plus récemment dans le cadre du foyer familial11. Les décisions et les arrêts insistent sur l’obligation qu’a l’Etat de protéger l’enfant et ses droits fondamentaux où qu’il se trouve. D’autres décisions sont venues confirmer que l’interdiction de tous les châtiments corporels au sein de la famille constituait une ingérence légitime et ne portait pas atteinte au droit des parents ou d’autres personnes au respect de la vie familiale et de la liberté de religion.
16. En septembre 1988, la Cour décida à l’unanimité que les châtiments corporels infligés à un jeune garçon anglais par son beau-père violaient l’article 3 de la CEDH. Les poursuites engagées contre le beau-père devant les juridictions britanniques avaient échoué au motif que le « châtiment était raisonnable ». La Cour conclut à la responsabilité du Royaume-Uni au motif qu’en autorisant les « châtiments raisonnables » le droit national avait omis d’accorder une protection adéquate à l’enfant, en particulier au moyen de « mesures dissuasives effectives ». La Cour ordonna au Royaume-Uni de verser une indemnité de 10 000 £ à l’enfant qui avait été battu à diverses reprises au moyen d’une canne de jardin.
17. L’arrêt cite certains articles de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, en particulier l’article 19 qui exige des Etats qu’ils protègent les enfants contre toute forme de « violence physique ou mentale » pendant qu’ils sont sous la garde de leurs parents ou de toute autre personne à qui ils sont confiés (voir paragraphe 19).
F. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant
18. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant (UNCRC) a été adoptée par l’Assemblée générale en 1989. En 2001, cette Convention avait été ratifiée par 191 Etats - y compris tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. La Convention sur les droits de l’enfant est le traité international des droits de la personne ayant recueilli le plus grand nombre de ratifications, ce qui confère à ses principes et normes détaillés une autorité particulière en droit international.
19. La Convention des Nations Unies sur le droit des enfants est le premier traité à traiter directement de la protection de l’enfant contre la violence. L’article 19 de la Convention oblige les Etats à prendre « toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant conte toutes formes de violence, d’atteinte, ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié ...».
20. Le Comité des droits de l’enfant est l’instance chargée du suivi de la Convention des Nations Unies sur le droit des enfants. Il a commencé à examiner les rapports des Etats Parties à la Convention en 1993. Dès cet instant, le Comité s’est particulièrement préoccupé de la persistance de l’acceptation juridique et sociale des châtiments corporels infligés à des enfants, dans leur famille, à l’école et dans d’autres institutions ainsi que dans les établissements pénitentiaires.
21. Le Comité a constamment déclaré que les châtiments corporels au sein des familles ou ailleurs étaient contraires à la Convention et recommandé que les Etats prohibent tous les châtiments corporels à l’égard des enfants et mettent en place des campagnes d’éducation destinées à promouvoir une éducation positive, non violente des enfants dans plus de 130 pays répartis sur les quatre continents, y compris dans les pays industrialisés et développés12.
G. Les Recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe condamnant les châtiments corporels
22. Le Comité des Ministres a condamné pour la première fois les châtiments corporels à l’égard des enfants dans une recommandation aux Etats membres sur la violence au sein de la famille adoptée en 1985. Le préambule de la recommandation stipule que « la défense de la famille comporte la protection de tous ses membres contre toute forme de violences qui trop souvent surgit en son sein ». La violence affecte « en particulier, bien que dans des conditions différentes, d’une part des enfants et d’autre part des femmes » et les enfants « ont droit à une protection particulière de la part de la société contre toute forme de discrimination et d’oppression et contre les abus d’autorité dans la famille et dans les autres institutions ». Le Comité des Ministres recommandait aux Etats membres de « revoir leur législation concernant le pouvoir de correction à l’égard des enfants dans le but de limiter, voire d’interdire les châtiments corporels, même si la violation de cette interdiction n’entraîne pas nécessairement une sanction pénale ». Le rapport explicatif de la recommandation assimile les châtiments corporels à « un mal qu’il faut au moins décourager dans une première phase pour finir par l’interdire. En effet c’est la conception même qui rend légitime le châtiment corporel d’un enfant, qui, d’une part, ouvre la voie à tous les excès et, d’autre part, rend acceptable par des tiers les marques ou les symptômes de ces châtiments13 ».
23. Dans une recommandation aux Etats membres de 1990 sur les « mesures sociales concernant la violence au sein de la famille », le Comité note que « la démocratisation de la famille, qui implique le respect de chacun en tant que personne disposant de droits égaux et de chances égales, peut contribuer à décourager la violence ». Au paragraphe intitulé « Mesures pour les enfants », la recommandation dispose que « l’accent devrait être mis sur la condamnation générale du châtiment corporel et d’autres traitements dégradants comme moyen d’éducation, et du besoin d’une éducation sans violence »14.
24. En 1993, dans une recommandation sur «les aspects médico-sociaux des mauvais traitements infligés aux enfants», le Comité prenant acte de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, exhorte les Etats à « mettre en lumière le droit de tous les enfants et adolescents à une existence exempte de maltraitance, et la nécessité de changer les modes d’éducation et de comportements qui la menacent » et à « réduire le niveau de violence au minimum dans la société et le recours à la violence dans les méthodes d’éducation des enfants » 15.
H. L’évolution des réformes législatives interdisant tous les châtiments corporels
25. Les normes des droits de l’homme établies par le Conseil de l’Europe et par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant exigent l’abolition de tous les châtiments corporels et autres traitements ou peines dégradants. En mars 2004, 12 Etats membres au moins ont une législation interdisant clairement les châtiments corporels infligés aux enfants, y compris au sein de la famille: Autriche (1989), Bulgarie (2000), Croatie (1999), Chypre (1994), Danemark (1997), Finlande (1983), Allemagne (2000), Islande (2003), Lettonie (1998), Norvège (1987), Suède (1979), Ukraine (2002). A ce jour cependant la loi n’a toujours pas été amendée en ce sens. Dans neuf autres Etats au moins, la loi pénale interdit les coups et blessures et la loi refuse de reconnaître une quelconque légitimité au motif tiré de la discipline pour justifier les brutalités envers les enfants mais reste qu’en pratique la loi n’est pas interprétée comme prohibant tous les châtiments corporels infligés par les parents
26. Les étapes juridiques ci-après énumérées sont essentielles en vue d’atteindre à l’interdiction de tous les châtiments corporels:
a) Veiller à ce le droit (droit écrit ou common law) ne contienne pas d’exceptions justifiant le recours aux châtiments corporels par les parents, les tuteurs ou toute autre personne;
b) Veiller à ce que le droit pénal relatif aux voies de fait s’applique également aux sévices infligés aux enfants à titre de punition;
c) Edicter une interdiction expresse, en principe dans le droit civil, de tous les châtiments corporels et de tous autres peines ou traitements dégradants ou humiliants des enfants;
d) Donner des indications sur la façon adéquate de mettre en ½uvre cette législation en se concentrant sur la protection et la promotion des droits de l’enfant en général, et sur l’intérêt supérieur des enfants victimes en particulier.
27. Les châtiments corporels à l’école et dans les établissements pénitentiaires pour jeunes délinquants sont interdits partout en Europe. Cette interdiction n’est toutefois pas uniformément appliquée. De nombreux Etats ont également interdit les châtiments corporels dans les foyers d’adoption. Tous les Etats ont une législation interdisant les sévices graves infligés aux enfants par les parents et toute autre personne ayant la garde de l’enfant mais beaucoup d’entre elles reconnaissent des excuses aux parents usant de formes plus atténuées de châtiments corporels et là où châtiments corporels infligés par les parents restent licites, cette licéité s’applique mutatis mutandis aux foyers d’adoption et certains autres systèmes de garderie informels, sauf prohibition légale expresse.
I. Le processus d’abolition des châtiments corporels
28. Le processus des réformes législatives visant à mettre un terme aux châtiments corporels infligés par les parents a démarré il a y près de 50 ans, en 1957, en Suède avec l’abrogation de la disposition de droit pénal qui excusait les parents ayant causé des préjudices corporels mineurs aux enfants en leur administrant des châtiments corporels. En 1966, la Suède supprima du Code de la famille, une disposition autorisant « les réprimandes ». Par la suite, la Suède devint le premier pays au Monde à interdire formellement tous les châtiments corporels dans la Loi sur la famille adoptée en 1979 et qui ajouta une disposition au Code de parentalité et de tutelle. Suite à cette ajout le Code se lit comme suit : « Les enfants ont droit à l’assistance, à la sécurité et à une bonne éducation. Ils doivent être traités dans le respect de leur personne et de leur individualité et ne peuvent être soumis à un châtiment corporel ou à tout autre traitement humiliant ».
29. Une réforme législative formelle qui interdit tous les châtiments corporels et autres peines ou traitements dégradants infligés aux enfants délivre un message fort, essentiel aux enfants, aux parents et à l’opinion. L’objet de cette réforme législative est tout d’abord éducatif : adresser un message clair que frapper un enfant est tout autant inacceptable et illégal que frapper des adultes. Poursuivre les parents est rarement dans l’intérêt de l’enfant et la probabilité de poursuite à l’encontre des parents pour des agressions mineures est similaire à celle existant entre adultes. D’autre part, éliminer toute défense ou justification de la violence rendra les poursuites plus faciles dans le peu de cas où il est nécessaire de protéger les enfants.
30. Il est largement prouvé aujourd’hui qu’il est possible de changer les comportements et la pratique au sein des familles et de réduire significativement la violence envers les enfants au sein des familles dès lors que la réforme législative s’accompagne d’une action de sensibilisation générale et d’éducation du public16.
31. Pour commencer, il est indispensable que la loi soit portée à la connaissance du public et clairement et formellement interprétée par les hommes politiques, les élus locaux et les membres de la profession judiciaire comme interdisant tous les châtiments corporels et autres peines ou traitements dégradants des enfants. Il est indispensable de développer, en les inscrivant dans la durée, des actions de sensibilisation aux droits des enfants à la protection et des actions d’éducation du public et des parents en vue de promouvoir des formes positives, non violentes d’éducation et de discipline des enfants. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant exige des Etats l’ayant ratifiée (tous les Etats membres du Conseil de l’Europe) de « faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens appropriés, aux adultes et aux enfants » (article 42).
32. Tous les Etats disposent de programmes sanitaires et de protection ciblant les futurs et nouveaux parents. Ces programmes pourraient s’attacher à promouvoir les droits des enfants à la protection et à faire connaître la loi, la façon dont se développent les enfants et les dangers des châtiments. Le personnel des garderies peut mettre, tout à la fois, en pratique et promouvoir une discipline constructive. Dans différents Etats membres, les ONG mènent des campagnes contre les châtiments corporels et d’éducation du public dont les gouvernements peuvent s’inspirer, auxquelles ils peuvent apporter leur soutien, qu’ils peuvent soutenir et généraliser. Les média peuvent jouer un rôle prépondérant en apportant leur soutien aux actions de sensibilisation et d’éducation du public au moyen d’articles d’actualité, de documentaires, de programmes éducatifs et de magazines spécialisés destinés aux parents.
33. Les quelques éléments ci-après sont essentiels pour éliminer les châtiments corporels:
• Garantir une large sensibilisation des enfants, de tous ceux qui vivent et travaillent avec eux et du public en général à l’interdiction de tous les châtiments corporels et autres traitements et humiliations inhumains ou dégradants dont sont victimes les enfants;
• Assurer une large sensibilisation aux droits fondamentaux des enfants, notamment au droit au respect de leur dignité humaine en tant qu’être humain et de leur intégrité physique;
• Promouvoir des formes positives, non violentes d’éducation des enfants et de résolution des conflits auprès des futurs parents, des parents et de toute autre personne ayant à leur charge des enfants ainsi que du public;
• Veiller à ce que les enfants et les adolescents aient la possibilité d’exprimer leur point de vue et de participer à la conception et à la mise en ½uvre des actions visant à éradiquer les châtiments corporels;
• Faire en sorte que tous les parents, et en particulier ceux qui éprouvent des difficultés à élever leurs enfants, aient accès à des conseils et à l’aide dont ils ont besoin ;
• Veiller à ce que les enfants bénéficient, de manière confidentielle, d’avis et de conseils, ainsi que d’une représentation juridique pour agir contre les violences dont ils sont l’objet;
• Garantir des formes effectives et appropriées de protection aux enfants particulièrement vulnérables aux punitions qui leur portent préjudice et les humilient – par exemple les enfants handicapés et les enfants en institutions et en détention ;
• Veiller à ce que les châtiments corporels et toutes les autres formes dommageables et humiliantes de discipline infligés aux enfants soient incorporés dans la définition des violences domestiques ou familiales et à ce que les stratégies de suppression des violences punitives contre les enfants soient intégrées aux stratégies de lutte contre les violences domestiques ou familiales;
• Contrôler l’effectivité de l’abolition au moyen d’enquêtes régulières sur l’expérience de la violence des enfants chez eux, à l’école et ailleurs, et des services de protection infantile, et l’expérience et le comportement des parents face aux violences infligées aux enfants.
Commission chargée du rapport : Commission des questions sociales, de la santé et de la famille
Renvoi en commission : Doc. 9716, Renvoi N° 2816 du 31 mars 2003
Projet de recommandation adopté à l’unanimité le 1er juin 2004
Membres de la Commission: MM. Glesener (Président), Surjan (1er Vice-Président), Mme McCafferty (2ème Vice-Président), M. Ma¨tálka (3ème Vice-Président), Mme Ahlqvist, MM. Arnau, Arzilli, Mme Azevedo, Mme Bargholtz, Mme Belohorská, MM. Berzin¨, Bojović, Mme Bolognesi, MM. Braghis, Brunhart, Buzatu (remplaçant : Ionescu), Yüksel Çavuşoğlu, Chernyshenko, Christodoulides, Mme Cliveti, MM. Colombier, Cox (remplaçant : Vis), Daban Alsina, Mme D’Amato (remplaçant : M. Falzon), MM. Dees, Donabauer, Dragassakis, Evin, Flynn, Geveaux, Giertych, Glukhovskiy, Gregory (remplaçante : Mme Ormonde), MM. Gülçiçek, Irfan Gündüz, Gusenbauer, Hegyi, Herrera, Hladiy, Høie, Mme Hurskainen, MM. Jacquat, Klympush, Baroness Knight of Collingtree (remplaçant : M. Hancock), MM. Kocharyan, Letica, Mme Lotz, MM. Makhachev, Markowski, Mme Milićević, Mme Milotinova, MM. Mladenov, Monfils, Mme Oskina, MM. Ouzký, Padilla, Padobnik, Popa, Poty, Poulsen, Provera (remplaçant : Tirelli), Pysarenko, Mme Radulović-¦ćepanović, MM. Rauber, Riester, Rigoni, Rizzi, Mme Roseira, Mme Saks, MM. Schmied (remplaçant: Dupraz), Seyidov, Mme Shakhtakhtinskaya, MM. Skarphéđinsson, Stathakis, Sysas, Mme Tevdoradze, Mme Topalli, Mme Vermot-Mangold, Mme Wegener, MM. Van Winsen, Zernovski, ZZ…
NB: Les noms des membres présents à la réunion sont imprimés en caractères gras.
Secrétariat de la Commission: M. Mezei, Mme Nollinger, Mme Meunier, Mme Karanjac, M. Chahbazian
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1 La rapporteuse est très reconnaissante à M. Peter Newell, Coordinateur de l’Initiative mondiale visant à mettre un terme aux châtiments corporels infligés aux enfants, d’avoir aidé à rédiger cet exposé des motifs.
2 Voir, par exemple, le débat sur les droits des maris de battre leurs femmes d’une manière « qui ne soit pas violente ou cruelle » in Blackstone’s Commentaries, page 445.
3 Pecnik, N. (2003), Transmission des sévices infligés aux enfants d’une génération à l’autre, (en croate) (Slap : Jastrebarsko).
4 Agathonus-Georgopoulou, H. (1997), « Child Maltreatment in Greece : A Review of Research » Child Abuse Review, vol. 6, pp.257-271.
5 Fluderska, G. et al. (2001), Le problème des sévices infligés aux enfants en Pologne: Comportement et expérience (Varsovie: Fondation des enfants de personne).
6 Alexandrescu, G. et al. (2000), Sévices sur enfants et négligence (Sauver les enfants Roumanie)
7 Gouvernement roumain, Sauver les enfants & UNICEF (2000), Etude nationale sur les violences sexuelles dont sont victime les enfants, (Sauver les enfants Roumanie).
8 La prévalence de la violence à Bratislava, Slovaquie, en progression.
9 Gavin Nobes, G. et al. (1997), “Physical punishment of children in two-parent families”, Clinical Child Psychology and Psychiatry, vol. 2 (2), p. 271–281 ; également, synthèse présentée sous forme d’affiche par le Dr. Marjorie Smith lors de la Cinquième conférence européenne sur les mauvais traitements et les négligences infligés aux enfants (Société internationale pour la prévention des mauvais traitements et les négligences), Oslo, mai 1995.
10 Comité européen des droits sociaux, Observations générales concernant l’Article 7, paras. 10 et 17, Conclusions XV-2, vol.1, Introduction générale, p. 26.
11 Cour européenne des droits de l’homme, Tyrer c. Royaume-Uni, 1978 ; Campbell et Cosans c. Royaume-Uni, 1982 ; Costello-Robert c. Royaume-Uni,, 1993 ; A c. Royaume-Uni, 1998. Tous les arrêts de la Cour peuvent être consultés sur le site http://hudoc.echr.coe.int/hudoc/
12 Comité des droits de l’enfant : les documents du Comité, notamment ses observations finales sur les rapports des Etats Parties à la Convention relative aux droits de l’enfant, sont disponibles à l’adresse http://www.unhchr.ch/html/menu2/6/crc/. Le site de l’Initiative mondiale tendant à mettre un terme à tous les châtiments corporels infligés aux enfants contient le texte de toutes les recommandations du Comité relatives aux châtiments corporels, classées par session et par Etat : www.//endcorporalpunishment.org
13 Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation sur « la violence au sein de la famille », Recommandation N° R (85) 4. Toutes les recommandations du Comité des Ministres peuvent être consultées sur le site : http://www.coe.int/t/E/Committee_of_Min ... Documents/
14 Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation sur « les mesures sociales concernant la violence au sein de la famille »: N° R (90) 2.
15 Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation sur « les aspects médico-sociaux des mauvais traitements infligés aux enfants »: Recommandation N° R (93) 2.
16 L’impact des réformes en Suède a donné lieu à de nombreux études et commentaires. Voir « Ending Corporal Punishment: Swedish experience of efforts to prevent all forms of violence against children – and the results », ministère de la Santé et des Affaires sociales et ministère des Affaires étrangère, Suède, 2001; Joan E Durrant, « A generation Without Smacking: The impact of Sweden’s ban on physical punishment », save the Children Royaume-Uni, 2000. En Allemagne aussi l’interdiction a été appliquée en 2000 et la Recherche montre des changements significatifs dans la prise de conscience et dans les attitudes sur une courte période. Professeur Kai D. Bussmann.
1. L’Assemblée parlementaire relève que, pour satisfaire aux exigences de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale européenne révisée, d’après le Comité européen des Droits sociaux, il convient pour les Etats membres d’interdire tous les châtiments corporels et toutes les autres formes de châtiment et de traitement dégradant à l’encontre des enfants. Cinq Etats membres ne satisfont pas à leurs engagements car ils n’ont pas de fait interdit tous les châtiments corporels; une procédure de réclamation collective a été ouverte contre cinq autres Etats membres pour cette même raison.
2. L’Assemblée note également que la Cour européenne des Droits de l’Homme en est venue à conclure, par des arrêts successifs, que les châtiments corporels violaient les droits de l’enfant tels que garantis par la Convention européenne des Droits de l’Homme; ces conclusions ont visé tout d’abord les châtiments corporels dans les établissements pénitentiaires pour jeunes délinquants, puis à l’école, y compris dans les écoles privées, et, tout récemment, dans le cadre familial. Par ailleurs, tant la Commission européenne des Droits de l’Homme, jusqu’en 1998, que la Cour ont souligné que l’interdiction de tout châtiment corporel n’était pas une violation du droit au respect de la vie privée et familiale ou à la liberté de religion.
3. L’Assemblée constate que tous les Etats membres ont ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant; cette convention exige des Etats qu’ils protègent les enfants contre toutes formes de violence physique ou mentale infligée par des adultes qui en ont la garde. Le Comité des droits de l’enfant, qui veille à l’application de la convention, a constamment interprété cette dernière comme exigeant des Etats membres à la fois l’interdiction de tous les châtiments corporels à l’égard des enfants, et des actions de sensibilisation et d’éducation du public en ce domaine.
4. L’Assemblée se félicite de l’initiative mondiale actuellement lancée pour mettre un terme à tous les châtiments corporels infligés aux enfants; elle souhaite se joindre au soutien que lui apportent d’ores et déjà l’Unicef, l’Unesco, le haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Réseau européen des médiateurs pour enfants (Enoc), et de nombreuses institutions des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales nationales et internationales à travers l’Europe.
5. L’Assemblée estime que tous les châtiments corporels infligés aux enfants violent leur droit fondamental au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique. Le maintien de la légalité des châtiments corporels dans certains Etats membres est une violation du droit tout aussi fondamental des enfants à une protection devant la loi à égalité avec les adultes. Dans nos sociétés européennes, frapper un être humain est prohibé et l’enfant est un être humain. Il faut casser l’acceptation sociale et juridique du châtiment corporel des enfants.
6. L’Assemblée est inquiète de constater que, jusqu’à présent, seule une minorité d’Etats sur les quarante-cinq Etats membres a interdit officiellement les châtiments corporels au sein de la famille et dans tous les autres contextes. Si par ailleurs tous les Etats membres ont interdit les châtiments corporels à l’école, y compris dans les écoles privées et dans d’autres institutions éducatives, l’interdiction ne s’étend pas nécessairement aux foyers d’adoption et à tous les autres systèmes de garde. En outre, cette interdiction n’est pas, toujours et partout, respectée.
7. L’Assemblée invite donc le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à lancer, dans l’ensemble des Etats membres, une campagne coordonnée et concertée pour l’abolition de tous les châtiments corporels infligés aux enfants. L’Assemblée note les succès du Conseil de l’Europe quant à l’abolition de la peine de mort et elle demande à l’Organisation de s’atteler de la même façon à faire de l’Europe, sans tarder, une zone exempte de châtiment corporel pour les enfants.
8. Elle invite le Comité des Ministres et les autres organes concernés du Conseil de l’Europe à mettre d’urgence en place des stratégies, y compris une assistance technique, pour ½uvrer avec les Etats membres à la réalisation de cet objectif, et en particulier:
i. pour garantir une large sensibilisation des enfants, de tous ceux qui vivent et travaillent avec eux et du public en général à l’interdiction de tous les châtiments corporels et autres humiliations et traitements inhumains ou dégradants dont sont victimes les enfants;
ii. pour assurer une large sensibilisation aux droits fondamentaux des enfants, notamment au droit au respect de leur dignité en tant qu’être humain et de leur intégrité physique;
iii. pour promouvoir des formes positives, non violentes, d’éducation des enfants et de résolution des conflits auprès des futurs parents, des parents et de toute autre personne ayant des enfants à charge ainsi qu’auprès du public;
iv. pour donner aux enfants et aux adolescents la possibilité d’exprimer leur point de vue et de participer à la conception et à la mise en ½uvre des actions visant à éradiquer les châtiments corporels;
v. pour faire en sorte que tous les parents, et en particulier ceux qui éprouvent des difficultés à élever leurs enfants, aient accès aux conseils et à l’aide dont ils ont besoin;
vi. pour veiller à ce que les enfants bénéficient, de manière confidentielle, d’avis et de conseils, ainsi que d’une représentation juridique pour agir contre les violences dont ils sont l’objet;
vii. pour garantir des formes effectives et appropriées de protection aux enfants particulièrement vulnérables aux punitions qui leur portent préjudice et les humilient – par exemple les enfants handicapés et les enfants en institutions ou en détention;
viii. pour veiller à ce que les châtiments corporels et autres formes dommageables et humiliantes de discipline infligés aux enfants soient incorporés dans la définition des violences domestiques ou familiales et à s’assurer que les stratégies de suppression des violences punitives contre les enfants soient intégrées aux stratégies de lutte contre les violences domestiques ou familiales.
9. L’Assemblée invite enfin le Comité des Ministres à recommander aux Etats membres:
i. de se doter d’une législation appropriée qui prohibe les châtiments corporels aux enfants, notamment au sein de la famille;
ii. de contrôler l’effectivité de l’abolition au moyen d’enquêtes régulières sur l’expérience de la violence des enfants chez eux, à l’école et ailleurs, ainsi que l’efficacité des services de protection infantile, et l’expérience et le comportement des parents face aux violences infligées aux enfants;
iii. de veiller à l’application effective des arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme en la matière et à celle des conclusions pertinentes du Comité européen des Droits sociaux.
Le Conseil de l’Europe fait campagne pour l’interdiction de toutes les formes de châtiment corporel, sans exception. Dans nombre de pays européens, la société tolère, voire approuve, certaines formes courantes de violence envers les enfants, notamment dans le cadre familial
Aucune religion, croyance, situation économique ou « méthode éducative » ne saurait toutefois justifier coups, gifles, fessées, mutilations, mauvais traitements, humiliations ou toute autre pratique portant atteinte à la dignité de l’enfant. L’Europe doit voir disparaître de son territoire les châtiments corporels, qu’ils soient infligés à la maison, à l’école ou dans d’autres institutions.
Un tiers des Etats membres du Conseil de l’Europe ont aboli les châtiments corporels et d’autres se sont engagés à réexaminer leur législation en la matière. Malgré cette évolution, qui va dans le bon sens, les châtiments corporels demeurent légaux dans la plupart des pays et sont encore considérés comme une mesure « disciplinaire » acceptable.
Interdire les châtiments corporels dans le foyer familial ne veut pas dire engager des poursuites contre les parents, mais changer leurs comportements en les incitant, par des conseils, à adopter des méthodes d’éducation non violentes et à se tourner vers une parentalité positive. Voir le communiqué final et la déclaration politique de la réunion des Ministres européens chargés des Affaires familiales de Lisbonne, notamment les points 28 à 32 (en anglais).
L’article 17 de la Charte sociale européenne impose aux Etats de protéger les enfants contre toutes les formes de mauvais traitement. Selon l’interprétation du Comité européen des droits sociaux (CEDS) – qui est l’organe de suivi de la Charte – cela revient à exiger l’interdiction en droit de toute forme de violence à l’encontre des enfants, y compris des châtiments corporels, quel qu’en soit le cadre (domicile, école, etc.)
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Ecrit par Alice MILLER.
"85% des enfants français sont frappés par leurs parents."
Sondage SOFRES, réalisé pour l'association Eduquer sans frapper.
"Traitez vos enfants exactement comme vous voudriez que vos enfants vous traitent."
Norm Lee.
Avant propos :
"Pour mettre de l'ordre, il faut regarder le désordre", disait un thérapeute avec bon sens. Le désordre dans la relation parent-enfant n'est pas facile à admettre, d'autant plus que sa reconnaissance risque d'engendrer la culpabilité et la honte.
Là, nous nous trouvons devant un choix :
nous voiler la face et continuer de croire - en souriant - qu'une bonne fessée ou que quelques claques n'ont "jamais fait de mal à personne".
ou voir la vérité (ce qui est), en face, lucidement, et oser s'interroger : pourquoi frapper un enfant s'appellerait éducation alors que frapper un adulte s'appelle agression ?
Alice Miller est docteur en philosophie et psychothérapeute. Chercheuse, elle se consacre, depuis 1980, à l'étude des causes des mauvais traitements infligés aux enfants, et à leurs conséquences sur la vie d'adulte.
"L'opinion publique est loin d'avoir pris conscience que ce qui arrivait à l'enfant dans les premières années de sa vie se répercutait inévitablement sur l'ensemble de la société, et que la psychose, la drogue et la criminalité étaient des expressions codées des expériences de la petite enfance…
Ma tâche est de sensibiliser cette opinion aux souffrances de la petite enfance, en m'efforçant d'atteindre chez le lecteur adulte l'enfant qu'il a été." (A.M.)
autre chose
Pour aller plus loin, vous pouvez :
cliquer sur : www.alice-miller.com
lire : "La fessée, 100 questions-réponses sur les châtiments corporels", par Olivier Maurel, préface d'Alice Miller, aux éditions La plage. 2001.
"Ce livre est un cadeau pour les millions de jeunes qui n'ont pas encore d'enfants. Un cadeau aussi et surtout pour tous les enfants à naître dont les parents auront eu la chance de le lire." (A.M. préface au livre d'O. Maurel.)
Principaux chapitres de ce livre :
Brève histoire des châtiments corporels.
Nature des châtiments corporels et quelques opinions sur le sujet.
Pourquoi les châtiments corporels sont-ils si destructeurs ?
Comment peut-on éduquer sans frapper ?
Les besoins fondamentaux de l'enfant.
L'enfant n'a-t-il pas aussi besoin d'interdits ?
En ne frappant pas les enfants, ne risque-t-on pas d'en faire des enfants-rois ?
Pourquoi risque-t-on d'être amené à frapper ?
Eduquer l'enfant ne consiste-t-il pas à lui inculquer des règles, de gré ou de force ?
Quels sont les comportements des parents qui risquent d'être générateurs de conflits ?
Comment passer du réflexe à la réflexion ?
Que faire avec un enfant particulièrement violent ?
Que nous apprend l'expérience des pays "abolitionnistes" ?
Le tract d'Alice Miller sur la fessée :
Pourquoi les fessées, les gifles et même des coups apparemment anodins comme les tapes sur les mains d'un bébé sont-elles dangereuses ?
1. Elles lui enseignent la violence, par l'exemple qu'elles en donnent.
2. Elles détruisent la certitude sans faille d'être aimé dont le bébé a besoin.
3. Elles créent une angoisse : celle de l´attente de la prochaine rupture.
4. Elles sont porteuses d'un mensonge : elles prétendent être éducatives alors qu'en réalité elles servent aux parents à se débarrasser de leur colère et que, s'ils frappent, c'est parce qu'ils ont été frappés enfants.
5. Elles incitent à la colère et à un désir de vengeance qui restent refoulés et qui s'exprimeront plus tard.
6. Elles programment l'enfant à accepter des arguments illogiques (je te fais mal pour ton bien) et les impriment dans son corps.
7. Elles détruisent la sensibilité et la compassion envers les autres et envers soi-même et limitent ainsi les capacités de connaissance.
Quelles leçons le bébé retient-il des fessées et d'autres coups ?
1. Que l'enfant ne mérite pas le respect.
2. Que l'on peut apprendre le bien au moyen d'une punition (ce qui est faux, en réalité, les punitions n'apprennent l'enfant qu'à vouloir lui-même punir).
3. Qu'il ne faut pas sentir la souffrance, qu'il faut l'ignorer, ce qui est dangereux pour le système immunitaire.
4. Que la violence fait partie de l'amour (leçon qui incite à la perversion).
5. Que la négation des émotions est salutaire (mais c'est le corps qui paie le prix pour cette erreur, souvent beaucoup plus tard).
6. Qu'il ne faut pas se défendre avant l'âge adulte.
C'est le corps qui garde en mémoire toutes les traces nocives des supposées "bonnes fessées".
Comment se libère-t-on de la colère refoulée ?
Dans l'enfance et l'adolescence :
1. On se moque des plus faibles.
2. On frappe ses copains et copines.
3. On humilie les filles.
4. On agresse les enseignants.
5. On vit les émotions interdites devant la télé ou les jeux vidéo en s'identifiant aux héros violents. (Les enfants jamais battus s'intéressent moins aux films cruels et ne produiront pas de films atroces, une fois devenus adultes).
A l'âge adulte :
1. On perpétue soi-même la fessée, apparemment comme un moyen éducatif efficace, sans se rendre compte qu'en vérité on se venge de sa propre souffrance sur la prochaine génération.
2. On refuse (ou on n'est pas capable) de comprendre les relations entre la violence subie jadis et celle répétée activement aujourd'hui. On entretient ainsi l'ignorance de la société.
3. On s'engage dans les activités qui exigent de la violence.
4. On se laisse influencer facilement par les discours des politiciens qui désignent des boucs émissaires à la violence qu'on a emmagasinée et dont on peut se débarrasser enfin sans être puni : races "impures", ethnies à "nettoyer", minorités sociales méprises.
5. Parce qu'on a obéi à la violence enfant, on est prêt à obéir à n'importe quel autorité qui rappelle l'autorité des parents, comme les Allemands ont obéi à Hitler, les Russes à Staline, les Serbes à Milosevic.
Inversement, on peut prendre conscience du refoulement, essayer de comprendre comment la violence se transmet de parents à l'enfant et cesser de frapper les enfants quel que soit leur âge. On peut le faire (beaucoup y ont réussi) aussitôt qu'on a compris que les seules vraies raisons de donner des coups "éducatifs" se cachent dans l'histoire refoulée des parents.
et ça aussi
Chaque fessée est une humiliation
De nombreuses recherches ont démontré que si les châtiments corporels permettent de faire obéir un enfant dans l'immédiat, ils entraînent ultérieurement de graves troubles du caractère et du comportement si cet enfant ne trouve pas, dans son entourage, une personne informée et compatissante pour lui venir en aide. Hitler, Staline, Mao et d'autres tyrans n'ont pas rencontré, quand ils étaient petits, de tels témoins lucides. De ce fait, ils ont appris très tôt à glorifier la cruauté devenus adultes, à justifier les massacres qu'ils organisaient. Des millions de gens, eux aussi élevés dans la violence, leur ont prêté la main.
Il faut cesser de se servir des enfants comme d'un exutoire, permettant de se défouler légalement des affects accumulés. On croit encore souvent que de "légères" humiliations, du type claques ou fessées seraient inoffensives. Car, tout comme pour nos parents, cette idée nous a été inculquée très tôt dans notre enfance. Elle aidait l'enfant battu à minimiser sa souffrance, et par là, à la supporter. Mais sa nocivité se révèle précisément par cette large acceptation : puisque cela était supposé "ne pas faire de mal", à chaque génération des enfants ont subi ces humiliants traitements, et, de plus, ont jugé juste et normal de recevoir des coups. Paradoxalement, dans leur effort d'empêcher leurs enfants de devenir délinquants, les parents leur ont enseigné la délinquance en leur livrant des modèles violentes.
Quand en 1977, la loi sur l'interdiction des châtiments corporels a été promulguée en Suède, 70% des citoyens interrogés lors d'un sondage y étaient opposés. En 1997, ils n'étaient plus que 10%. Ces chiffres montrent qu'en vingt ans les mentalités se sont transformées. Grâce à la nouvelle législation, une coutume destructrice a pu être abandonnée.
Il est prévu d'étendre à toute l'Europe la législation interdisant les châtiments corporels. Ils ne s'agit nullement de traîner les parents sur le banc des accusés. Cette loi dit au contraire avoir pour eux une fonction protectrice et informative. Les parents qui l'enfreignent devraient être astreints par le tribunal à dissiper leur ignorance sur les conséquences des châtiments corporels, à apprendre quels dégâts ils provoquent. Les informations sur l'effet nocif de "l'inoffensive fessée" devrait être diffusée de manière à être connus de tous, car l'éducation inconsciente à la violence commence très tôt, et beaucoup d'êtres humains en resteront marqués pour la vie. Ce qui est en jeu, c'est l'avenir de la société tout entière.
Résumé
Dans nos sociétés européennes, frapper un être humain est prohibé. L’enfant est un être humain. Frapper les enfants et les humilier délibérément n’en demeurent pas moins une pratique courante admise dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. Il faut casser l’acceptation sociale et juridique du châtiment corporel des enfants.
L’Assemblée parlementaire souhaite que chaque Etat membre se dote d’une législation qui prohibe les châtiments corporels aux enfants, notamment au sein de la famille
Elle note les succès remportés par le Conseil de l’Europe dans la suppression de la peine de mort en Europe et elle demande aux Etats membres de s’attacher de la même manière à faire de l’Europe, dans le plus court délai possible, une zone exempte de tout châtiment corporel pour les enfants.
I. Projet de recommandation
1. L’Assemblée parlementaire relève que pour satisfaire aux exigences de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale révisée, d’après le Comité européen des Droits sociaux, il convient pour les Etats d’interdire tous les châtiments corporels et toutes les autres formes de punition et traitement dégradant à l’encontre des enfants. Cinq Etats membres ne satisfont pas à leurs engagements car ils n’ont pas de fait interdit tous les châtiments corporels; une procédure de réclamation collective a été ouverte contre cinq autres Etats membres pour cette même raison.
2. L’Assemblée note également que la Cour européenne des Droits de l’Homme en est venue à conclure, par des arrêts successifs, que les châtiments corporels violaient les droits de l'enfant tels que garantis par la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; ces conclusions ont visés tout d'abord les châtiments corporels dans les établissements pénitentiaires pour jeunes délinquants, puis à l’école, y compris dans les écoles privées, et tout récemment, dans le cadre familial. Par ailleurs tant la Commission européenne des Droits de l’Homme que la Cour ont souligné que l’interdiction de tout châtiment corporel n’était pas une violation du droit au respect de la vie privée et familiale ou à la liberté de religion.
3. L’Assemblée constate que tous les Etats membres ont ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant ; cette convention exige des Etats qu'ils protégent les enfants contre toutes formes de violence physique ou mentale de la part des adultes qui en ont la garde. Le Comité des droits de l'enfant, organe conventionnel du traité, a constamment interprété cette convention comme exigeant des Etats, à la fois l’interdiction de tous les châtiments corporels à l’égard des enfants et des actions de sensibilisation et d’éducation du public.
4. L’Assemblée se félicite de l’Initiative mondiale actuellement lancée pour mettre un terme à tous les châtiments corporels infligés aux enfants ; elle souhaite se joindre au soutien que lui apporte d’ores et déjà l'UNICEF, l’UNESCO, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, le réseau européen des médiateurs pour enfants (ENOC) et de nombreuses institutions des droits de l’homme et organisations non gouvernementales nationales et internationales à travers l’Europe.
5. L’Assemblée estime que tous les châtiments corporels infligés aux enfants violent leur droit fondamental au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique. Le maintien de la légalité des châtiments corporels dans certains Etats membres est une violation du droit tout aussi fondamental des enfants à une protection devant la loi à égalité avec les adultes. Dans nos sociétés européennes, frapper un être humain est prohibé et l’enfant est un être humain. Il faut casser l’acceptation sociale et juridique du châtiment corporel des enfants.
6. L'Assemblée est inquiète de constater que, jusqu'à présent, seule une minorité d’Etats sur les 45 Etats membres a interdit officiellement les châtiments corporels au sein de la famille et dans tous les autres contextes. Si par ailleurs tous les Etats membres ont interdit les châtiments corporels à l'école, y compris dans les écoles privées et dans d'autres institutions éducatives, l’interdiction ne joue pas nécessairement dans les foyers d'adoption et dans tous les autres systèmes de garderie. En outre, cette interdiction n'est pas, toujours et partout, respectée.
7. L’Assemblée invite donc le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à lancer, dans l’ensemble des Etats membres, une campagne coordonnée et concertée pour l’abolition de tous les châtiments corporels infligés aux enfants. L’Assemblée note les succès du Conseil de l'Europe dans la suppression de la peine de mort et l’Assemblée demande à l'Organisation de s'attacher de la même façon à faire de l’Europe, dans le plus court délai possible, une zone sans châtiment corporel pour les enfants.
8. Elle invite le Comité des Ministres et les autres organes concernés du Conseil de l’Europe à mettre d’urgence en place des stratégies, y compris une assistance technique, pour ½uvrer avec les Etats membres à la réalisation de cet objectif, et en particulier pour :
i. garantir une large sensibilisation des enfants, de tous ceux qui vivent et travaillent avec eux et du public en général à l’interdiction de tous les châtiments corporels et autres humiliations et traitements inhumains ou dégradants dont sont victimes les enfants;
ii. assurer une large sensibilisation aux droits fondamentaux des enfants, notamment au droit au respect de leur dignité en tant qu’être humain et de leur intégrité physique;
iii. promouvoir des formes positives, non violentes d’éducation des enfants et de résolution des conflits auprès des futurs parents, des parents et de tout autre personne ayant des enfants à charge ainsi qu’auprès du public;
iv. donner aux enfants et adolescents la possibilité d’exprimer leur point de vue et de participer à la conception et à la mise en ½uvre des actions visant à éradiquer les châtiments corporels;
v. faire en sorte que tous les parents, et en particulier ceux qui éprouvent des difficultés à élever leurs enfants, aient accès aux conseils et à l’aide dont ils ont besoin ;
vi. veiller à ce que les enfants bénéficient, de manière confidentielle, d’avis et de conseils, ainsi que d’une représentation juridique pour agir contre les violences dont ils sont l’objet;
vii. garantir des formes effectives et appropriées de protection aux enfants particulièrement vulnérables aux punitions qui leur portent préjudice et les humilient – par exemple les enfants handicapés et les enfants en institutions ou en détention ;
viii. veiller à ce que les châtiments corporels et autres formes dommageables et humiliantes de discipline infligés aux enfants soient incorporés dans la définition des violences domestiques ou familiales et à s’assurer que les stratégies de suppression des violences punitives contre les enfants soient intégrées aux stratégies de lutte contre les violences domestiques ou familiales.
9. L’Assemblée invite enfin le Comité des Ministres à recommander aux Etats membres de :
i. se doter d’une législation appropriée qui prohibe les châtiments corporels aux enfants, notamment au sein de la famille ;
ii. contrôler l’effectivité de l’abolition au moyen d’enquêtes régulières sur l’expérience de la violence des enfants chez eux, à l’école et ailleurs, ainsi que l’efficacité des services de protection infantile et l’expérience et le comportement des parents face aux violences infligées aux enfants ;
iii. veiller à l’application effective des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme en la matière et à celle des conclusions pertinentes du Comité européen des droits sociaux.
II. Exposé des motifs par Mme Bargholtz1
A. Introduction
1. Frapper un être humain est un acte injustifiable. Frapper un être humain porte atteinte à son droit fondamental au respect de son intégrité physique et de sa dignité humaine. Les enfants sont de jeunes êtres qui partagent ces droits avec les adultes. Battre les enfants et les humilier délibérément n’en demeure pas moins une pratique courante, socialement et juridiquement admise dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. La présente Recommandation de l’Assemblée encourage l’initiative visant à interdire, dans les plus brefs délais, tous les châtiments corporels et tous autres peines ou traitements dégradants des enfants. A cet égard, la première des mesures à prendre, la plus urgente d’entre toutes est de raffermir les droits des enfants.
2. Le Comité européen des droits sociaux considère que la conformité avec la Charte sociale européenne requiert l’interdiction de tous les châtiments corporels et de toutes les autres formes de punitions et traitements dégradants des enfants. La Cour européenne des droits de l’homme en est venue progressivement à condamner les châtiments corporels y compris au sein de la famille. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant exige des Etats qu’ils protègent les enfants contre toutes les formes de violence physique ou mentale lorsqu’ils sont sous la garde des parents ou d’autres personnes. Le Comité des Ministres a, dans une série de recommandations, la première datant de 1985, appelé les Etats à réformer leur législation et à prendre toutes autres mesures utiles pour mettre un terme aux châtiments corporels.
3. En dépit des normes internationales des droits de l’homme clairement établies obligeant les Etats à agir, seule une minorité des 45 Etats membres du Conseil de l’Europe ont expressément prohibé tous les châtiments corporels y compris au sein de la famille.
4. Faire cesser les châtiments corporels est indispensable pour améliorer le statut des enfants et une stratégie essentielle pour prévenir toute autre forme de violence et d’exploitation. Dans beaucoup d’Etats membres, aucune recherche n’a été entreprise sur la violence infligée aux enfants par leur famille; dans les pays où pareille étude a été menée, elles font apparaître une très forte prévalence des châtiments corporels, y compris des brutalités ayant entraîné des préjudices corporels.
5. L’élimination des châtiments corporels suppose l’adoption ou l’existence d’une législation interdisant expressément ces pratiques assortie d’une action de sensibilisation au droit des enfants à être protégés et de promotion de formes positives, non violentes, de discipline.
B. L’importance de la question
6. La persistance de l’acceptation juridique et sociale des châtiments corporels est une violation des droits fondamentaux des enfants, aujourd’hui reconnue. Les recherches existantes montrent que les châtiments corporels demeurent une pratique courante à défaut de réforme législative et d’éducation de l’opinion publique (voir le paragraphe 9). Partout en Europe, des millions d’enfants voient leurs droits fondamentaux violés à grande échelle. Tous les châtiments corporels violent le droit des enfants au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique. Les châtiments corporels causent souvent des dommages physiques, des infirmités, voire dans certains cas le décès de la victime. Les recherches montrent que les châtiments corporels peuvent engendrer des traumatismes psychologiques chez les enfants; leur usage est associé au développement de comportements et d’actions violents dans l’enfance et ultérieurement dans la vie d’adulte. Il est assez incroyable que, dans la plupart des Etats membres, les enfants que leur état de développement rend particulièrement vulnérables aux dommages physiques et psychologiques, soient moins bien protégés contre les brutalités que les adultes.
7. Il y a de cela un ou deux siècles seulement, les attitudes traditionnelles envers les esclaves, les domestiques et les femmes se reflétaient dans le « droit » juridiquement reconnu des maîtres et des maris de les battre2. La preuve la plus éclatante du statut d’infériorité dans lequel sont toujours tenus les enfants nous est donnée par la croyance largement répandue, dans nos sociétés européennes, selon laquelle les châtiments corporels seraient légitimes. L’affirmation insidieuse selon laquelle l’intégrité physique et la dignité humaine des enfants peuvent être enfreintes en tout impunité favorise l’émergence d’autres formes de violence envers les enfants, y compris les violences et l’exploitation sexuelles et la traite des enfants. Mettre un terme à la violence légalisée dont sont victimes les enfants – les châtiments corporels – est une stratégie fondamentale pour prévenir toutes autres formes de violence.
C. La mesure du problème
8. Le seul moyen pour connaître l’étendue de la violence infligée aux enfants au sein de leur famille consiste à mener des entretiens détaillés avec les parents et les enfants. Des études rétrospectives où les adultes sont interrogés sur leur enfance peuvent également fournir des informations. Ils ne permettent pas, cependant, de savoir ce qui s’est produit dans leur première enfance. Les sondages d’opinion permettent de tester les attitudes envers l’usage des châtiments corporels. Pour mesurer les progrès réalisés en matière d’élimination des châtiments corporels, il faut régulièrement mener des enquêtes auprès de groupes représentatifs de parents et d’enfants.
9. Dans de nombreux pays, aucune étude n’a été entreprise sur la violence infligée aux enfants au sein de leur famille. Des études émanant d’un nombre restreint d’Etats indiquent que les châtiments corporels, y compris les corrections sévères, sont une pratique courante, à moins que leur usage n’ait été systématiquement remis en cause. A titre d’exemple l’on peut citer:
Croatie: un échantillon de 1000 élèves ont été interrogés entre 1997 et 1998 sur l’expérience qu’ils ont vécue pendant leur enfance en matière de châtiments corporels et de violences sexuelles; 93 % ont subi des châtiments corporels; 27 % ont reçu des coups entraînant des blessures3. La Croatie a expressément interdit le châtiment corporel en 1999.
Grèce: sur une cohorte nationale de 8158 enfants âgés de sept ans, un tiers des enfants recevait une fessée au moins une fois par semaine et un enfant sur six quotidiennement (1993)4.
Pologne: une étude nationale menée sur des adultes en 2001 a révélé que 80% d’entre eux ont subi des châtiments corporels5.
Roumanie: sur un échantillon de 423 enfants âgés de 11 à 13 ans, 75% ont été l’objet de châtiments corporels; 5% d’entre eux ont du suivre un traitement médical par la suite6. Dans une autre étude, 84% des enfants interrogés déclarent avoir subi des châtiments corporels de leurs parents; 20% d’entre eux ont été battus avec des objets; 15% avaient peur de rentrer chez eux par crainte d’être battus7.
Slovaquie: il ressort d’une recherche comportementale conduite en 2002 sur des échantillons d’adultes que 75.3% d’entre eux estiment que les parents devraient être en droit de donner des « claques occasionnellement »; 41.7% que les corrections infligées au moyen d’un objet sont acceptables et 22.9% que le recours fréquent aux châtiments corporels est acceptable8.
Royaume-Uni: il résulte d’une étude menée à grande échelle dans les années 1990 que 91% des enfants ont été battus ; seuls 25% des nourrissons ayant moins d’un an n’avaient jamais été frappés par leur mère et 14% des nourrissons ayant un an avaient été frappés par leur mère avec une « sévérité modérée ». Dans les familles bi-parentales dont les deux parents ont été interrogés, un cinquième des enfants avaient été battus au moyen d’un objet et un tiers avait subi une correction qualifiée de « sévère » (châtiment visant à, de nature à ou causant effectivement des préjudices physiques et/ou psychologiques ou un traumatisme à l’enfant)9.
D. La Charte Sociale Européenne du Conseil de l’Europe
10. En 2001, le Comité européen des droits sociaux chargé de veiller au respect de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale révisée par les Etats membres, déclare que « l’article 17 exige une interdiction en droit de toute forme de violence à l’encontre des enfants, que ce soit à l’école ou dans d’autres institutions, à leur foyer ou ailleurs. Il considère en outre que toute forme de châtiment ou traitement dégradant infligé à des enfants doit être interdit en droit et que cette interdiction doit être assortie de sanctions pénales ou civiles adéquates. »10.
11. Le Comité s’intéresse à la législation et à la pratique des Parties contractantes en ce qui concerne la protection des enfants et des adolescents contre les mauvais traitements en application des articles 7 et 17 des Chartes depuis de nombreuses années. Dans sa déclaration de 2001, le Comité note que le Comité des droits de l’enfant, organe chargé du contrôle du respect des engagements contractés par les Etats au titre de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, recommande systématiquement aux Etats d’interdire tous les châtiments corporels, y compris eu sein de la famille, en accord avec la Convention (voir paragraphe 20). Le Comité Européen des Droits Sociaux prend note également de l’arrêt marquant de 1998 de la Cour européenne des droits de l’homme dans lequel la Cour qualifie les coups infligés à un jeune garçon anglais par son beau-père de traitement dégradant violant l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. La Cour conclut à l’unanimité à la responsabilité du Royaume-Uni au motif qu’en autorisant « les châtiments raisonnables » le droit national avait omis de fournir une protection adéquate (voir paragraphe 16).
12. Le Comité européen des droits sociaux observe encore qu'au cours des dernières décennies plusieurs Parties contractantes ont explicitement interdit le châtiment corporel des enfants dans la loi (voir paragraphe 25 ci- après) et que le Comité des Ministres, dans plusieurs de ses recommandations, condamne les châtiments corporels et autres traitements dégradants utilisés à des fins d’« éducation » ou de discipline (voir paragraphe 23).
13. Le Comité, insistant sur l’inégale protection légale des enfants comparée à celle des adultes dans de nombreux pays, « (...) considère qu'il ne peut être accepté qu’une société qui interdit toute forme de violence entre adultes tolère que les adultes infligent des violences physiques aux enfants. Le Comité considère qu'il n'y a aucune valeur éducative dans le châtiment corporel des enfants qui ne peut être réalisée autrement ».
14. De plus, dans un domaine dans lequel les statistiques montrent une constante augmentation du nombre de cas de mauvais traitements des enfants signalés à la police et au ministère public, il est évident que des mesures supplémentaires pour mettre un terme à ce problème sont nécessaires. Interdire toute forme de châtiment corporel des enfants est une importante mesure pour l'éducation de la population car cela donne un message clair de ce qui est considéré comme acceptable par la société. Une telle mesure évite toute discussion et toute interrogation sur la frontière à tracer entre ce qui peut être considéré comme un châtiment corporel acceptable et ce qui ne peut pas l'être.
E. La Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales
15. La Commission européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme ont, par décisions successives, considéré que les châtiments corporels infligés aux enfants violaient la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales en relation d’abord, dans les années 1970, avec les châtiments prononcés par les juridictions à l’encontre des jeunes délinquants, puis à l’école, y compris dans les écoles privées et plus récemment dans le cadre du foyer familial11. Les décisions et les arrêts insistent sur l’obligation qu’a l’Etat de protéger l’enfant et ses droits fondamentaux où qu’il se trouve. D’autres décisions sont venues confirmer que l’interdiction de tous les châtiments corporels au sein de la famille constituait une ingérence légitime et ne portait pas atteinte au droit des parents ou d’autres personnes au respect de la vie familiale et de la liberté de religion.
16. En septembre 1988, la Cour décida à l’unanimité que les châtiments corporels infligés à un jeune garçon anglais par son beau-père violaient l’article 3 de la CEDH. Les poursuites engagées contre le beau-père devant les juridictions britanniques avaient échoué au motif que le « châtiment était raisonnable ». La Cour conclut à la responsabilité du Royaume-Uni au motif qu’en autorisant les « châtiments raisonnables » le droit national avait omis d’accorder une protection adéquate à l’enfant, en particulier au moyen de « mesures dissuasives effectives ». La Cour ordonna au Royaume-Uni de verser une indemnité de 10 000 £ à l’enfant qui avait été battu à diverses reprises au moyen d’une canne de jardin.
17. L’arrêt cite certains articles de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, en particulier l’article 19 qui exige des Etats qu’ils protègent les enfants contre toute forme de « violence physique ou mentale » pendant qu’ils sont sous la garde de leurs parents ou de toute autre personne à qui ils sont confiés (voir paragraphe 19).
F. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant
18. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant (UNCRC) a été adoptée par l’Assemblée générale en 1989. En 2001, cette Convention avait été ratifiée par 191 Etats - y compris tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. La Convention sur les droits de l’enfant est le traité international des droits de la personne ayant recueilli le plus grand nombre de ratifications, ce qui confère à ses principes et normes détaillés une autorité particulière en droit international.
19. La Convention des Nations Unies sur le droit des enfants est le premier traité à traiter directement de la protection de l’enfant contre la violence. L’article 19 de la Convention oblige les Etats à prendre « toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant conte toutes formes de violence, d’atteinte, ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié ...».
20. Le Comité des droits de l’enfant est l’instance chargée du suivi de la Convention des Nations Unies sur le droit des enfants. Il a commencé à examiner les rapports des Etats Parties à la Convention en 1993. Dès cet instant, le Comité s’est particulièrement préoccupé de la persistance de l’acceptation juridique et sociale des châtiments corporels infligés à des enfants, dans leur famille, à l’école et dans d’autres institutions ainsi que dans les établissements pénitentiaires.
21. Le Comité a constamment déclaré que les châtiments corporels au sein des familles ou ailleurs étaient contraires à la Convention et recommandé que les Etats prohibent tous les châtiments corporels à l’égard des enfants et mettent en place des campagnes d’éducation destinées à promouvoir une éducation positive, non violente des enfants dans plus de 130 pays répartis sur les quatre continents, y compris dans les pays industrialisés et développés12.
G. Les Recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe condamnant les châtiments corporels
22. Le Comité des Ministres a condamné pour la première fois les châtiments corporels à l’égard des enfants dans une recommandation aux Etats membres sur la violence au sein de la famille adoptée en 1985. Le préambule de la recommandation stipule que « la défense de la famille comporte la protection de tous ses membres contre toute forme de violences qui trop souvent surgit en son sein ». La violence affecte « en particulier, bien que dans des conditions différentes, d’une part des enfants et d’autre part des femmes » et les enfants « ont droit à une protection particulière de la part de la société contre toute forme de discrimination et d’oppression et contre les abus d’autorité dans la famille et dans les autres institutions ». Le Comité des Ministres recommandait aux Etats membres de « revoir leur législation concernant le pouvoir de correction à l’égard des enfants dans le but de limiter, voire d’interdire les châtiments corporels, même si la violation de cette interdiction n’entraîne pas nécessairement une sanction pénale ». Le rapport explicatif de la recommandation assimile les châtiments corporels à « un mal qu’il faut au moins décourager dans une première phase pour finir par l’interdire. En effet c’est la conception même qui rend légitime le châtiment corporel d’un enfant, qui, d’une part, ouvre la voie à tous les excès et, d’autre part, rend acceptable par des tiers les marques ou les symptômes de ces châtiments13 ».
23. Dans une recommandation aux Etats membres de 1990 sur les « mesures sociales concernant la violence au sein de la famille », le Comité note que « la démocratisation de la famille, qui implique le respect de chacun en tant que personne disposant de droits égaux et de chances égales, peut contribuer à décourager la violence ». Au paragraphe intitulé « Mesures pour les enfants », la recommandation dispose que « l’accent devrait être mis sur la condamnation générale du châtiment corporel et d’autres traitements dégradants comme moyen d’éducation, et du besoin d’une éducation sans violence »14.
24. En 1993, dans une recommandation sur «les aspects médico-sociaux des mauvais traitements infligés aux enfants», le Comité prenant acte de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, exhorte les Etats à « mettre en lumière le droit de tous les enfants et adolescents à une existence exempte de maltraitance, et la nécessité de changer les modes d’éducation et de comportements qui la menacent » et à « réduire le niveau de violence au minimum dans la société et le recours à la violence dans les méthodes d’éducation des enfants » 15.
H. L’évolution des réformes législatives interdisant tous les châtiments corporels
25. Les normes des droits de l’homme établies par le Conseil de l’Europe et par la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant exigent l’abolition de tous les châtiments corporels et autres traitements ou peines dégradants. En mars 2004, 12 Etats membres au moins ont une législation interdisant clairement les châtiments corporels infligés aux enfants, y compris au sein de la famille: Autriche (1989), Bulgarie (2000), Croatie (1999), Chypre (1994), Danemark (1997), Finlande (1983), Allemagne (2000), Islande (2003), Lettonie (1998), Norvège (1987), Suède (1979), Ukraine (2002). A ce jour cependant la loi n’a toujours pas été amendée en ce sens. Dans neuf autres Etats au moins, la loi pénale interdit les coups et blessures et la loi refuse de reconnaître une quelconque légitimité au motif tiré de la discipline pour justifier les brutalités envers les enfants mais reste qu’en pratique la loi n’est pas interprétée comme prohibant tous les châtiments corporels infligés par les parents
26. Les étapes juridiques ci-après énumérées sont essentielles en vue d’atteindre à l’interdiction de tous les châtiments corporels:
a) Veiller à ce le droit (droit écrit ou common law) ne contienne pas d’exceptions justifiant le recours aux châtiments corporels par les parents, les tuteurs ou toute autre personne;
b) Veiller à ce que le droit pénal relatif aux voies de fait s’applique également aux sévices infligés aux enfants à titre de punition;
c) Edicter une interdiction expresse, en principe dans le droit civil, de tous les châtiments corporels et de tous autres peines ou traitements dégradants ou humiliants des enfants;
d) Donner des indications sur la façon adéquate de mettre en ½uvre cette législation en se concentrant sur la protection et la promotion des droits de l’enfant en général, et sur l’intérêt supérieur des enfants victimes en particulier.
27. Les châtiments corporels à l’école et dans les établissements pénitentiaires pour jeunes délinquants sont interdits partout en Europe. Cette interdiction n’est toutefois pas uniformément appliquée. De nombreux Etats ont également interdit les châtiments corporels dans les foyers d’adoption. Tous les Etats ont une législation interdisant les sévices graves infligés aux enfants par les parents et toute autre personne ayant la garde de l’enfant mais beaucoup d’entre elles reconnaissent des excuses aux parents usant de formes plus atténuées de châtiments corporels et là où châtiments corporels infligés par les parents restent licites, cette licéité s’applique mutatis mutandis aux foyers d’adoption et certains autres systèmes de garderie informels, sauf prohibition légale expresse.
I. Le processus d’abolition des châtiments corporels
28. Le processus des réformes législatives visant à mettre un terme aux châtiments corporels infligés par les parents a démarré il a y près de 50 ans, en 1957, en Suède avec l’abrogation de la disposition de droit pénal qui excusait les parents ayant causé des préjudices corporels mineurs aux enfants en leur administrant des châtiments corporels. En 1966, la Suède supprima du Code de la famille, une disposition autorisant « les réprimandes ». Par la suite, la Suède devint le premier pays au Monde à interdire formellement tous les châtiments corporels dans la Loi sur la famille adoptée en 1979 et qui ajouta une disposition au Code de parentalité et de tutelle. Suite à cette ajout le Code se lit comme suit : « Les enfants ont droit à l’assistance, à la sécurité et à une bonne éducation. Ils doivent être traités dans le respect de leur personne et de leur individualité et ne peuvent être soumis à un châtiment corporel ou à tout autre traitement humiliant ».
29. Une réforme législative formelle qui interdit tous les châtiments corporels et autres peines ou traitements dégradants infligés aux enfants délivre un message fort, essentiel aux enfants, aux parents et à l’opinion. L’objet de cette réforme législative est tout d’abord éducatif : adresser un message clair que frapper un enfant est tout autant inacceptable et illégal que frapper des adultes. Poursuivre les parents est rarement dans l’intérêt de l’enfant et la probabilité de poursuite à l’encontre des parents pour des agressions mineures est similaire à celle existant entre adultes. D’autre part, éliminer toute défense ou justification de la violence rendra les poursuites plus faciles dans le peu de cas où il est nécessaire de protéger les enfants.
30. Il est largement prouvé aujourd’hui qu’il est possible de changer les comportements et la pratique au sein des familles et de réduire significativement la violence envers les enfants au sein des familles dès lors que la réforme législative s’accompagne d’une action de sensibilisation générale et d’éducation du public16.
31. Pour commencer, il est indispensable que la loi soit portée à la connaissance du public et clairement et formellement interprétée par les hommes politiques, les élus locaux et les membres de la profession judiciaire comme interdisant tous les châtiments corporels et autres peines ou traitements dégradants des enfants. Il est indispensable de développer, en les inscrivant dans la durée, des actions de sensibilisation aux droits des enfants à la protection et des actions d’éducation du public et des parents en vue de promouvoir des formes positives, non violentes d’éducation et de discipline des enfants. La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant exige des Etats l’ayant ratifiée (tous les Etats membres du Conseil de l’Europe) de « faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens appropriés, aux adultes et aux enfants » (article 42).
32. Tous les Etats disposent de programmes sanitaires et de protection ciblant les futurs et nouveaux parents. Ces programmes pourraient s’attacher à promouvoir les droits des enfants à la protection et à faire connaître la loi, la façon dont se développent les enfants et les dangers des châtiments. Le personnel des garderies peut mettre, tout à la fois, en pratique et promouvoir une discipline constructive. Dans différents Etats membres, les ONG mènent des campagnes contre les châtiments corporels et d’éducation du public dont les gouvernements peuvent s’inspirer, auxquelles ils peuvent apporter leur soutien, qu’ils peuvent soutenir et généraliser. Les média peuvent jouer un rôle prépondérant en apportant leur soutien aux actions de sensibilisation et d’éducation du public au moyen d’articles d’actualité, de documentaires, de programmes éducatifs et de magazines spécialisés destinés aux parents.
33. Les quelques éléments ci-après sont essentiels pour éliminer les châtiments corporels:
• Garantir une large sensibilisation des enfants, de tous ceux qui vivent et travaillent avec eux et du public en général à l’interdiction de tous les châtiments corporels et autres traitements et humiliations inhumains ou dégradants dont sont victimes les enfants;
• Assurer une large sensibilisation aux droits fondamentaux des enfants, notamment au droit au respect de leur dignité humaine en tant qu’être humain et de leur intégrité physique;
• Promouvoir des formes positives, non violentes d’éducation des enfants et de résolution des conflits auprès des futurs parents, des parents et de toute autre personne ayant à leur charge des enfants ainsi que du public;
• Veiller à ce que les enfants et les adolescents aient la possibilité d’exprimer leur point de vue et de participer à la conception et à la mise en ½uvre des actions visant à éradiquer les châtiments corporels;
• Faire en sorte que tous les parents, et en particulier ceux qui éprouvent des difficultés à élever leurs enfants, aient accès à des conseils et à l’aide dont ils ont besoin ;
• Veiller à ce que les enfants bénéficient, de manière confidentielle, d’avis et de conseils, ainsi que d’une représentation juridique pour agir contre les violences dont ils sont l’objet;
• Garantir des formes effectives et appropriées de protection aux enfants particulièrement vulnérables aux punitions qui leur portent préjudice et les humilient – par exemple les enfants handicapés et les enfants en institutions et en détention ;
• Veiller à ce que les châtiments corporels et toutes les autres formes dommageables et humiliantes de discipline infligés aux enfants soient incorporés dans la définition des violences domestiques ou familiales et à ce que les stratégies de suppression des violences punitives contre les enfants soient intégrées aux stratégies de lutte contre les violences domestiques ou familiales;
• Contrôler l’effectivité de l’abolition au moyen d’enquêtes régulières sur l’expérience de la violence des enfants chez eux, à l’école et ailleurs, et des services de protection infantile, et l’expérience et le comportement des parents face aux violences infligées aux enfants.
Commission chargée du rapport : Commission des questions sociales, de la santé et de la famille
Renvoi en commission : Doc. 9716, Renvoi N° 2816 du 31 mars 2003
Projet de recommandation adopté à l’unanimité le 1er juin 2004
Membres de la Commission: MM. Glesener (Président), Surjan (1er Vice-Président), Mme McCafferty (2ème Vice-Président), M. Ma¨tálka (3ème Vice-Président), Mme Ahlqvist, MM. Arnau, Arzilli, Mme Azevedo, Mme Bargholtz, Mme Belohorská, MM. Berzin¨, Bojović, Mme Bolognesi, MM. Braghis, Brunhart, Buzatu (remplaçant : Ionescu), Yüksel Çavuşoğlu, Chernyshenko, Christodoulides, Mme Cliveti, MM. Colombier, Cox (remplaçant : Vis), Daban Alsina, Mme D’Amato (remplaçant : M. Falzon), MM. Dees, Donabauer, Dragassakis, Evin, Flynn, Geveaux, Giertych, Glukhovskiy, Gregory (remplaçante : Mme Ormonde), MM. Gülçiçek, Irfan Gündüz, Gusenbauer, Hegyi, Herrera, Hladiy, Høie, Mme Hurskainen, MM. Jacquat, Klympush, Baroness Knight of Collingtree (remplaçant : M. Hancock), MM. Kocharyan, Letica, Mme Lotz, MM. Makhachev, Markowski, Mme Milićević, Mme Milotinova, MM. Mladenov, Monfils, Mme Oskina, MM. Ouzký, Padilla, Padobnik, Popa, Poty, Poulsen, Provera (remplaçant : Tirelli), Pysarenko, Mme Radulović-¦ćepanović, MM. Rauber, Riester, Rigoni, Rizzi, Mme Roseira, Mme Saks, MM. Schmied (remplaçant: Dupraz), Seyidov, Mme Shakhtakhtinskaya, MM. Skarphéđinsson, Stathakis, Sysas, Mme Tevdoradze, Mme Topalli, Mme Vermot-Mangold, Mme Wegener, MM. Van Winsen, Zernovski, ZZ…
NB: Les noms des membres présents à la réunion sont imprimés en caractères gras.
Secrétariat de la Commission: M. Mezei, Mme Nollinger, Mme Meunier, Mme Karanjac, M. Chahbazian
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1 La rapporteuse est très reconnaissante à M. Peter Newell, Coordinateur de l’Initiative mondiale visant à mettre un terme aux châtiments corporels infligés aux enfants, d’avoir aidé à rédiger cet exposé des motifs.
2 Voir, par exemple, le débat sur les droits des maris de battre leurs femmes d’une manière « qui ne soit pas violente ou cruelle » in Blackstone’s Commentaries, page 445.
3 Pecnik, N. (2003), Transmission des sévices infligés aux enfants d’une génération à l’autre, (en croate) (Slap : Jastrebarsko).
4 Agathonus-Georgopoulou, H. (1997), « Child Maltreatment in Greece : A Review of Research » Child Abuse Review, vol. 6, pp.257-271.
5 Fluderska, G. et al. (2001), Le problème des sévices infligés aux enfants en Pologne: Comportement et expérience (Varsovie: Fondation des enfants de personne).
6 Alexandrescu, G. et al. (2000), Sévices sur enfants et négligence (Sauver les enfants Roumanie)
7 Gouvernement roumain, Sauver les enfants & UNICEF (2000), Etude nationale sur les violences sexuelles dont sont victime les enfants, (Sauver les enfants Roumanie).
8 La prévalence de la violence à Bratislava, Slovaquie, en progression.
9 Gavin Nobes, G. et al. (1997), “Physical punishment of children in two-parent families”, Clinical Child Psychology and Psychiatry, vol. 2 (2), p. 271–281 ; également, synthèse présentée sous forme d’affiche par le Dr. Marjorie Smith lors de la Cinquième conférence européenne sur les mauvais traitements et les négligences infligés aux enfants (Société internationale pour la prévention des mauvais traitements et les négligences), Oslo, mai 1995.
10 Comité européen des droits sociaux, Observations générales concernant l’Article 7, paras. 10 et 17, Conclusions XV-2, vol.1, Introduction générale, p. 26.
11 Cour européenne des droits de l’homme, Tyrer c. Royaume-Uni, 1978 ; Campbell et Cosans c. Royaume-Uni, 1982 ; Costello-Robert c. Royaume-Uni,, 1993 ; A c. Royaume-Uni, 1998. Tous les arrêts de la Cour peuvent être consultés sur le site http://hudoc.echr.coe.int/hudoc/
12 Comité des droits de l’enfant : les documents du Comité, notamment ses observations finales sur les rapports des Etats Parties à la Convention relative aux droits de l’enfant, sont disponibles à l’adresse http://www.unhchr.ch/html/menu2/6/crc/. Le site de l’Initiative mondiale tendant à mettre un terme à tous les châtiments corporels infligés aux enfants contient le texte de toutes les recommandations du Comité relatives aux châtiments corporels, classées par session et par Etat : www.//endcorporalpunishment.org
13 Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation sur « la violence au sein de la famille », Recommandation N° R (85) 4. Toutes les recommandations du Comité des Ministres peuvent être consultées sur le site : http://www.coe.int/t/E/Committee_of_Min ... Documents/
14 Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation sur « les mesures sociales concernant la violence au sein de la famille »: N° R (90) 2.
15 Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, Recommandation sur « les aspects médico-sociaux des mauvais traitements infligés aux enfants »: Recommandation N° R (93) 2.
16 L’impact des réformes en Suède a donné lieu à de nombreux études et commentaires. Voir « Ending Corporal Punishment: Swedish experience of efforts to prevent all forms of violence against children – and the results », ministère de la Santé et des Affaires sociales et ministère des Affaires étrangère, Suède, 2001; Joan E Durrant, « A generation Without Smacking: The impact of Sweden’s ban on physical punishment », save the Children Royaume-Uni, 2000. En Allemagne aussi l’interdiction a été appliquée en 2000 et la Recherche montre des changements significatifs dans la prise de conscience et dans les attitudes sur une courte période. Professeur Kai D. Bussmann.
1. L’Assemblée parlementaire relève que, pour satisfaire aux exigences de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale européenne révisée, d’après le Comité européen des Droits sociaux, il convient pour les Etats membres d’interdire tous les châtiments corporels et toutes les autres formes de châtiment et de traitement dégradant à l’encontre des enfants. Cinq Etats membres ne satisfont pas à leurs engagements car ils n’ont pas de fait interdit tous les châtiments corporels; une procédure de réclamation collective a été ouverte contre cinq autres Etats membres pour cette même raison.
2. L’Assemblée note également que la Cour européenne des Droits de l’Homme en est venue à conclure, par des arrêts successifs, que les châtiments corporels violaient les droits de l’enfant tels que garantis par la Convention européenne des Droits de l’Homme; ces conclusions ont visé tout d’abord les châtiments corporels dans les établissements pénitentiaires pour jeunes délinquants, puis à l’école, y compris dans les écoles privées, et, tout récemment, dans le cadre familial. Par ailleurs, tant la Commission européenne des Droits de l’Homme, jusqu’en 1998, que la Cour ont souligné que l’interdiction de tout châtiment corporel n’était pas une violation du droit au respect de la vie privée et familiale ou à la liberté de religion.
3. L’Assemblée constate que tous les Etats membres ont ratifié la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant; cette convention exige des Etats qu’ils protègent les enfants contre toutes formes de violence physique ou mentale infligée par des adultes qui en ont la garde. Le Comité des droits de l’enfant, qui veille à l’application de la convention, a constamment interprété cette dernière comme exigeant des Etats membres à la fois l’interdiction de tous les châtiments corporels à l’égard des enfants, et des actions de sensibilisation et d’éducation du public en ce domaine.
4. L’Assemblée se félicite de l’initiative mondiale actuellement lancée pour mettre un terme à tous les châtiments corporels infligés aux enfants; elle souhaite se joindre au soutien que lui apportent d’ores et déjà l’Unicef, l’Unesco, le haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Réseau européen des médiateurs pour enfants (Enoc), et de nombreuses institutions des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales nationales et internationales à travers l’Europe.
5. L’Assemblée estime que tous les châtiments corporels infligés aux enfants violent leur droit fondamental au respect de leur dignité humaine et de leur intégrité physique. Le maintien de la légalité des châtiments corporels dans certains Etats membres est une violation du droit tout aussi fondamental des enfants à une protection devant la loi à égalité avec les adultes. Dans nos sociétés européennes, frapper un être humain est prohibé et l’enfant est un être humain. Il faut casser l’acceptation sociale et juridique du châtiment corporel des enfants.
6. L’Assemblée est inquiète de constater que, jusqu’à présent, seule une minorité d’Etats sur les quarante-cinq Etats membres a interdit officiellement les châtiments corporels au sein de la famille et dans tous les autres contextes. Si par ailleurs tous les Etats membres ont interdit les châtiments corporels à l’école, y compris dans les écoles privées et dans d’autres institutions éducatives, l’interdiction ne s’étend pas nécessairement aux foyers d’adoption et à tous les autres systèmes de garde. En outre, cette interdiction n’est pas, toujours et partout, respectée.
7. L’Assemblée invite donc le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à lancer, dans l’ensemble des Etats membres, une campagne coordonnée et concertée pour l’abolition de tous les châtiments corporels infligés aux enfants. L’Assemblée note les succès du Conseil de l’Europe quant à l’abolition de la peine de mort et elle demande à l’Organisation de s’atteler de la même façon à faire de l’Europe, sans tarder, une zone exempte de châtiment corporel pour les enfants.
8. Elle invite le Comité des Ministres et les autres organes concernés du Conseil de l’Europe à mettre d’urgence en place des stratégies, y compris une assistance technique, pour ½uvrer avec les Etats membres à la réalisation de cet objectif, et en particulier:
i. pour garantir une large sensibilisation des enfants, de tous ceux qui vivent et travaillent avec eux et du public en général à l’interdiction de tous les châtiments corporels et autres humiliations et traitements inhumains ou dégradants dont sont victimes les enfants;
ii. pour assurer une large sensibilisation aux droits fondamentaux des enfants, notamment au droit au respect de leur dignité en tant qu’être humain et de leur intégrité physique;
iii. pour promouvoir des formes positives, non violentes, d’éducation des enfants et de résolution des conflits auprès des futurs parents, des parents et de toute autre personne ayant des enfants à charge ainsi qu’auprès du public;
iv. pour donner aux enfants et aux adolescents la possibilité d’exprimer leur point de vue et de participer à la conception et à la mise en ½uvre des actions visant à éradiquer les châtiments corporels;
v. pour faire en sorte que tous les parents, et en particulier ceux qui éprouvent des difficultés à élever leurs enfants, aient accès aux conseils et à l’aide dont ils ont besoin;
vi. pour veiller à ce que les enfants bénéficient, de manière confidentielle, d’avis et de conseils, ainsi que d’une représentation juridique pour agir contre les violences dont ils sont l’objet;
vii. pour garantir des formes effectives et appropriées de protection aux enfants particulièrement vulnérables aux punitions qui leur portent préjudice et les humilient – par exemple les enfants handicapés et les enfants en institutions ou en détention;
viii. pour veiller à ce que les châtiments corporels et autres formes dommageables et humiliantes de discipline infligés aux enfants soient incorporés dans la définition des violences domestiques ou familiales et à s’assurer que les stratégies de suppression des violences punitives contre les enfants soient intégrées aux stratégies de lutte contre les violences domestiques ou familiales.
9. L’Assemblée invite enfin le Comité des Ministres à recommander aux Etats membres:
i. de se doter d’une législation appropriée qui prohibe les châtiments corporels aux enfants, notamment au sein de la famille;
ii. de contrôler l’effectivité de l’abolition au moyen d’enquêtes régulières sur l’expérience de la violence des enfants chez eux, à l’école et ailleurs, ainsi que l’efficacité des services de protection infantile, et l’expérience et le comportement des parents face aux violences infligées aux enfants;
iii. de veiller à l’application effective des arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme en la matière et à celle des conclusions pertinentes du Comité européen des Droits sociaux.
Le Conseil de l’Europe fait campagne pour l’interdiction de toutes les formes de châtiment corporel, sans exception. Dans nombre de pays européens, la société tolère, voire approuve, certaines formes courantes de violence envers les enfants, notamment dans le cadre familial
Aucune religion, croyance, situation économique ou « méthode éducative » ne saurait toutefois justifier coups, gifles, fessées, mutilations, mauvais traitements, humiliations ou toute autre pratique portant atteinte à la dignité de l’enfant. L’Europe doit voir disparaître de son territoire les châtiments corporels, qu’ils soient infligés à la maison, à l’école ou dans d’autres institutions.
Un tiers des Etats membres du Conseil de l’Europe ont aboli les châtiments corporels et d’autres se sont engagés à réexaminer leur législation en la matière. Malgré cette évolution, qui va dans le bon sens, les châtiments corporels demeurent légaux dans la plupart des pays et sont encore considérés comme une mesure « disciplinaire » acceptable.
Interdire les châtiments corporels dans le foyer familial ne veut pas dire engager des poursuites contre les parents, mais changer leurs comportements en les incitant, par des conseils, à adopter des méthodes d’éducation non violentes et à se tourner vers une parentalité positive. Voir le communiqué final et la déclaration politique de la réunion des Ministres européens chargés des Affaires familiales de Lisbonne, notamment les points 28 à 32 (en anglais).
L’article 17 de la Charte sociale européenne impose aux Etats de protéger les enfants contre toutes les formes de mauvais traitement. Selon l’interprétation du Comité européen des droits sociaux (CEDS) – qui est l’organe de suivi de la Charte – cela revient à exiger l’interdiction en droit de toute forme de violence à l’encontre des enfants, y compris des châtiments corporels, quel qu’en soit le cadre (domicile, école, etc.)
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Ecrit par Alice MILLER.
"85% des enfants français sont frappés par leurs parents."
Sondage SOFRES, réalisé pour l'association Eduquer sans frapper.
"Traitez vos enfants exactement comme vous voudriez que vos enfants vous traitent."
Norm Lee.
Avant propos :
"Pour mettre de l'ordre, il faut regarder le désordre", disait un thérapeute avec bon sens. Le désordre dans la relation parent-enfant n'est pas facile à admettre, d'autant plus que sa reconnaissance risque d'engendrer la culpabilité et la honte.
Là, nous nous trouvons devant un choix :
nous voiler la face et continuer de croire - en souriant - qu'une bonne fessée ou que quelques claques n'ont "jamais fait de mal à personne".
ou voir la vérité (ce qui est), en face, lucidement, et oser s'interroger : pourquoi frapper un enfant s'appellerait éducation alors que frapper un adulte s'appelle agression ?
Alice Miller est docteur en philosophie et psychothérapeute. Chercheuse, elle se consacre, depuis 1980, à l'étude des causes des mauvais traitements infligés aux enfants, et à leurs conséquences sur la vie d'adulte.
"L'opinion publique est loin d'avoir pris conscience que ce qui arrivait à l'enfant dans les premières années de sa vie se répercutait inévitablement sur l'ensemble de la société, et que la psychose, la drogue et la criminalité étaient des expressions codées des expériences de la petite enfance…
Ma tâche est de sensibiliser cette opinion aux souffrances de la petite enfance, en m'efforçant d'atteindre chez le lecteur adulte l'enfant qu'il a été." (A.M.)
autre chose
Pour aller plus loin, vous pouvez :
cliquer sur : www.alice-miller.com
lire : "La fessée, 100 questions-réponses sur les châtiments corporels", par Olivier Maurel, préface d'Alice Miller, aux éditions La plage. 2001.
"Ce livre est un cadeau pour les millions de jeunes qui n'ont pas encore d'enfants. Un cadeau aussi et surtout pour tous les enfants à naître dont les parents auront eu la chance de le lire." (A.M. préface au livre d'O. Maurel.)
Principaux chapitres de ce livre :
Brève histoire des châtiments corporels.
Nature des châtiments corporels et quelques opinions sur le sujet.
Pourquoi les châtiments corporels sont-ils si destructeurs ?
Comment peut-on éduquer sans frapper ?
Les besoins fondamentaux de l'enfant.
L'enfant n'a-t-il pas aussi besoin d'interdits ?
En ne frappant pas les enfants, ne risque-t-on pas d'en faire des enfants-rois ?
Pourquoi risque-t-on d'être amené à frapper ?
Eduquer l'enfant ne consiste-t-il pas à lui inculquer des règles, de gré ou de force ?
Quels sont les comportements des parents qui risquent d'être générateurs de conflits ?
Comment passer du réflexe à la réflexion ?
Que faire avec un enfant particulièrement violent ?
Que nous apprend l'expérience des pays "abolitionnistes" ?
Le tract d'Alice Miller sur la fessée :
Pourquoi les fessées, les gifles et même des coups apparemment anodins comme les tapes sur les mains d'un bébé sont-elles dangereuses ?
1. Elles lui enseignent la violence, par l'exemple qu'elles en donnent.
2. Elles détruisent la certitude sans faille d'être aimé dont le bébé a besoin.
3. Elles créent une angoisse : celle de l´attente de la prochaine rupture.
4. Elles sont porteuses d'un mensonge : elles prétendent être éducatives alors qu'en réalité elles servent aux parents à se débarrasser de leur colère et que, s'ils frappent, c'est parce qu'ils ont été frappés enfants.
5. Elles incitent à la colère et à un désir de vengeance qui restent refoulés et qui s'exprimeront plus tard.
6. Elles programment l'enfant à accepter des arguments illogiques (je te fais mal pour ton bien) et les impriment dans son corps.
7. Elles détruisent la sensibilité et la compassion envers les autres et envers soi-même et limitent ainsi les capacités de connaissance.
Quelles leçons le bébé retient-il des fessées et d'autres coups ?
1. Que l'enfant ne mérite pas le respect.
2. Que l'on peut apprendre le bien au moyen d'une punition (ce qui est faux, en réalité, les punitions n'apprennent l'enfant qu'à vouloir lui-même punir).
3. Qu'il ne faut pas sentir la souffrance, qu'il faut l'ignorer, ce qui est dangereux pour le système immunitaire.
4. Que la violence fait partie de l'amour (leçon qui incite à la perversion).
5. Que la négation des émotions est salutaire (mais c'est le corps qui paie le prix pour cette erreur, souvent beaucoup plus tard).
6. Qu'il ne faut pas se défendre avant l'âge adulte.
C'est le corps qui garde en mémoire toutes les traces nocives des supposées "bonnes fessées".
Comment se libère-t-on de la colère refoulée ?
Dans l'enfance et l'adolescence :
1. On se moque des plus faibles.
2. On frappe ses copains et copines.
3. On humilie les filles.
4. On agresse les enseignants.
5. On vit les émotions interdites devant la télé ou les jeux vidéo en s'identifiant aux héros violents. (Les enfants jamais battus s'intéressent moins aux films cruels et ne produiront pas de films atroces, une fois devenus adultes).
A l'âge adulte :
1. On perpétue soi-même la fessée, apparemment comme un moyen éducatif efficace, sans se rendre compte qu'en vérité on se venge de sa propre souffrance sur la prochaine génération.
2. On refuse (ou on n'est pas capable) de comprendre les relations entre la violence subie jadis et celle répétée activement aujourd'hui. On entretient ainsi l'ignorance de la société.
3. On s'engage dans les activités qui exigent de la violence.
4. On se laisse influencer facilement par les discours des politiciens qui désignent des boucs émissaires à la violence qu'on a emmagasinée et dont on peut se débarrasser enfin sans être puni : races "impures", ethnies à "nettoyer", minorités sociales méprises.
5. Parce qu'on a obéi à la violence enfant, on est prêt à obéir à n'importe quel autorité qui rappelle l'autorité des parents, comme les Allemands ont obéi à Hitler, les Russes à Staline, les Serbes à Milosevic.
Inversement, on peut prendre conscience du refoulement, essayer de comprendre comment la violence se transmet de parents à l'enfant et cesser de frapper les enfants quel que soit leur âge. On peut le faire (beaucoup y ont réussi) aussitôt qu'on a compris que les seules vraies raisons de donner des coups "éducatifs" se cachent dans l'histoire refoulée des parents.
et ça aussi
Chaque fessée est une humiliation
De nombreuses recherches ont démontré que si les châtiments corporels permettent de faire obéir un enfant dans l'immédiat, ils entraînent ultérieurement de graves troubles du caractère et du comportement si cet enfant ne trouve pas, dans son entourage, une personne informée et compatissante pour lui venir en aide. Hitler, Staline, Mao et d'autres tyrans n'ont pas rencontré, quand ils étaient petits, de tels témoins lucides. De ce fait, ils ont appris très tôt à glorifier la cruauté devenus adultes, à justifier les massacres qu'ils organisaient. Des millions de gens, eux aussi élevés dans la violence, leur ont prêté la main.
Il faut cesser de se servir des enfants comme d'un exutoire, permettant de se défouler légalement des affects accumulés. On croit encore souvent que de "légères" humiliations, du type claques ou fessées seraient inoffensives. Car, tout comme pour nos parents, cette idée nous a été inculquée très tôt dans notre enfance. Elle aidait l'enfant battu à minimiser sa souffrance, et par là, à la supporter. Mais sa nocivité se révèle précisément par cette large acceptation : puisque cela était supposé "ne pas faire de mal", à chaque génération des enfants ont subi ces humiliants traitements, et, de plus, ont jugé juste et normal de recevoir des coups. Paradoxalement, dans leur effort d'empêcher leurs enfants de devenir délinquants, les parents leur ont enseigné la délinquance en leur livrant des modèles violentes.
Quand en 1977, la loi sur l'interdiction des châtiments corporels a été promulguée en Suède, 70% des citoyens interrogés lors d'un sondage y étaient opposés. En 1997, ils n'étaient plus que 10%. Ces chiffres montrent qu'en vingt ans les mentalités se sont transformées. Grâce à la nouvelle législation, une coutume destructrice a pu être abandonnée.
Il est prévu d'étendre à toute l'Europe la législation interdisant les châtiments corporels. Ils ne s'agit nullement de traîner les parents sur le banc des accusés. Cette loi dit au contraire avoir pour eux une fonction protectrice et informative. Les parents qui l'enfreignent devraient être astreints par le tribunal à dissiper leur ignorance sur les conséquences des châtiments corporels, à apprendre quels dégâts ils provoquent. Les informations sur l'effet nocif de "l'inoffensive fessée" devrait être diffusée de manière à être connus de tous, car l'éducation inconsciente à la violence commence très tôt, et beaucoup d'êtres humains en resteront marqués pour la vie. Ce qui est en jeu, c'est l'avenir de la société tout entière.
Modifié en dernier par eragon06 le mar. août 14, 2007 3:13 pm, modifié 1 fois.
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Ben je mets juste ce qu'en pense les professionel, j'adhèe totalement à leurs propos, ça rejoint mes idées.
C'est plus sèrieux que vos cas personnels, la il y'a des études, des chiffres, des témoignage, fait par des gens qualifié. Ce n'est pas une bonne méthode, comme le prouve votre agressivité et votre manque de respect. Ecoutez les professionel et les spécialiste, c'est leur métier, ils ont fait des études pour.
Allez je vais en mettre encore
Olivier Maurel: Manifeste contre la violence "éducative"
La France a signé et ratifié le 7 août 1990 la Convention des droits de l'enfant. L'article 19 de cette Convention stipule que les États signataires "prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales".
Or, en France, d'après un sondage SOFRES de janvier 1999, 80% des parents donnent à leurs enfants gifles et fessées quand ce ne sont pas des coups de martinet ou de ceinture. Presque tout le monde trouve cela normal, inoffensif et même nécessaire. Et les services sociaux et la Justice n'interviennent que dans les cas extrêmes.
Pourquoi est-il permis de frapper un enfant alors qu'il est interdit de frapper un homme adulte, une femme, une personne âgée et, en prison, le pire des criminels? Nos lois ne permettraient-elles d'agresser que les plus faibles?
Les enfants ont le droit d'être élevés sans violence, ce qui ne signifie pas sans fermeté.
De multiples études récentes ont montré que difficultés scolaires, délinquance, violence, dépression, alcoolisme, abus de drogues, maladies diverses et même accidents ont très souvent pour origine des violences, même modérées, subies dans l'enfance. Maintenant que nous le savons, nous n'avons plus l'excuse de l'ignorance qu'avaient nos parents.
Pourquoi s'étonner que certains jeunes recourent à la violence quand le premier exemple de violence leur a en général été donné par leurs propres parents les frappant sur les joues, le crâne, le dos ou les fesses? L'enfant frappé apprend à frapper les autres. L'enfant respecté apprend à respecter les autres. Le rôle des parents est-il d'enseigner la violence ou le respect?
Les parents qui frappent leurs enfants pour les éduquer le font parce qu'ils ont été frappés eux-mêmes et ignorent les conséquences de leurs coups. Seule une interdiction sans ambiguïté, comme celle qui, en France, interdit les coups à l'école depuis le XIXe siècle, peut mettre fin à ce cycle. La France, comme déjà onze pays, dont neuf européens, doit voter une loi spécifique interdisant toute violence, y compris fessées, gifles, tapes, etc. Cette loi doit être assortie non pas de sanctions judiciaires mais d'une large information apportée aux parents ainsi qu'aux futurs parents sur les effets des coups et les moyens d'élever les enfants sans violence, exactement comme il est demandé aux automobilistes d'être familiers avec le code de la route.
Les signataires de ce manifeste demandent au gouvernement et à leurs députés de mettre la législation française en harmonie avec la Convention des Droits de l'Enfant, comme le demande le Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU, et de voter une loi spécifique qui interdise vraiment toute forme de violence à l'égard des enfants. Le texte de cette loi pourrait être semblable à celui de la loi danoise : "L'enfant a droit au soin et à la sécurité. Il faut agir de manière respectueuse vis-à-vis de l'enfant et ne pas lui infliger de punition corporelle ou autre traitement humiliant."
Quant à l'utilité de la loi j'ai trouvé ça
Vous trouverez ci-dessous la lettre que j'ai écrite à Claire Brisset en réponse à ses propos dans le magazine Famili de décembre 2004 (n° 142) contre une loi d'interdiction de la violence éducative.
Voici d'abord les propos de Claire Brisset tels qu'ils sont cités dans l'article :
"Mais sommes-nous prêts, pour autant, à accepter une loi interdisant la fessée? Non, répond Claire Brisset, la défenseure des enfants. Selon elle, une loi serait contre-productive car l'opinion n'y est pas préparée. "Il faut d'abord ouvrir le débat, souligne-t-elle. Dans tous les cas, je pense qu'il y a d'autres moyens que les coups pour faire comprendre à un enfant qu'il a dépassé les bornes. Je mets à part la fessée guidée par la peur quand il a mis sa vie en danger." Lorsqu'un tout-petit de deux ans traverse la rue par exemple. "Mais je m'oppose à la fessée considérée comme une méthode d'éducation", poursuit-elle". (...) Une loi risque de conforter certaines familles dans l'idée que toute forme d'autorité nuit au tout-petit. Or, celui-ci, comme le rappelle Claire Brisset, a besoin à la fois d'amour et d'interdits. Et qui dit interdits, dit aussi punition en cas de transgression".
Madame,
Je me permets de vous écrire à la suite de la publication dans le magazine Famili de certains de vos propos sur la fessée. Je sais que les journalistes déforment parfois les propos des personnes qu'ils interviewent, mais si vous avez vraiment dit ce que l'article rapporte, j'avoue que je suis assez consterné, surtout compte tenu de votre fonction de défenseure des enfants.
Vous auriez dit, d'après la journaliste "une loi serait contre-productive car l'opinion n'y est pas préparée". Croyez-vous vraiment qu'on aurait aboli la peine capitale si l'on avait attendu que l'opinion y soit préparée? C'est la loi d'abolition qui a fait progressivement accepter sa disparition par la majorité des Français. De même, en Suède, la loi d'interdiction a réduit en quelques années à une faible minorité de l'opinion publique le nombre de partisans de la violence éducative.
Pourquoi? La réponse est dans une phrase d'Alice Miller : "Nous ne pouvons pas nous libérer d'un mal sans l'avoir nommé et jugé comme un mal". Tant qu'on refusera l'interdiction et qu'on continuera à admettre, voire à préconiser la fessée (c'est ce que vous faites lorsque vous dites que la fessée guidée par la peur est le seul moyen de "faire comprendre à un enfant qu'il a dépassé les bornes"), il sera tacitement admis dans l'opinion publique qu'il est parfaitement légitime de frapper les enfants de la manière qu'on juge acceptable, même si c'est, dans le secret des familles, la bastonnade ou les coups de ceinture.
Vous semblez ne tenir aucun compte de la continuité qui existe entre la tape, la gifle, la fessée et les autres moyens plus violents de faire obéir les enfants. Continuité dans l'escalade de la violence à partir du moment où on a commencé à frapper et où l'enfant s'est blindé et réagit par des "Même pas mal!". Continuité dans le fait qu'à partir du moment où le principe est admis qu'on a le droit de frapper les enfants, (contrairement au principe fondamental de toutes les religions et les morales : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse"), c'est comme si une brèche était ouverte dans ce barrage à la violence et ce au détriment des seuls enfants. Tant qu'on tolérera la violence éducative, même la plus légère, la maltraitance aura de beaux jours devant elle.
Vous semblez ne pas tenir compte non plus que pour 80 à 90% des parents l'habitude de frapper les enfants leur a été inculquée dans leur plus jeune âge, lorsqu'ils ont reçu leurs premières gifles ou fessées. Cette habitude est inscrite dans leur cerveau émotionnel le plus profond et elle est liée au respect qu'ils ont pour leurs parents. Quand ils frappent, ce sont leurs parents qui frappent à travers eux. Si aucune autre autorité ne leur dit très clairement et sans aucune ambiguïté ni exception, qu'on n'a pas le droit de frapper les enfants, de quelque manière que ce soit, l'autorité intériorisée des parents l'emportera toujours et avec elle la violence éducative.
Enfin, quand vous dites, après avoir justifié certaines fessées, que l'enfant a besoin à la fois d'amour et d'interdits, cela ne signifie pas autre chose que "si l'on ne fesse pas, c'est qu'on est incapable de poser des interdits". Or, il y a mille et un moyens de poser des limites aux enfants sans les frapper. Cela exige un peu d'imagination qui ne peut se déployer tant qu'on considère les coups comme légitimes.
Quant aux "violences invisibles" que vous considérez comme plus graves que les fessées, je me permettrai de vous faire remarquer que personne ne recommande au parents d'insulter et d'humilier les enfants ni de leur dire des "paroles cruelles" ou de leur donner des sobriquets, alors que je pourrais vous citer plusieurs livres récents écrits par des professionnels de l'enfance qui recommandent encore gifles et fessées, à commencer par Christine Brunet, également citée dans l'article de Famili, et par vous-même en ce qui concerne "la fessée guidée par la peur".
Je me permets enfin de vous rappeler ce que demande aux États le Comité des droits de l'enfant de l'ONU :
"Le Comité défend donc le droit de l'enfance à l'intégrité physique "sans excepter aucun degré de violence contre les enfants". Il faut "appliquer à la lettre le paragraphe 1 de l'Article 19 de la Convention". "Même un recours limité à la force physique, une tape par exemple, peut-être le premier pas sur le chemin d'un véritable abus". Comme le soulignait un membre du Comité au délégué de la Grande-Bretagne, "pour prendre une analogie, nul n'oserait soutenir qu'un "niveau raisonnable" de violence à l'égard des femmes peut être permis". "Ce qu'il faut, c'est bannir complètement les châtiments corporels" ainsi que "les autres formes de discipline humiliantes ou trop fréquentes au sein de la famille, à l'école ou en d'autres institutions (qui) ne sont pas compatibles avec la Convention". "Les moyens employés pour éduquer l'enfant doivent exclure tout traitement blessant, brutal, grossier ou dégradant, toute humiliation et toute exploitation".
Par cette "manière innovatrice de combattre la violence subie par les enfants, la Convention et le Comité offrent de nouvelles espérances de réduire nombre de formes de violence des adultes qui mettent en péril la sécurité des personnes". L'espoir en effet est de "rompre le cycle de la violence qui se perpétue souvent de génération en génération en invoquant la tradition et la coutume". "Si la société veut résoudre le problème de la violence", y compris celui de la violence politique car "les enfants soumis à de tels traitements ne font pas souvent de bons citoyens", "l'action nécessaire doit être entreprise le plus tôt possible dans les familles" où il s'agit de promouvoir "une éthique de non-violence". Il s'agit d' "éduquer les parents à élever leurs enfants sans violence et dans un esprit de communication et de respect mutuel".
Pour arriver à ce résultat, une législation parfaitement claire doit être établie. "Dans les pays où la législation bannit clairement le châtiment corporel, elle envoie un message aux enfants". "Cette interdiction n'a pas provoqué un flot de plaintes auprès de la Justice, mais elle a servi à éduquer les parents". "La législation joue un rôle de catalyseur pour supprimer l'idée que les châtiments corporels sont quelque chose de normal".
Il me semblerait plus normal que la défenseure des enfants fasse écho à ces exigences qu'aux paresses et aux facilités de l'opinion publique.
Veuillez agréer, Madame, mes respectueuses salutations.
Olivier Maurel
Frapper, c'est toujours un abus de pouvoir. C'est humiliant et cela fait naître la crainte. Un état de crainte peut uniquement apprendre aux enfants à être méfiants et à dissimuler leurs sentiments authentiques. En outre, ils apprennent de leurs parents que la violence est le moyen approprié pour résoudre les conflits, qu'ils sont mauvais ou qu'ils ne valent rien, et donc qu'ils ont besoin d'être corrigés. Ces enfants oublieront bientôt pourquoi ils ont été frappés. Ils vont très vite se soumettre. Mais plus tard dans leur vie, ils feront la même chose à des personnes plus faibles. En frappant, nous enseignons la violence. Au fil des années, le corps de l'enfant a peu à peu assimilé cette leçon, et l'on ne saurait attendre de lui qu'il l'oublie d'un seul coup pour se conformer à des valeurs d'ordre religieux que le corps ne comprend de toute façon pas. En revanche, le corps garde la mémoire de ces coups.
Un spécialement pour toi keloshni, pour ton agressivité
Vous parlez des abus dont les enfants sont victimes comme du "sujet interdit "dans nos cultures. Pourquoi en est-il ainsi ? Que faudrait-il faire pour changer cela ?
C'est un sujet interdit parce que la plupart d'entre nous ont été frappés dans leur enfance et que nous ne voulons pas que cela nous soit rappelé. Enfants, nous avons appris que fessées et claques ne font pas de mal. Il nous a fallu croire à ce mensonge pour survivre. Maintenant que nous sommes adultes, nous ne voulons pas connaître la vérité : en réalité, frapper les enfants, ça laisse des traces. Il est très intéressant de voir comme les gens deviennent agressifs quand vous leur dîtes : "ne frappez pas vos enfants". Et même, ils deviennent encore plus agressifs quand vous leur dîtes : "vous-même, quand vous étiez enfant, vous avez été frappé et vous en avez souffert, vous avez été obligé de refouler votre souffrance pour pouvoir survivre. "Ils préfèreraient vous tuer que d'admettre la vérité et de ressentir à nouveau l'étendue de l'humiliation et de l'absence d'amour qui étaient les leurs lorsqu'ils étaient frappés par quelqu'un de cinq fois plus grand qu'eux. Ces réactions agressives sont compréhensibles. Imaginez comment vous vous sentiriez si, en sortant dans la rue, quelqu'un de cinq fois plus grand que vous était pris d'une rage subite et se mettait à vous frapper sans que vous en compreniez le moins du monde la raison. Un enfant ne peut pas supporter cette vérité, il lui faut la refouler. Mais un adulte peut la regarder en face. En tant qu'adultes, nous ne sommes pas aussi seuls, nous pouvons rechercher des témoins et nous avons une conscience que nous n'avions pas quand nous étions enfants.
Les plus grands admirateurs de leurs parents sont ceux qui ont subi de leur part les plus grandes privations sur le plan émotionnel. Il y a là un mécanisme extrêmement cruel, qui conduit à une conception très pessimiste de la vie. Y a-t-il un espoir pour ceux qui ont été meurtris d'une façon particulièrement forte ?
Je ne pense pas que ma conception soit pessimiste. Au contraire, je pense que si nous sommes capables de comprendre comment fonctionne le cycle de la violence, nous pouvons partager notre connaissance avec d'autres et travailler ensemble à mettre fin à la violence. Mais si nous croyons que les gens sont nés avec des gènes qui les rendent violents, nous ne pouvons rien changer du tout. Bien que cette opinion soit parfaitement pessimiste et débile, elle est partagée par de nombreuses personnes prétendument intelligentes. Je n'ai jamais obtenu de réponse à cette question: comment expliquer que ce soit justement à l'époque où Hitler était le maître de l'Allemagne, ou Milosevic celui de la Serbie, qu'un si grand nombre d'hommes et de femmes affectés de tares "génétiques"auraient vécu dans ces pays ? Les raisons qui sont à l'origine de ces idées mystificatrices sont toujours les mêmes : les gens préfèrent croire à des causes génétiques plutôt que de voir comment leurs parents les ont traités et de sentir comme ça leur fait mal. Mais si ils sentaient cette douleur, ils pourraient se dégager de la compulsion de répétition et devenir par là même des adultes responsables. J'affirme là quelque chose qui n'a absolument rien de pessimiste.
Vous militez pour la promulgation d'une loi qui interdise de battre les enfants. Une telle loi ne risque-t-elle pas d'affaiblir l'autorité des parents et donc de déboussoler davantage encore les enfants ?
La vraie autorité n'a pas besoin des coups ou des claques pour se montrer forte et pour aider l'enfant. C'est le contraire. On donne des coups et des claques si on se sent faible et impuissant. Dans ce cas, on ne montre pas à l'enfant l'autorité, mais le pouvoir et l'ignorance.
Vous avez été récemment interviewée par l'hebdomadaire La Vie et, dans un des numéros suivants, une lectrice a répondu à vos propos sur les fessées qu'elle en avait reçu quand elle était enfant et qu'elle ne s'en portait pas plus mal. Que lui répondriez vous à votre tour ?
Je n'ai rien à répondre, parce que c'est une réaction classique que je connais très bien, qui montre la profondeur du refoulement et du déni. Mais je n'ai pas lu la lettre et je ne peux pas m'exprimer là-dessus. Peut-être la personne voulait-elle dire qu'elle ne souffrait plus de ce qui s'était passé, grâce aux bonnes relations qu'elle a dans sa vie actuelle. Là, je peux comprendre.
C'est plus sèrieux que vos cas personnels, la il y'a des études, des chiffres, des témoignage, fait par des gens qualifié. Ce n'est pas une bonne méthode, comme le prouve votre agressivité et votre manque de respect. Ecoutez les professionel et les spécialiste, c'est leur métier, ils ont fait des études pour.
Allez je vais en mettre encore
Olivier Maurel: Manifeste contre la violence "éducative"
La France a signé et ratifié le 7 août 1990 la Convention des droits de l'enfant. L'article 19 de cette Convention stipule que les États signataires "prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales".
Or, en France, d'après un sondage SOFRES de janvier 1999, 80% des parents donnent à leurs enfants gifles et fessées quand ce ne sont pas des coups de martinet ou de ceinture. Presque tout le monde trouve cela normal, inoffensif et même nécessaire. Et les services sociaux et la Justice n'interviennent que dans les cas extrêmes.
Pourquoi est-il permis de frapper un enfant alors qu'il est interdit de frapper un homme adulte, une femme, une personne âgée et, en prison, le pire des criminels? Nos lois ne permettraient-elles d'agresser que les plus faibles?
Les enfants ont le droit d'être élevés sans violence, ce qui ne signifie pas sans fermeté.
De multiples études récentes ont montré que difficultés scolaires, délinquance, violence, dépression, alcoolisme, abus de drogues, maladies diverses et même accidents ont très souvent pour origine des violences, même modérées, subies dans l'enfance. Maintenant que nous le savons, nous n'avons plus l'excuse de l'ignorance qu'avaient nos parents.
Pourquoi s'étonner que certains jeunes recourent à la violence quand le premier exemple de violence leur a en général été donné par leurs propres parents les frappant sur les joues, le crâne, le dos ou les fesses? L'enfant frappé apprend à frapper les autres. L'enfant respecté apprend à respecter les autres. Le rôle des parents est-il d'enseigner la violence ou le respect?
Les parents qui frappent leurs enfants pour les éduquer le font parce qu'ils ont été frappés eux-mêmes et ignorent les conséquences de leurs coups. Seule une interdiction sans ambiguïté, comme celle qui, en France, interdit les coups à l'école depuis le XIXe siècle, peut mettre fin à ce cycle. La France, comme déjà onze pays, dont neuf européens, doit voter une loi spécifique interdisant toute violence, y compris fessées, gifles, tapes, etc. Cette loi doit être assortie non pas de sanctions judiciaires mais d'une large information apportée aux parents ainsi qu'aux futurs parents sur les effets des coups et les moyens d'élever les enfants sans violence, exactement comme il est demandé aux automobilistes d'être familiers avec le code de la route.
Les signataires de ce manifeste demandent au gouvernement et à leurs députés de mettre la législation française en harmonie avec la Convention des Droits de l'Enfant, comme le demande le Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU, et de voter une loi spécifique qui interdise vraiment toute forme de violence à l'égard des enfants. Le texte de cette loi pourrait être semblable à celui de la loi danoise : "L'enfant a droit au soin et à la sécurité. Il faut agir de manière respectueuse vis-à-vis de l'enfant et ne pas lui infliger de punition corporelle ou autre traitement humiliant."
Quant à l'utilité de la loi j'ai trouvé ça
Vous trouverez ci-dessous la lettre que j'ai écrite à Claire Brisset en réponse à ses propos dans le magazine Famili de décembre 2004 (n° 142) contre une loi d'interdiction de la violence éducative.
Voici d'abord les propos de Claire Brisset tels qu'ils sont cités dans l'article :
"Mais sommes-nous prêts, pour autant, à accepter une loi interdisant la fessée? Non, répond Claire Brisset, la défenseure des enfants. Selon elle, une loi serait contre-productive car l'opinion n'y est pas préparée. "Il faut d'abord ouvrir le débat, souligne-t-elle. Dans tous les cas, je pense qu'il y a d'autres moyens que les coups pour faire comprendre à un enfant qu'il a dépassé les bornes. Je mets à part la fessée guidée par la peur quand il a mis sa vie en danger." Lorsqu'un tout-petit de deux ans traverse la rue par exemple. "Mais je m'oppose à la fessée considérée comme une méthode d'éducation", poursuit-elle". (...) Une loi risque de conforter certaines familles dans l'idée que toute forme d'autorité nuit au tout-petit. Or, celui-ci, comme le rappelle Claire Brisset, a besoin à la fois d'amour et d'interdits. Et qui dit interdits, dit aussi punition en cas de transgression".
Madame,
Je me permets de vous écrire à la suite de la publication dans le magazine Famili de certains de vos propos sur la fessée. Je sais que les journalistes déforment parfois les propos des personnes qu'ils interviewent, mais si vous avez vraiment dit ce que l'article rapporte, j'avoue que je suis assez consterné, surtout compte tenu de votre fonction de défenseure des enfants.
Vous auriez dit, d'après la journaliste "une loi serait contre-productive car l'opinion n'y est pas préparée". Croyez-vous vraiment qu'on aurait aboli la peine capitale si l'on avait attendu que l'opinion y soit préparée? C'est la loi d'abolition qui a fait progressivement accepter sa disparition par la majorité des Français. De même, en Suède, la loi d'interdiction a réduit en quelques années à une faible minorité de l'opinion publique le nombre de partisans de la violence éducative.
Pourquoi? La réponse est dans une phrase d'Alice Miller : "Nous ne pouvons pas nous libérer d'un mal sans l'avoir nommé et jugé comme un mal". Tant qu'on refusera l'interdiction et qu'on continuera à admettre, voire à préconiser la fessée (c'est ce que vous faites lorsque vous dites que la fessée guidée par la peur est le seul moyen de "faire comprendre à un enfant qu'il a dépassé les bornes"), il sera tacitement admis dans l'opinion publique qu'il est parfaitement légitime de frapper les enfants de la manière qu'on juge acceptable, même si c'est, dans le secret des familles, la bastonnade ou les coups de ceinture.
Vous semblez ne tenir aucun compte de la continuité qui existe entre la tape, la gifle, la fessée et les autres moyens plus violents de faire obéir les enfants. Continuité dans l'escalade de la violence à partir du moment où on a commencé à frapper et où l'enfant s'est blindé et réagit par des "Même pas mal!". Continuité dans le fait qu'à partir du moment où le principe est admis qu'on a le droit de frapper les enfants, (contrairement au principe fondamental de toutes les religions et les morales : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse"), c'est comme si une brèche était ouverte dans ce barrage à la violence et ce au détriment des seuls enfants. Tant qu'on tolérera la violence éducative, même la plus légère, la maltraitance aura de beaux jours devant elle.
Vous semblez ne pas tenir compte non plus que pour 80 à 90% des parents l'habitude de frapper les enfants leur a été inculquée dans leur plus jeune âge, lorsqu'ils ont reçu leurs premières gifles ou fessées. Cette habitude est inscrite dans leur cerveau émotionnel le plus profond et elle est liée au respect qu'ils ont pour leurs parents. Quand ils frappent, ce sont leurs parents qui frappent à travers eux. Si aucune autre autorité ne leur dit très clairement et sans aucune ambiguïté ni exception, qu'on n'a pas le droit de frapper les enfants, de quelque manière que ce soit, l'autorité intériorisée des parents l'emportera toujours et avec elle la violence éducative.
Enfin, quand vous dites, après avoir justifié certaines fessées, que l'enfant a besoin à la fois d'amour et d'interdits, cela ne signifie pas autre chose que "si l'on ne fesse pas, c'est qu'on est incapable de poser des interdits". Or, il y a mille et un moyens de poser des limites aux enfants sans les frapper. Cela exige un peu d'imagination qui ne peut se déployer tant qu'on considère les coups comme légitimes.
Quant aux "violences invisibles" que vous considérez comme plus graves que les fessées, je me permettrai de vous faire remarquer que personne ne recommande au parents d'insulter et d'humilier les enfants ni de leur dire des "paroles cruelles" ou de leur donner des sobriquets, alors que je pourrais vous citer plusieurs livres récents écrits par des professionnels de l'enfance qui recommandent encore gifles et fessées, à commencer par Christine Brunet, également citée dans l'article de Famili, et par vous-même en ce qui concerne "la fessée guidée par la peur".
Je me permets enfin de vous rappeler ce que demande aux États le Comité des droits de l'enfant de l'ONU :
"Le Comité défend donc le droit de l'enfance à l'intégrité physique "sans excepter aucun degré de violence contre les enfants". Il faut "appliquer à la lettre le paragraphe 1 de l'Article 19 de la Convention". "Même un recours limité à la force physique, une tape par exemple, peut-être le premier pas sur le chemin d'un véritable abus". Comme le soulignait un membre du Comité au délégué de la Grande-Bretagne, "pour prendre une analogie, nul n'oserait soutenir qu'un "niveau raisonnable" de violence à l'égard des femmes peut être permis". "Ce qu'il faut, c'est bannir complètement les châtiments corporels" ainsi que "les autres formes de discipline humiliantes ou trop fréquentes au sein de la famille, à l'école ou en d'autres institutions (qui) ne sont pas compatibles avec la Convention". "Les moyens employés pour éduquer l'enfant doivent exclure tout traitement blessant, brutal, grossier ou dégradant, toute humiliation et toute exploitation".
Par cette "manière innovatrice de combattre la violence subie par les enfants, la Convention et le Comité offrent de nouvelles espérances de réduire nombre de formes de violence des adultes qui mettent en péril la sécurité des personnes". L'espoir en effet est de "rompre le cycle de la violence qui se perpétue souvent de génération en génération en invoquant la tradition et la coutume". "Si la société veut résoudre le problème de la violence", y compris celui de la violence politique car "les enfants soumis à de tels traitements ne font pas souvent de bons citoyens", "l'action nécessaire doit être entreprise le plus tôt possible dans les familles" où il s'agit de promouvoir "une éthique de non-violence". Il s'agit d' "éduquer les parents à élever leurs enfants sans violence et dans un esprit de communication et de respect mutuel".
Pour arriver à ce résultat, une législation parfaitement claire doit être établie. "Dans les pays où la législation bannit clairement le châtiment corporel, elle envoie un message aux enfants". "Cette interdiction n'a pas provoqué un flot de plaintes auprès de la Justice, mais elle a servi à éduquer les parents". "La législation joue un rôle de catalyseur pour supprimer l'idée que les châtiments corporels sont quelque chose de normal".
Il me semblerait plus normal que la défenseure des enfants fasse écho à ces exigences qu'aux paresses et aux facilités de l'opinion publique.
Veuillez agréer, Madame, mes respectueuses salutations.
Olivier Maurel
Frapper, c'est toujours un abus de pouvoir. C'est humiliant et cela fait naître la crainte. Un état de crainte peut uniquement apprendre aux enfants à être méfiants et à dissimuler leurs sentiments authentiques. En outre, ils apprennent de leurs parents que la violence est le moyen approprié pour résoudre les conflits, qu'ils sont mauvais ou qu'ils ne valent rien, et donc qu'ils ont besoin d'être corrigés. Ces enfants oublieront bientôt pourquoi ils ont été frappés. Ils vont très vite se soumettre. Mais plus tard dans leur vie, ils feront la même chose à des personnes plus faibles. En frappant, nous enseignons la violence. Au fil des années, le corps de l'enfant a peu à peu assimilé cette leçon, et l'on ne saurait attendre de lui qu'il l'oublie d'un seul coup pour se conformer à des valeurs d'ordre religieux que le corps ne comprend de toute façon pas. En revanche, le corps garde la mémoire de ces coups.
Un spécialement pour toi keloshni, pour ton agressivité
Vous parlez des abus dont les enfants sont victimes comme du "sujet interdit "dans nos cultures. Pourquoi en est-il ainsi ? Que faudrait-il faire pour changer cela ?
C'est un sujet interdit parce que la plupart d'entre nous ont été frappés dans leur enfance et que nous ne voulons pas que cela nous soit rappelé. Enfants, nous avons appris que fessées et claques ne font pas de mal. Il nous a fallu croire à ce mensonge pour survivre. Maintenant que nous sommes adultes, nous ne voulons pas connaître la vérité : en réalité, frapper les enfants, ça laisse des traces. Il est très intéressant de voir comme les gens deviennent agressifs quand vous leur dîtes : "ne frappez pas vos enfants". Et même, ils deviennent encore plus agressifs quand vous leur dîtes : "vous-même, quand vous étiez enfant, vous avez été frappé et vous en avez souffert, vous avez été obligé de refouler votre souffrance pour pouvoir survivre. "Ils préfèreraient vous tuer que d'admettre la vérité et de ressentir à nouveau l'étendue de l'humiliation et de l'absence d'amour qui étaient les leurs lorsqu'ils étaient frappés par quelqu'un de cinq fois plus grand qu'eux. Ces réactions agressives sont compréhensibles. Imaginez comment vous vous sentiriez si, en sortant dans la rue, quelqu'un de cinq fois plus grand que vous était pris d'une rage subite et se mettait à vous frapper sans que vous en compreniez le moins du monde la raison. Un enfant ne peut pas supporter cette vérité, il lui faut la refouler. Mais un adulte peut la regarder en face. En tant qu'adultes, nous ne sommes pas aussi seuls, nous pouvons rechercher des témoins et nous avons une conscience que nous n'avions pas quand nous étions enfants.
Les plus grands admirateurs de leurs parents sont ceux qui ont subi de leur part les plus grandes privations sur le plan émotionnel. Il y a là un mécanisme extrêmement cruel, qui conduit à une conception très pessimiste de la vie. Y a-t-il un espoir pour ceux qui ont été meurtris d'une façon particulièrement forte ?
Je ne pense pas que ma conception soit pessimiste. Au contraire, je pense que si nous sommes capables de comprendre comment fonctionne le cycle de la violence, nous pouvons partager notre connaissance avec d'autres et travailler ensemble à mettre fin à la violence. Mais si nous croyons que les gens sont nés avec des gènes qui les rendent violents, nous ne pouvons rien changer du tout. Bien que cette opinion soit parfaitement pessimiste et débile, elle est partagée par de nombreuses personnes prétendument intelligentes. Je n'ai jamais obtenu de réponse à cette question: comment expliquer que ce soit justement à l'époque où Hitler était le maître de l'Allemagne, ou Milosevic celui de la Serbie, qu'un si grand nombre d'hommes et de femmes affectés de tares "génétiques"auraient vécu dans ces pays ? Les raisons qui sont à l'origine de ces idées mystificatrices sont toujours les mêmes : les gens préfèrent croire à des causes génétiques plutôt que de voir comment leurs parents les ont traités et de sentir comme ça leur fait mal. Mais si ils sentaient cette douleur, ils pourraient se dégager de la compulsion de répétition et devenir par là même des adultes responsables. J'affirme là quelque chose qui n'a absolument rien de pessimiste.
Vous militez pour la promulgation d'une loi qui interdise de battre les enfants. Une telle loi ne risque-t-elle pas d'affaiblir l'autorité des parents et donc de déboussoler davantage encore les enfants ?
La vraie autorité n'a pas besoin des coups ou des claques pour se montrer forte et pour aider l'enfant. C'est le contraire. On donne des coups et des claques si on se sent faible et impuissant. Dans ce cas, on ne montre pas à l'enfant l'autorité, mais le pouvoir et l'ignorance.
Vous avez été récemment interviewée par l'hebdomadaire La Vie et, dans un des numéros suivants, une lectrice a répondu à vos propos sur les fessées qu'elle en avait reçu quand elle était enfant et qu'elle ne s'en portait pas plus mal. Que lui répondriez vous à votre tour ?
Je n'ai rien à répondre, parce que c'est une réaction classique que je connais très bien, qui montre la profondeur du refoulement et du déni. Mais je n'ai pas lu la lettre et je ne peux pas m'exprimer là-dessus. Peut-être la personne voulait-elle dire qu'elle ne souffrait plus de ce qui s'était passé, grâce aux bonnes relations qu'elle a dans sa vie actuelle. Là, je peux comprendre.
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- Soldate farouche
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- Localisation : Lyon et ses regrets, en banlieue plus précisément.
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Il y à la même chose des deux côtés.la il y'a des études, des chiffres, des témoignage, fait par des gens qualifié.
Maintenant, on peut discuter dessus pendant des heures, tant que vous n'aurez pas passé des heures avec des gamins qui courent de tous les côtés, vous n'aurez pas compris l'envie impérieuse de mettre des baffes. Mais, on ne les met en général pas, parce qu'il faut bien que jeunesse se passe...
Il n'existe pas une méthode d'éducation qui marche, Eragon tu ne te rends pas compte de la stupidité d'interdire la claque ou la fessée quand l'enfant dépasse les bornes. Si un enfant s'amuse à tout casser chez toi, qu'il martyrise les animaux et met le feu à la table, tu es en droit de la taper (bien sûr, pas avec une poêle ou autre objet contondant réservé aux disputes de couple) pour lui faire comprendre que ce qu'il fait est interdit, et que quand il sera chez lui, il fera ce qu'il veut ! Je ne vois pas pourquoi il serait en droit de te dénoncer à la police pour l'avoir puni ... Et comparer la peine de mort et le fait de fesser/claquer ses enfants (quand ils le MERITENT) c'est un tout petit peu déplacé quand même. Alors, tu peux me sortir 15.000 témoignages sur le fait qu'ils seront alcooliques et joueront au keno, je m'en fous, je pense que la claque/fessée associée au dialogue immédiatement après suffisent en général à équilibrer n'importe quel bambin.
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Mais euh Burning Angel, avec tout le respect que je te dois ça marche très bien dans certains pays.
Allez encore un texte
L'indignation, une ouverture pour la thérapie
mercredi 15 juin 2005
(Traduit de l'allemand par Pierre Vandevoorde)
Il arrive régulièrement que des livres ou des articles nous exposent des situations ou des faits épouvantables (animaux martyrisés, exploitation de la nature, tortures, despotisme…), et il est naturel que nous y réagissions par l'expression de sentiments forts. C'est en tout cas ce qui se passe pour la plus grande partie de la population à même de penser et de ressentir, qui réagit alors par l'indignation. Il y a pourtant une exception: quand il s'agit de mauvais traitements infligés aux enfants, comme les coups et les claques, on constate en général une indifférence étonnante, parce que la plupart des gens est toujours convaincue que les coups sont indispensables aux enfants et n'ont pas de conséquences néfastes.
Comment peut-on croire qu'il puisse être bénéfique pour qui que ce soit d'être battu, plus encore pour un individu en pleine croissance dont le cerveau n'est pas encore complètement formé ? Il est probable, c'est du moins ce que l'on pourrait penser, que les partisans des châtiments corporels ne savent pas encore que le cerveau humain se développe dans les trois premières années de la vie, et que c'est justement à ce moment là que la violence s'apprend. Mais comment concevoir un tel degré d'ignorance ? Ces connaissances ne sont pourtant pas tenues secrètes. A tout le moins, des gens cultivés comme les enseignants, les ecclésiastiques, les hommes de lois, le personnel politique, les chefs d'Etat ou les ministres, devraient quand même y avoir été confrontés un jour ou l'autre, à un endroit ou à un autre.
Il y a déjà 20 ans que la question des mauvais traitements que l'on fait subir aux enfants a commencé à faire l'objet de publications, mais pas plus aujourd'hui qu'hier on ne voit se lever où que ce soit la vague d'indignation et d'horreur que justifierait l'exploitation sans scrupules de la situation d'impuissance des enfants dans le seul but de décharger la haine accumulée par les adultes, les parents et les éducateurs. On bat un enfant ? et alors, qui y a-t-il d'anormal à cela ?
" Non, ce n'est ni normal, ni bénin, ni défendable sur le plan éthique ", disent et écrivent quelques personnes depuis deux décennies environ. Mais ces hommes et ces femmes ne représentent jusqu'à maintenant qu'une petite minorité. Mes nombreuses tentatives pour informer les jeunes parents des conséquences dangereuses des coups reçus par les enfants, par exemple en demandant l'aide du Vatican, ont toutes échoué. Je me suis à chaque fois heurtée à un mur d'indifférence et de silence.
Comment expliquer cela ? On a peine à concevoir qu'il n'y ait, au Vatican par exemple, pas une seule personne qui soit capable de s'indigner des violences faites aux enfants et qui éprouve de ce fait le besoin de transmettre au pape mes informations. Et pourtant, mon expérience prouve que cela ne s'est pas produit jusqu'alors. Et pas seulement au Vatican. Partout dans le monde, les gouvernants ne font quasiment rien pour interdire ces pratiques barbares.
Dans les années 70, la Suède a adopté une loi qui interdit explicitement l'usage de la violence contre les enfants. Malheureusement, il n'y a eu depuis que treize Etats de second plan pour suivre cet exemple. Bien qu'il soit établi aujourd'hui qu'une éducation fondée sur les coups forme les hommes et les femmes qui frapperont à leur tour demain, cela ne suscite dans l'opinion publique aucun cri d'indignation. Au contraire, nous continuons imperturbablement à cultiver exactement ce que nous prétendons vouloir éradiquer : la torture, les guerres, les génocides. Nous nous employons pleinement à produire les violences et les maladies de demain. Car derrière chaque agression violente, on peut retrouver une histoire individuelle faite d'humiliations (voir James Gilligan, " Violence ", Putnam NY, 1996).
Je me demande constamment pourquoi il est si difficile de diffuser ces connaissances et pourquoi les seuls cas où la réaction normale d'indignation ne se produit pas sont en rapport avec la maltraitance des petits enfants. En fait, je connais la réponse à cette question, mais j'espère toujours me tromper. La réponse que j'ai trouvée, c'est que la plupart d'entre nous ont été des enfants maltraités et ont dû apprendre à refouler cela très tôt pour pouvoir survivre. Nous avons été obligés de croire que c'est " pour notre bien " que nous avons été humiliés et martyrisés, que les coups ne nous faisaient pas mal, qu'ils étaient sans incidence, et que c'était dans l'intérêt de la collectivité (sinon, nous disait-on, nous serions devenus des monstres dangereux).
Quand notre cerveau a stocké très tôt ces informations erronées, elles restent en général enregistrées pour toute la vie et forment donc des blocages de la pensée permanents, à moins que l'occasion ne se présente de les faire disparaître, éventuellement lors d'une thérapie. Mais en règle générale la plupart des gens ne se risquent pas à abandonner leurs blocages. Ils ne cessent de répéter comme en choeur : " mes parents ont fait de leur mieux pour bien m'éduquer, j'étais un enfant difficile et il a fallu m'imposer une discipline sévère ". Comment serait-il possible à des gens pareils de s'indigner des mauvais traitements que subissent les enfants ? C'est que depuis leur enfance, ils sont coupés de leurs sentiments vrais, des souffrances causées par l'humiliation et les supplices. Pour ressentir leur indignation, il faudrait qu'ils aillent voir du côté de ces vieilles souffrances. Mais qui peut avoir envie d'une chose pareille ?
C'est ainsi que ces souffrances restent le plus souvent enfermées derrière des portes de fer au plus profond de leur c½ur. Et malheur à qui se hasarderait à secouer ces portes : ils préfèreront supporter les dépressions, ingurgiter médicaments et drogues, mourir même, que d'être confrontés au retour de cette torture enfouie dans la mémoire. Alors, on la rebaptise "éducation ", un nom agréable à l'oreille, et l'on évite ainsi la souffrance. Ces gens-là seront incapables d'indignation tant qu'ils se refuseront à admettre qu'ils ont été eux-mêmes des victimes lorsqu'ils étaient enfants. Il n'y a pas grand monde qui soit capable de regarder son histoire en face, et ceux qui le font sentent souvent que cela contribue à les isoler. Ils vivent en effet dans une société dans laquelle beaucoup de gens peuvent s'indigner très sincèrement de certaines injustices, comme par exemple le travail des enfants en Asie, mais pas de l'injustice dont ils ont eux-mêmes été les victimes. On a fait d'eux des victimes à un moment où ils n'étaient pas encore capables de penser par eux-mêmes, et ils ont adopté le point de vue de leurs parents, selon lequel c'est pour leur bien qu'ils ont été torturés. Tout cela s'est passé de façon à pouvoir entretenir la fidélité et l'amour qu'ils vouent à leurs parents, ce qui se passe le plus souvent sur le dos de ses propres enfants. En fait, pour ces anciens enfants maltraités, le temps devrait maintenant être venu de trouver le courage de se rebeller.
L'incapacité à réagir par de l'indignation lorsque des enfants sont battus peut évidemment trouver son explication dans notre histoire individuelle, mais elle ne nous en ferme pas moins l'accès à la compréhension de nombreux phénomènes. Cela peut être illustré par des problèmes qui relèvent de registres variés. Dans les pages qui suivent, je vais prendre des exemples dans trois domaines particuliers, pour démontrer l'importance de la capacité de nous indigner. Je pense qu'elle peut nous libérer de notre rigidité et nous donner ainsi accès non seulement à une meilleure connaissance de nous-même, mais aussi nous mettre en situation d'apporter aide et prévention là où c'est une nécessité pressante. J'aborderai donc l'approche traditionnelle de la délinquance (tueries et meurtres en série), la reproduction de la maltraitance des enfants dans les familles et le principe de neutralité dans la pratique thérapeutique.
Responsables de massacres et tueurs en série
Aussi bien du côté de la psychiatrie judiciaire que de la psychanalyse, on se plaît à répéter que les actes abominables commis par les auteurs de tueries ne sauraient être la conséquence des mauvais traitements qu'ils auraient pu subir dans leur enfance, parce que nombre d'entre eux sont issus de familles qui de l'extérieur ne paraissent ni dégradées, ni particulièrement violentes. Mais si on prend la peine de poser des questions précises sur le comportement " éducatif " de leurs parents, alors apparaît à chaque fois un tableau dont l'horreur ne le cède en rien aux actes commis par le criminel. Au contraire: étant donné que ces actes pervers ont été commis sur des enfants, et ce pendant des années, ces " corrections ", comme on les appelle, méritent plus encore le nom de meurtres authentiques, et plus précisément de meurtres qui prennent pour cible les c½urs. Comme le montre le livre de Jonathan Pincus " Base Instincts " (voir l'article de Thomas Gruner " Frenzy " sur ce site), il n'y a même aucune difficulté à obtenir des informations sur la cruauté de ses parents, parce qu'il est extrêmement rare que le criminel les considère lui-même comme pervers ; il voit ce qu'il a subi comme une éducation tout à fait normale, et comme la quasi-totalité des enfants maltraités dans leur enfance, il est attaché à ses parents et les protège contre tout reproche. Le psychiatre qui l'interroge accepte en général ce jugement sans se poser des questions (quand il n'a lui non plus jamais remis en cause ses propres parents) et en vient à la conclusion que le meurtrier en série qui est assis devant lui est certainement venu au monde porteur de gènes destructeurs qui le poussent à commettre des crimes.
J'ai vu un jour un reportage télévisé sur l'augmentation de la criminalité juvénile. Le reporter avait fait des efforts pour comprendre les motivations des jeunes délinquants, et il avait demandé l'avis de procureurs, policiers, de directeurs de prison, qui tous sans exception ont affirmé en le regrettant que dans aucun des cas présentés, il n'avait été possible d'établir un mobile pour ces meurtres et graves agressions physiques. On entendit même dire en passant que cela serait typique de la jeunesse moderne. Pour expliquer un état d'excitation aussi fort, personne ne parla d'autre chose que d'alcool et de drogues. Mais pourquoi ces gens recourent-ils aux drogues, la question ne fut pas posée. Le fait que ces jeunes vivent depuis leur enfance avec une très forte soif de vengeance qui agit en eux comme une bombe à retardement, voilà une chose que tous les fonctionnaires interrogés semblaient ne jamais encore avoir entendue.
C'est ainsi qu'un directeur de prison peut travailler depuis 20 ans au milieu de tous les problèmes propres à l'institution carcérale, sans de toute évidence s'être jamais intéressé à la question de savoir comment ont grandi les jeunes qui sont devenus des criminels, et qui a semé les germes de la violence dans leurs c½urs. Son attention n'a jamais été retenue par un fait que l'on retrouve dans la quasi-totalité des procès-verbaux : le passage à l'acte a lieu au moment où la personne ressent un affront, une vexation ou une humiliation. Lorsqu'elle était enfant, elle n'avait pas le droit de réagir aux humiliations, maintenant elle le peut. Le fait que cela le conduise très vite en prison relève de sa compulsion d'autopunition, car au fond il s'attribue depuis toujours la faute de ne pas avoir été aimé. C'est ce qu'il a entendu depuis qu'il était tout petit.
Comme enfant humilié, il n'a jamais eu non plus l'occasion d'apprendre à exprimer sa rage par des mots sans crainte d'être puni, alors il passe tout de suit à l'acte, comme il l'a appris de ses parents. Son cerveau a emmagasiné cette leçon très tôt, et elle est réactivée dès qu'il se sent agressé dans sa dignité. Comme on ne peut mettre en cause les premiers, les véritables agresseurs, plus de la moitié des détenus libérés retournent en prison.
L'analyste Frank M. Lachmann consacre dans son livre " TRANSFORMING AGGRESSION " un chapitre entier à la question des meurtres en série, et en arrive à la conclusion que leurs auteurs n'ont en aucun cas le droit de bénéficier de notre capacité d'empathie. Il établit une différence entre l'homme " coupable " (l'¼dipe de Freud) et l'homme " tragique" (Kohut), qui n'a pas reçu de réponse adéquate aux signaux qu'il a envoyés dans son enfance. D'après Lachmann, le psychanalyste peut éprouver de l'empathie pour l'un comme pour l'autre. Mais les meurtriers en série, tout comme les hommes de main d'Hitler par exemple, forment pour lui une catégorie dont il considère qu'elle DOIT échapper à notre entendement car ces criminels représentent en fait le mal en soi. Je rappelle ici que ce qui m'importe, ce n'est pas la compassion envers des sadiques adultes, mais la compréhension pour la souffrance de l'enfant qu'ils furent.
Qu'en est-il alors des attentats terroristes, des génocides comme au Rwanda, en Yougoslavie et dans tant d'autres endroits de la planète aujourd'hui ? Pouvons-nous nous imaginer que des gens qui auraient été aimés, protégés et respectés dans leur enfance soient prêts à se faire sauter à l'explosif ? Je ne peux pas me satisfaire des explications qui présentent des gens réellement capables de commettre des actions barbares comme les produits d'un mal abstrait, et que l'on se refuse à rechercher les racines de leur désir de destruction dans leur histoire individuelle. Il est facile de les découvrir pour autant qu'on ne soit pas seulement horrifié par les crimes de l'adulte, mais aussi par le martyre qu'il a subi dans son enfance. Là, toutes les énigmes trouvent leur clé. Alors nous constatons qu'il n'y a pas un seul meurtrier en série, pas un seul auteur de massacre qui, enfant, n'ait pas été victime d'humiliations et de meurtres psychiques sans nombre. Mais pour être capable de voir cela, il nous faut l'indignation, elle qui nous fait en général défaut dès qu'il est question d'enfance. Le livre de Lachmann montre que non seulement les psychiatres, mais aussi les psychanalystes, sont effrayés à l'idée de franchir le seuil qui leur ferait accepter la problématique des souffrances endurées dans l'enfance. La société paye un prix très élevé pour cet aveuglement. Alors il serait possible d'aider l'ancienne victime à se révolter contre ce que ses parents ont fait, et il peut arriver que cela suffise à le libérer de sa compulsion à toujours rejouer inconsciemment son histoire et les brutalités qu'il a subies.
La maltraitance des enfants : une tradition familiale
En nous familiarisant avec la dynamique propre à la compulsion de répétition, nous faisons la constatation qu'on la retrouve dans toutes les familles maltraitantes. Le genre de mauvais traitements pratiqué est souvent inscrit dans une longue histoire. Dans les familles, il est fréquent de retrouver sur plusieurs générations le même schéma de fonctionnement, fondé sur l'avilissement, l'abandon, l'abus de pouvoir, le sadisme. Pour trouver une échappatoire à l'horreur et au dégoût, on a sans cesse recours à de nouvelles théories. C'est ainsi par exemple que certains psychologues ont élaboré une théorie selon laquelle les souffrances de leurs clients ne trouvent pas leur origine dans leur propre enfance, mais dans les problèmes et les histoires individuelles de leurs ascendants éloignés, dont ils pensent qu'ils chercheraient à les régler au travers de leurs maladies.
Avec de telles théories on peut se rassurer, on n'a pas à faire l'effort de se représenter l'enfer qu'a pu être l'enfance du patient et on fait l'économie de l'indignation. Mais ceci -tout comme l'explication par la génétique- ne représente rien de plus qu'une fuite devant une réalité douloureuse. Il est absurde d'interpréter l'augmentation de la violence aujourd'hui en Irak par exemple, ou bien les génocides, comme les effets de gènes destructeurs. Pourquoi soudainement, à l'époque Hitler ou de Milosevic, tant de gens étaient-ils porteurs de gènes destructeurs ? Et pourtant, beaucoup d'intellectuels adhèrent sans hésiter à de telles explications. Ils croient au mal en soi, pour s'épargner la souffrance de devoir admettre que de nombreux parents martyrisent leurs enfants par haine inconsciente, quelle que soit la justification qu'ils utilisent pour camoufler leurs actes. Pourtant c'est la vérité, et si on est capable de ne pas la fuir, on peut aussi gagner à la reconnaître. On abandonne alors la croyance moyenâgeuse au diable (les gènes), la chaîne de la violence apparaît, et on se rend compte en même temps qu'il serait possible de l'interrompre.
Les parents sadiques ne sont pas tombés du ciel, enfants ils ont eux-mêmes été traités d'une manière tout aussi sadique, il n'y a aucun doute à cela. Celui qui affirme le contraire veut refouler la réalité : un enfant martyrisé ne subit pas une seule mort comme la victime d'un assassin, mais, au cours de ses premières années de vie et de développement, des morts et des tourments psychiques innombrables, infligés qui plus est par des personnes dont il est dépendant et auxquelles il ne peut trouver de substituts.
En Allemagne, on a beaucoup parlé ces derniers temps de la mort d'une petite fille âgée de 7 ans du nom de Jessica que sa mère refusait de nourrir et qui pesait neuf kilos à sa mort. La presse manifesta son horreur et son dégoût, une cérémonie funèbre avec fleurs, cierges et beaux discours fut organisée, comme il se doit. Alors que les enfants qui meurent avant et tout de suite après leur naissance ont droit partout dans le monde à des témoignages d'amour et de deuil, les souffrances des enfants vivants suscitent étonnamment peu d'émoi. C'est la raison pour laquelle ni lors de l'inhumation, ni dans la presse, personne ne s'est demandé ce qui a bien pu amener une mère à laisser son enfant mourir de faim, comment elle a pu assister tranquillement pendant des années à son lent dépérissement physique sans que cela ne suscite en elle quelque sentiment que ce soit, comment elle a pu l'abandonner à son supplice.
Nous avons du mal à nous imaginer un tel sadisme, bien que soixante années nous séparent maintenant d'Auschwitz, là où des millions d'êtres humains ont été intentionnellement privés de nourriture, dans l'attente de la mort. Ni à cette époque, ni plus tard, ni aujourd'hui on ne s'est cependant demandé comment on en arrive à ce que des gens puissent DEVENIR aussi sadiques : comment ont-ils été élevés, comment leur a-t-on enlevé la capacité à se révolter contre l'injustice, celle de reconnaître ce qu'il y avait de barbarie dans les agissements de leurs parents et de s'y opposer ? Au contraire, on leur a appris à approuver le sadisme de leurs parents sous toutes ses formes. Et cela a pu se produire sans encombre, parce que chaque enfant a envie d'aimer ses parents, et ne veut pas voir la vérité. La vérité est trop atroce pour qu'un enfant puisse la supporter, alors il détourne le regard. Mais le corps n'a rien oublié, et l'adulte reproduit le sadisme de ses parents inconsciemment, comme automatiquement, sur ses propres enfants, avec ses subordonnés, avec tous ceux qui sont dépendants de lui. Il ne sait pas qu'il fait avec les autres la même chose que ce que ses parents ont fait autrefois avec lui quand il était totalement dépendant d'eux. Certains en ont l'intuition et recherchent une aide thérapeutique. Mais que trouvent-ils alors ?
En thérapie : neutralité ou engagement ?
Dans ma formation de psychanalyste, une grande importance a été accordée à la capacité de l'analyste à tenir une position de neutralité. C'était là une des règles de base, de celles qui étaient considérées comme allant de soi depuis Freud et auxquelles on était tenu de se conformer strictement. A cette époque là, je ne pensais pas encore que cette règle ressortissait de la nécessité de protéger de tout reproche les parents du patient. Mes collègues ne semblaient pas avoir de difficultés avec le maintien de la neutralité, ils ne semblaient pas trouver intéressant de se plonger dans ce qu'avait pu endurer un enfant battu, humilié et exploité à des fins incestueuses. Peut-être certains d'entre eux avaient-ils aussi été les victimes de tels supplices. Mais comme ils ont eux-mêmes été analysés avec la neutralité exigée par Freud, ils n'ont pas eu l'occasion de découvrir leurs propres souffrances refoulées. Pour être en situation de le faire, il leur aurait fallu non pas un thérapeute neutre, mais un accompagnateur qui se place sans réserves du côté de l'ancien enfant maltraité AVANT que le client (ou la cliente) n'en soit lui-même capable. En effet, au début de leur thérapie, la plupart des clients ne savent pas ce que c'est que l'indignation. Ils racontent bien des faits devant lesquels on ne peut que s'indigner, mais cela ne fait naître en eux aucune révolte; pas seulement parce qu'ils sont coupés de leurs sentiments, mais parce qu'ils ignorent qu'il peut aussi exister d'autres types de parents.
J'ai régulièrement eu l'occasion de vérifier que l'expression directe de mon indignation à propos de ce que mon patient ou ma patiente avait dû endurer pendant son enfance était un ressort important de la thérapie. Cela se vérifie tout particulièrement dans les groupes. Par exemple, quelqu'un raconte sur un ton tranquille ou même en souriant qu'on l'enfermait, enfant, des heures entières dans une cave sombre quand il ou elle contredisait ses parents. Dans le groupe, un murmure de consternation se fait entendre. Mais la personne qui parle n'en est pas encore là, elle n'est pas à même de faire des comparaisons. Pour elle, elle a été traitée normalement.
J'ai aussi rencontré des gens qui avaient travaillé pendant un nombre considérable d'années en thérapie primale et qui n'avaient pas de difficultés à pleurer sur les souffrances qu'ils avaient connues dans leur enfance, mais qui étaient malgré tout très loin d'être capables de s'indigner de l'inceste qu'ils avaient vécu, ou de la perversité des rituels de lutte établis par leurs parents. Ils considéraient les viols dont ils avaient été victimes comme des événements qui ont leur place dans n'importe quelle enfance normale, et pensaient que le simple fait de mettre à jour leurs sentiments anciens suffirait à les guérir. Il n'en est pas toujours ainsi, et en tout cas cela ne se produit pas quand perdurent à la fois un fort attachement aux parents inconscients et les attentes placées en eux. Mon opinion, c'est qu'il n'est pas possible de se dégager de l'un ni de l'autre tant que le thérapeute reste neutre. Cela m'est apparu lors de discussions avec des collègues qui travaillaient avec leurs clients selon la norme établie pour les faire accéder à leurs émotions, mais qui eux-mêmes n'étaient pas encore dégagés de l'idéalisation de leurs propres parents. Ils n'ont pu commencer à aider leurs patients qu'après avoir été encouragés à donner libre cours à leurs propres sentiments et à exprimer l'indignation qu'avait fait naître en eux, comme thérapeutes, les perversions des parents de leurs clients.
Cela a souvent eu un effet d'une grande puissance, c'était comme si on avait retiré le barrage qui retenait une rivière. Parfois, l'indignation de la thérapeute déclencha très vite chez le client lui-même une avalanche d'indignation. Ce ne fut pas toujours le cas. Il y a des patients à qui il a fallu pour cela des semaines, des mois, voire des années. Mais la sincérité du témoin permit de mettre en branle un processus de libération qui avait été contenu jusqu'alors par la morale sociale. Ce retournement fut permis par l'attitude engagée, plus libre, de la thérapeute, qui a été capable de montrer à l'ancien enfant qu'il AVAIT LE DROIT d'être horrifié par le comportement de ses parents, et que TOUT ETRE HUMAIN CAPABLE DE SENTIMENTS EN SERAIT HORRIFIE, A L'EXCEPTION DE L'ANCIEN ENFANT MALTRAITE LUI-MEME.
Il n'est pas impossible que ce que je développe ici soit lu comme si j'avais écrit des recettes pour thérapeutes et que je leur conseillais de recourir à l'indignation pour faire franchir à leurs clients un seuil décisif. Ce serait là un gros malentendu. Je ne peux conseiller à personne d'avoir des sentiments qu'il n'a pas, et personne ne peut suivre de tels conseils. Par contre je peux encourager à exprimer leurs sentiments vrais. Je suppose qu'il y a des thérapeutes qui sont sincèrement indignés quand ils entendent parler du comportement scandaleux des parents de leurs clients. Il est parfaitement possible que certains d'entre eux pensent que leur indignation ne doit pas transparaître, parce qu'ils ont appris pendant leur formation que cela ne doit en aucun cas se produire. Dans le cadre de l'école freudienne, on leur a même appris à considérer leurs sentiments comme du contre-transfert, c'est-à-dire comme rien d'autre que des réactions aux sentiments du patient. Ils sont donc habitués à ne pas identifier et à ne pas exprimer leurs propres sentiments, leur réaction simple et compréhensible face à la barbarie.
Dans une telle thérapie, le patient reste pris dans sa peur d'enfant et n'ose ni amener ses émotions libératrices à s'exprimer, ni vivre sa colère comme une réaction normale à la cruauté et à la perversion. Je voudrais donc ici encourager les thérapeutes à être à l'écoute de leurs sentiments propres, à ne pas les interpréter à tort comme du contre-transfert, mais à les prendre au sérieux, à les assumer et à les mettre en mots. Il leur sera plus facile de laisser libre cours à leur indignation, parce qu'ils n'ont pas été les enfants de ces parents-là, et que, contrairement à leurs clients, il leur est relativement possible de ne pas prendre une quelconque forme de perversion pour un comportement normal. Chaque thérapeute peut vérifier pour lui-même si mes affirmations sont vraies. En aucun cas je ne lui donnerais le conseil de mettre en application quelque chose qui ne correspondrait pas à ses sentiments ou dont il ne serait pas convaincu par sa propre expérience.
La tendance générale à l'évitement du sentiment d'indignation est compréhensible, car ce sentiment peut facilement réactiver la sensation d'impuissance de l'enfant, et le souvenir du temps où un certain nombre d'entre nous était livré sans aucune échappatoire au sadisme des adultes et ne pouvait même pas concevoir l'idée de se défendre. C'est une lettre que j'ai reçue récemment qui m'a fait prendre conscience du fait que moi non plus, malgré tous mes efforts, je n'étais pas affranchie de cette tendance à la fuite. Cette lectrice m'écrivait que sa fille, qui travaille dans un centre d'aide téléphonique d'urgence aux enfants victimes de violences à caractère rituel, avait eu connaissance de cas où des enfants avaient été forcés à tuer des bébés. Cela me rappela que j'avais écrit dans " la connaissance interdite", que l'enfant martyrisé croit qu'il a tué le bébé en lui quand il s'est trouvé contraint de mentir et de se taire. Mais manifestement il n'est pas exclu que dans le cadre de rituels pervers l'on oblige des enfants à tuer des bébés pour de vrai, comme il peut arriver aussi qu'on les force à martyriser des animaux.
Il est compréhensible que nous n'ayons aucune envie d'entendre parler de cela et que nous ayons tendance à regarder les gens qui agissent ainsi comme des monstres. Cependant, comme nous sommes aujourd'hui de plus en plus confrontés à des actes de violence terroriste, nous ne pouvons pas nous permettre d'en rester à diaboliser les individus pervers et à refuser de comprendre comment on en a fait des sadiques. Car rien ne vient perturber la production continue de perversion. Si nous n'apprenons pas à y voir clair dans la façon dont ces mécanismes fonctionnent et à détourner les parents de la mise en ½uvre de pratiques éducatives perverses, alors cette stupéfiante ignorance causera la perte de l'humanité future.
et un autre
par Alice Miller
Les Sentiments de Culpabilité
samedi 01 octobre 2005
(Traduit de l'allemand par Pierre Vandevoorde)
Il arrive qu'on me demande d'où je tire ma certitude et sur quoi je m'appuie pour contredire comme je le fais les opinions établies, étant donné que je ne suis membre d'aucune école, d'aucune secte ni de quelque confession religieuse que ce soit, et qu'ordinairement c'est l'appartenance à de telles communautés qui procure à bon nombre de gens une apparence d'assurance. C'est vrai, je ne crois qu'aux faits que je peux vérifier moi-même. J'ai pu comprendre la signification de ces faits grâce à tout ce que j'ai vécu dans ma vie et aux milliers de lettres que j'ai reçues des lecteurs de mes livres depuis 1979.
Pour la plupart d'entre elles, ces lettres sont marquées par un déni de la réalité vécue par les personnes concernées presque total et tout à fait frappant, mais que l'exposé des faits révèle nettement à un observateur extérieur. Les lettres sont presque toujours écrites DU POINT DU VUE DES PARENTS, qui sont dans l'incapacité de supporter l'enfant que l'on était, et encore moins de l'aimer. En revanche, le point de vue de l'enfant ne s'exprime pas dans une seule phrase, si l'on met à part la souffrance de l'adulte d'aujourd'hui, ses symptômes physiques, ses dépressions, ses idées suicidaires et les sentiments de culpabilité qui le tenaillent.
A chaque fois, on me dit que l'on n'était pas un enfant maltraité, que l'on n'était pas non plus un enfant battu, mises à part quelques claques, qui bien sûr comme chacun sait ne comptent pas, ou de coups de pied au derrière occasionnels, qui en fait étaient vraiment mérités, parce qu'on était parfois insupportable et qu'on tapait sur les nerfs de ses parents. Souvent on m'assure qu'au fond on était un enfant aimé, mais qu'on avait de pauvres parents dépassés, malheureux, dépressifs, mal informés ou même alcooliques, qui eux-mêmes avaient grandi sans amour. Rien d'étonnant alors si ces parents perdaient patience et tapaient si facilement. On ne peut qu'avoir de la compréhension pour un tel comportement. On aurait tant voulu leur venir en aide, parce qu'on les aimait et qu'ils nous faisaient de la peine. Mais même au prix des plus grands efforts, personne n'a jamais réussi à les sauver en les tirant de leur dépression et à les rendre heureux.
Tout cela laissait subsister les affres d'un sentiment de culpabilité que rien ne peut faire refluer. On se trouve en permanence confronté à cette question: qu'est-ce que je fais de travers? Pourquoi je n'arrive pas à tirer mes parents de leur détresse et à les sauver? Je me donne tant de mal. Avec les thérapeutes, c'est pareil. Ils disent que je dois quand même profiter des bonnes choses de la vie, mais je n'y arrive pas, et de cela aussi je me sens coupable. Ils disent que je dois malgré tout devenir enfin adulte, ne pas me considérer comme une victime, que mon enfance est terminée depuis longtemps, que je dois quand même finir par tourner la page et arrêter de ruminer. Ils disent que je ne dois pas chercher de coupable ou de responsable ailleurs, sinon la haine me tuera, que je dois enfin pardonner et vivre dans le présent, sinon je suis un patient "borderline", ou je ne sais quoi encore. Mais comment puis-je y arriver ? Naturellement, je ne veux pas incriminer mes parents, parce que je les aime et que je leur dois d'être au monde. Ils ont eu assez de soucis avec moi. Comment me débarrasser de mes sentiments de culpabilité? Ils deviennent encore plus forts à chaque fois que je frappe mes enfants, c'est affreux de voir que je suis incapable d'arrêter de le faire, et je replonge à chaque fois dans le désespoir. Je me déteste de ce recours irrépressible à la violence, je me hais quand je suis pris d'une crise de fureur aveugle. Que puis-je faire contre cela? Pourquoi dois-je constamment me détester et me sentir coupable? Pourquoi tous les thérapeutes que j'ai vus ne m'ont-ils été d'aucune aide? Depuis des années j'essaie de suivre leurs conseils, mais malgré tout je n'arrive pas à me libérer de mes sentiments de culpabilité et à m'aimer comme je devrais le faire.
Je cite maintenant ma réponse à une lettre qui contient tous les éléments évoqués précédemment:
"Vous écriviez dans votre première lettre que vous n'avez pas été un enfant maltraité, et maintenant vous écrivez que lorsque vous étiez enfant, vous avez fait subir de graves sévices à votre chien parce que vous étiez un enfant méchant. Qui vous a appris à vous voir de cette façon ?En effet, il n'y a pas au monde un seul enfant qui tourmente son chien sans qu'il n'ait été lui-même sévèrement maltraité, par contre il y a un grand nombre de gens qui ont d'eux-mêmes la même opinion que vous et que leurs sentiments de culpabilité rendent malades de désespoir, tout cela afin de ne pas voir de quoi leurs parents se sont rendus coupables, parce qu'ils craignent d'être punis pour avoir vu cela. Si mes livres ne vous ont pas aidé à comprendre cela, je ne peux strictement rien faire de plus pour vous. Vous même, vous ne pourrez vous venir en aide qu'à la condition d'arrêter de protéger vos parents des sentiments que vous éprouvez à juste raison envers eux. Alors vous ne serez plus forcée de les imiter tout en vous détestant, en vous injuriant et en vous représentant comme un monstre. "
Comment un individu peut-il s'aimer lui-même quand très tôt il lui a fallu apprendre qu'il n'est pas digne d'être aimé ? Quand il reçoit des coups pour devenir autrement qu'il n'est ? Quand il n'a été pour ses parents qu'une charge, et en rien une joie, et qu'au final rien au monde ne pourra jamais venir à bout de la répugnance et la colère de ses parents ? Il croit qu'il est la véritable cause de cette haine, ce qui n'est en rien vrai. Il se sent coupable, veut s'améliorer, mais rien de tout cela ne peut marcher, parce que les parents déchargent sur leurs enfants la rage qu'ils avaient dû retenir et réprimer face à leurs propres parents. L'enfant n'était que le déclencheur de cette rage.
Quand on a véritablement compris cela, on arrête d'attendre l'amour de ses parents. On sait alors pourquoi il était et reste impossible. Alors seulement on peut s'autoriser à voir comment on a été traité enfant, et à sentir à quel point on en a souffert. Au lieu de prendre les parents en pitié comme avant, de les comprendre et de se culpabiliser, on commence à porter assistance à l'enfant que l'on fut. C'est à ce moment que naît l'amour de cet enfant, qui ne saurait advenir sans ces conditions préalables, sans que tout le tragique de ce qui s'est joué alors n'ait été appréhendé. C'est la fin du temps où l'on prenait sa souffrance à la légère, et le début du traitement respectueux de cette souffrance et de l'enfant. Alors s'ouvrent les portes qui permettent d'accéder à soi-même, et qui restaient fermées jusqu'alors. Mais elles ne s'ouvrent en aucune façon en disant à quelqu'un: " Tu devrais t'aimer toi-même". Il se sent dépassé par de tels conseils aussi longtemps qu'il n'a pas le droit de savoir comment c'était vraiment dans son enfance et pourquoi la réalité est si douloureuse.
Je suis d'avis qu'une thérapie réussie devrait permettre ce reversement des points de vue et des schémas mentaux qui leur sont rattachés. Si on arrive à ressentir réellement comment on a souffert enfant du comportement de ses parents, l'empathie avec eux disparaît en général sans conflits intérieurs, et se reporte sur l'enfant. Mais pour que ce renversement puisse réussir, nous avons besoin d'un témoin qui soit pleinement aux côtés de l'enfant et qui n'ait pas peur de condamner les agissements des parents. L'article "Comment trouver le/la thérapeute qui me conviendra?" (Rubrique "Articles" du site) peut aider à évaluer les capacités du thérapeute que l'on envisage de choisir à tenir ce rôle. Je considère que les thérapeutes qui se placent du côté des parents sont potentiellement dangereux; en revanche, d'authentiques témoins éclairés peuvent aider à faire face à sa propre histoire sans la camoufler, de façon à pouvoir quitter enfin le passé bien connu alors, sans éprouver de culpabilité.
D'où vient le mal dans le monde et comment se génère-t-il?
samedi 01 juin 2002
Il n'est plus possible de mettre en doute, aujourd'hui, que le Mal existe et que certains individus sont capables d'une extrême destructivité. Chacun peut s'en faire une idée grâce à la télévision. Mais ce constat n'entérine nullement l'idée fort répandue que certains êtres humains naissent "mauvais". Tout dépend, bien au contraire, de la façon dont ces personnes ont été accueillies à leur naissance et traitées par la suite. Les enfants qui font dès le début de leur vie l'expérience de l'amour, du respect, de la compréhension, de la gentillesse et d'un soutien affectueux, développent évidemment d'autres traits de caractère qu'un enfant qui se heurte dès le départ à l'abandon, la négligence, la violence ou la maltraitance, sans avoir près de lui une personne bienveillante qui lui permette de croire à l'amour. Quand manque cet élément - ce qui est le cas dans l'enfance de tous les dictateurs que j'ai étudiés - l'enfant aura tendance à glorifier la violence qu'il a subie et à l'exercer lui-même plus tard, sans limite, chaque fois qu'il le pourra. Car chaque enfant se forme par l'imitation. Son corps n'apprend pas ce que nous voulons lui inculquer par des mots, mais ce qu'il vit par lui-même. De ce fait, un enfant battu et maltraité apprend à battre et à maltraiter, alors qu'un enfant protégé et respecté apprend à respecter et à protéger les plus faibles que lui. Parce qu'ils ne connaissent l'un et l'autre que cette expérience.
Le nouveau-né est innocent
Le Dr Brazelton, pédiatre américain bien connu, a filmé un groupe de mères en train de tenir et de nourrir leur bébé, chacune d'une façon qui lui était propre. Plus de 20 ans après, il a reproduit cette expérience avec les femmes issues de ces bébés, qui étaient devenues mères à leur tour. Il était stupéfiant de constater qu'elles se comportaient avec leur enfant d'une manière absolument identique à celle que leur mère avait eue avec elles, bien qu'elles n'aient évidemment gardé aucun souvenir conscient de cette toute première époque de leur vie. Ce que Brazelton a prouvé par là, entre autres choses, c'est que nous sommes guidés dans notre comportement par des souvenirs inconscients qui peuvent être soit positifs et agréables, soit traumatiques et destructeurs.
L'obstétricien français Frédéric Leboyer a montré dans les années 70 que les enfants mis au monde sans violence et accueillis avec amour ne poussent pas des cris désespérés, mais qu'ils peuvent même sourire quelques minutes après la naissance, sans montrer le moindre signe d'une quelconque destructivité. Lorsqu'on ne sépare pas un bébé de sa mère, comme c'était encore courant dans les cliniques des années 50, il se crée entre la mère et l'enfant une relation de confiance qui aura des effets positifs sur sa vie entière. Car, en présence de son nouveau-né, la mère sécrète une hormone appelée "hormone de l'amour", l'ocytocine, qui lui permet de comprendre intuitivement les signaux de l'enfant et de répondre par empathie à ses besoins. Michel Odent décrit ce phénomène dans son dernier livre, L'amour scientifié (Ed. Jouvence, 2001).
Pourquoi ces notions capitales, qui ouvrent de nouvelles voies dans la connaissance de la nature humaine, ne sont-elles pas répandues dans le grand public? Les travaux de Leboyer ont certes modifié l'image de l'accouchement ; mais la société ne semble pas encore avoir pris conscience des conséquences philosophiques, sociologiques, psychologiques et même, dernièrement, théologiques, qu'implique sa découverte de l'innocence du nouveau-né. Cela peut se constater dans de nombreux domaines, à l'école, dans le système pénitentiaire, en politique. Tous ces domaines sont gouvernés par l'idée que les punitions, en particulier les punitions corporelles, que l'on désigne par le terme de "corrections", sont efficaces et inoffensives. Ce qui se sait encore trop peu, c'est que l'on génère par les châtiments corporels le Mal que l'on essaie par la suite - plus ou moins vainement - de réprimer par des coups redoublés.
Le Mal se reproduit à chaque génération
Il était courant, au Moyen Age, de croire à l'enfant "de substitution" - le changelon, fils du Diable que ce dernier plaçait dans le berceau de mères bien intentionnées après leur avoir volé leur bébé. L'histoire ne dit pas avec qui le Malin avait pu avoir ces rejetons méchants et diaboliques, ni ce qu'il faisait des gentils enfants volés ; mais le fait est que les mères en question étaient tenues d'élever ces enfants "à la dure", c'est-à-dire d'une façon particulièrement cruelle, pour en faire des êtres humains convenables.
Aujourd'hui nous ne croyons plus à ces échanges d'enfants. Mais la croyance en l'efficacité des châtiments, l'idée que l'on peut rendre un enfant difficile "raisonnable" en le punissant, semblent encore irréfutables à la plupart des gens. Sigmund Freud lui-même pensait que si un sadique éprouve du plaisir à tourmenter autrui, c'est parce qu'il n'a pas réussi à sublimer suffisamment sa "pulsion de mort" - une pulsion que nous posséderions tous en naissant.
La génétique, elle, propose une version entièrement nouvelle du Mal inné. Il existerait, dit-on, des gènes qui pousseraient certains individus à faire du mal - même s'ils ont reçu "beaucoup d'amour" durant leur enfance. Pour ma part, jusqu'à aujourd'hui, je n'ai encore jamais rencontré une telle personne. L'enfance de tous les criminels en série et de tous les dictateurs dont j'ai étudié l'histoire fait apparaître sans exception des éléments d'une extrême cruauté ; en règle générale, cependant, les intéressés eux-mêmes dénient ces faits. Et pas seulement eux. Une bonne partie de la société semble vouloir nier ou ignorer de telles corrélations.
L'apprentissage de la violence
Si l'on prend la théorie génique au sérieux, on devrait être en mesure, alors, d'expliquer la chose suivante : pourquoi, 30 ans environ avant le Troisième Reich, de si nombreux enfants (des millions) seraient-ils nés avec de "mauvais gènes" précisément en Allemagne ? Des enfants qui plus tard, sans autre raison, auraient été prêts à exécuter les ordres barbares d'Hitler ? Pourquoi cela se serait-il produit à l'époque, alors que l'apparition massive de tels gènes n'est plus constatée aujourd'hui dans ce pays ? Je ne cesse de poser cette question, mais je ne reçois jamais de réponse, car on ne peut y répondre. Ce qui est établi, en revanche, c'est que les subordonnés d'Hitler ont tous été des enfants dressés de bonne heure à l'obéissance. Eduqués par des moyens brutaux, humiliés, ils se sont ensuite défoulés sur des innocents de leurs sentiments réprimés de colère et de rage impuissante - parce qu'ils pouvaient enfin, avec la bénédiction d'Hitler, le faire sans risquer d'être punis. Aujourd'hui, l'éducation donnée en Allemagne est généralement différente. Mais là où la brutalité de l'éducation subsiste toujours, l'emploi de telles méthodes se manifeste par trop clairement dans le comportement des jeunes : ils dénient à leur tour les souffrances liées aux humiliations qu'ils ont subies, s'en prennent à des boucs émissaires et font de leur attitude une idéologie.
La théorie génique, en fait, nous aide aussi peu à comprendre le Mal que le conte du changelon et la théorie de la pulsion de mort. D'après des enquêtes statistiques (Olivier Maurel, La Fessée, Editions La Plage, 2001), la population mondiale reste encore convaincue à plus de 90% que les enfants ont besoin d'être frappés. Nous devons enfin admettre la vérité que le Mal existe, certes, mais qu'il n'est pas inné et qu'il est au contraire produit par la société, chaque jour, chaque heure, sans interruption, dans le monde entier. Cela arrive aussi bien dans la pratique de l'accouchement que dans l'éducation des jeunes enfants, qui plus tard pourront ETRE AMENES à commettre des méfaits s'ils n'ont pas auprès d'eux un témoin secourable. Dans l'enfance des criminels en série et des dictateurs, on ne trouve aucun témoin secourable.
La dynamique de l'horreur à travers l'exemple des dictateurs
Tout dictateur fait subir à son peuple des sévices identiques à ceux qu'il a subis autrefois, quand il était enfant. Les humiliations qu'il a vécues plus tard, en tant qu'adulte, ont sur ses actions une influence beaucoup moins grande que les expériences émotionnelles des premières années ; celles-ci restent à tout jamais codées dans son cerveau, mais la plupart du temps elles ne sont pas accessibles. Comme chaque dictateur ou presque dénie sa souffrance (son immense impuissance d'autrefois face à la brutalité), il ne peut la décoder et a toujours besoin de nouveaux boucs émissaires, afin de venger cette ancienne terreur qui remonte à son enfance et ne plus avoir à la ressentir. Des exemples le montrent clairement :
Le père d'Adolf Hitler, Alois, était un enfant naturel. On fit peser sur lui le soupçon qu'il était le fils d'un commerçant juif de Graz, au service duquel sa mère Maria Schickelgruber se trouvait lorsqu'elle est tombée enceinte. Un soupçon pas facile à écarter, car la grand-mère d'Adolf Hitler a perçu pour son fils, pendant 14 ans, une pension de ce commerçant. Sans doute Alois a-t-il beaucoup souffert de ce soupçon, comme le prouvent d'innombrables modifications de son patronyme (Heidler, Hydler, etc.) A ses yeux, être né illégitimement et taxé de surcroît d'une origine juive constituait une honte intolérable, une humiliation impossible à effacer. Le moyen le plus simple pour lui de se défaire de cette rage refoulée, il le trouva dans les châtiments quotidiens de son fils Adolf. J'ai raconté cette histoire en détails dans mon livre C'est pour ton bien et l'ai reprise dans mes deux derniers ouvrages, Chemins de vie et Libres de savoir, pour illustrer la façon dont la haine se constitue et mettre en évidence le rôle de l'enfance dans ce processus. Dans toute l'histoire de l'antisémitisme et de la persécution des Juifs, aucun dirigeant encore n'avait eu l'idée que tout citoyen de son pays devrait prouver sur trois générations qu'il n'était pas juif, sous peine d'être mis à mort. Ce fut la folie toute personnelle d'Hitler, celle qui remontait à l'insécurité de son existence quand il était un enfant constamment menacé et humilié dans sa propre famille. Des millions de personnes ont payé de leur vie pour que cet enfant, devenu plus tard un adulte sans descendance, puisse se venger en projetant inconsciemment le scénario de son enfance sur la scène politique.
Reconnaître que notre mémoire corporelle et émotionnelle agit en nous, indépendamment de notre conscience, ne nous est pas facile. Que cela nous contrarie se comprend, d'abord parce que ces découvertes sont nouvelles et encore peu familières, mais surtout parce que le contrôle de cette mémoire nous échappe. Pourtant, c'est justement la prise de conscience de ce phénomène qui peut nous permettre de mieux la contrôler et de mieux nous protéger contre ses effets. Une mère dont la main "dérape" contre sa volonté ignore, en général, qu'elle frappe son enfant uniquement parce qu'elle y est poussée par son propre corps et par les souvenirs inscrits dans ce dernier (les mères qui n'ont pas été frappées quand elles étaient enfants ont rarement la main qui dérape). Mais lorsqu'elle le sait, elle est mieux à même de l'éviter, de se dominer et d'épargner de la souffrance à son enfant aussi bien qu'à elle-même.
Comme Hitler, Staline ignorait que sa mémoire corporelle le poussait à projeter sur la scène de la vaste Union soviétique son histoire personnelle d'enfant cruellement menacé, dépourvu de témoin secourable. S'il l'avait su, il aurait pu mieux contrôle ses angoisses, ce qui eût évité des millions de morts. Et si ce savoir avait été du domaine public, à l'époque, les gouvernements auraient peut-être mis en place, au cours des cinquante années qui ont suivi, des stratégies adaptées susceptibles d'empêcher la dangereuse accumulation de pouvoir entre les mains d'un seul individu, et ce dans le but de combattre ses propres peurs. Rien, durant cette longue période, n'a eu lieu dans ce sens.
Staline, enfant unique, né comme Hitler après trois enfants morts, fut battu dès son plus jeune âge par un père irascible et presque toujours ivre. Jusqu'à la fin de sa vie, et malgré d'importants succès, il souffrit d'une manie de la persécution qui le poussa à supprimer des millions d'innocents. De même que l'enfant Staline, autrefois, devait craindre à tout moment d'être tué par un père imprévisible, l'adulte Staline, plus tard, redoutait jusqu'à ses plus proches collaborateurs. Mais il disposait alors du pouvoir, ce qui lui permettait d'écarter cette terreur par l'humiliation d'autres personnes.
Mao était le fils d'un professeur "à poigne", qui a voulu lui inculquer l'obéissance et le savoir au moyen d'une discipline de fer. Nous savons quelles connaissances Mao a voulu inculquer plus tard à son immense peuple, sans doute avec de meilleures intentions, mais par la violence et au prix de 35 millions de morts. Ceausescu, lui, avait grandi dans une seule pièce avec dix frères et s½urs ; plus tard, il obligea les femmes roumaines à avoir des enfants qu'elles ne désiraient pas.
La liste d'exemples est infinie. Malheureusement, nous nous refusons à prendre de tels faits en considération. Nous pourrions pourtant en apprendre comment la haine se constitue et nous serions moins à sa merci, dans l'avenir, si nous prenions au sérieux la façon dont elle se forme.
La constitution de la haine
Pourquoi recherchons-nous si activement le Mal inné dans les gènes? Pour la simple raison que la plupart d'entre nous avons été des enfants corrigés qui redoutent la résurgence de ce qu'ils ont refoulé, à savoir la souffrance liée aux humiliations subies autrefois. Comme nous recevions simultanément le message "C'est pour ton bien", nous avons appris à réprimer ces souffrances ; mais le souvenir des dites humiliations est resté emmagasiné dans notre cerveau et dans notre corps. Parce que nous aimions nos parents, nous croyions ce qu'ils affirmaient _ que les corrections étaient bonnes pour nous. La plupart des gens le croient encore et soutiennent que l'on ne peut élever les enfants sans les frapper, c'est à dire sans les humilier. Ils restent de ce fait dans le cercle vicieux de la violence et du déni des anciennes humiliations, autrement dit dans la nécessité de la vengeance, des représailles, de la punition. Les émotions liées à la colère, réprimées dans l'enfance, se transforment chez les adultes en une haine meurtrière, laquelle est récupérée idéologiquement par des groupes religieux et ethniques. L'humiliation est une toxine difficile à éliminer, parce qu'elle est utilisée à son tour pour éliminer et produit de nouvelles humiliations, qui ne font qu'entraîner une spirale de la violence et une occultation des problèmes.
Pour sortir de cet engrenage, nous devons nous confronter à notre propre vérité. Nous AVONS ETE autrefois des enfants humiliés, victimes de l'ignorance de nos parents, eux-mêmes victimes de leur propre histoire et de leur enfance non digérée. Mais aujourd'hui, adultes, nous ne sommes plus obligés de le rester. Nous avons la possibilité de regarder notre histoire en face, de reconnaître que frapper des enfants est inutile et même dangereux - parce que l'emploi de tels procédés engendre la haine et des désirs de revanche qui se retourneront contre nous et contre la société tout entière, inévitablement, si nous persistons dans l'ignorance et le refus de savoir. Enfants, nous n'avions pas d'autre choix que de dénier la vérité, sans quoi nous n'aurions pu supporter cette souffrance et y survivre. C'est le déni de sa souffrance qui permet à un enfant battu de survivre dans une situation intolérable pour lui, et peut-être minimisera-t-il cette douleur toute sa vie. En fait, le prix qu'il aura à payer pour cela sera très haut, parce que son corps connaît la vérité et que la mémoire émotionnelle ne trouve parfois à s'extérioriser que dans des symptômes de maladie. Mais elle s'extériorise surtout dans l'opinion inébranlable que les enfants ont besoin de coups.
Contrairement à l'enfant, nous, adultes, disposons d'options plus saines que le déni. Nous pouvons choisir de savoir et de nous connaître nous-mêmes, au lieu de nous laisser conduire uniquement par le savoir émotionnel et inconscient de notre corps, lequel nous maintient dans la peur de la vérité. Peut-être qu'en beaucoup d'entre nous vit un petit Staline, qui en dépit de son immense pouvoir avait toujours peur de son père et se cramponnait au déni. Comme Hitler, il croyait que la destruction de millions de personnes finirait par le délivrer de cette terreur qui le tourmentait. Il n'en a rien été. Une telle illusion conduit au crime de nombreux enfants autrefois humiliés.
Munis des connaissances actuelles, nous pouvons arriver progressivement à d'autres représentations et d'autres solutions que celles qui nous ont été transmises par une tradition millénaire de violence, de répression et de représailles (avec la faiblesse, l'ignorance et la peur qui se cachent derrière). Si nous restons englués dans ces schémas, nous n'apprenons rien des faits qui s'offrent à nous en permanence. Et ceux-ci ne sont pas uniquement à chercher dans des crimes de masse, mais aussi dans les exemples positifs de l'Histoire qui sont restés ignorés, également, pendant des milliers d'années.
Comment Jésus a-t-il été élevé ?
Jésus, figure adorée par toutes les églises chrétiennes, a été élevé par des parents qui le considéraient comme l'enfant de Dieu. On peut supposer qu'ils ne l'ont jamais battu, qu'ils lui ont témoigné le plus grand respect et le plus grand amour. Nous connaissons les résultats de cette éducation, fondée sur l'amour, la tolérance et le respect : quelqu'un qui a transmis à son tour ce qu'il avait reçu, la compassion, la tolérance, l'amour, le respect. Comment se fait-il qu'en 2 000 ans aucun représentant de l'Eglise ne se soit orienté dans ce sens? Que l'Eglise ne se soit jamais élevée contre le châtiment corporel des jeunes enfants? Que la charité, la tolérance et le pardon soient prêchés aux adultes et pratiqués à leur encontre, mais expressément refusés aux enfants ? Que les parents de Jésus n'aient jamais été offerts en exemple aux croyants ? Que des écoles chrétiennes d'Afrique protestent, au contraire, quand le gouvernement de la République des Comores veut interdire que les enfants soient frappés dans les écoles ? Il est dit dans cette pétition que le châtiment corporel des écoliers fait partie des obligations religieuses. On ne peut donner à tout cela d'autre explication que celle-ci : les adultes qui perpétuent par leurs actions une tradition de pouvoir, de représailles et de vengeance, restent prisonniers des humiliations refoulées qu'ils transmettent inconsciemment à la génération suivante.
Conséquences
Aujourd'hui, nous pouvons voir sur un écran d'ordinateur les lésions qui subsistent dans le cerveau des enfants maltraités ou négligés. De nombreux articles de chercheurs spécialisés dans l'étude du cerveau (dont Bruce D. Perry, pédopsychiatre par ailleurs) traitent de ce sujet non seulement dans des publications scientifiques, mais aussi sur Internet. Il est grand temps de s'éveiller d'un long sommeil. Nous, adultes, n'avons plus à redouter de nulle part ce danger d'anéantissement qui a constitué de fait une menace réelle pour nombre d'entre nous durant l'enfance. Nous n'avons plus besoin de nous cuirasser contre quelque chose qui est derrière nous. Mais d'autres dangers nous menacent de l'intérieur de nous-mêmes, si nous ignorons le savoir que détient notre corps. Il peut être dangereux de ne pas saisir les vrais mobiles de nos actions, d'être incapable de les comprendre. En revanche, la connaissance de notre histoire peut nous libérer d'avoir à fuir encore, inutilement, des dangers révolus, à réemployer sans cesse des stratégies inadaptées et à rester émotionnellement "aveugles". Nous avons aujourd'hui la possibilité de tirer les leçons des expériences qui sont à notre disposition et de rechercher aux conflits des solutions neuves, créatives, qui reposent sur le respect. Nous le pouvons à partir du moment où nous prenons conscience que l'humiliation d'autrui n'apporte jamais de solution réelle ni durable, mais qu'elle génère au contraire - dans l'éducation comme en politique - de nouveaux foyers de violence. Les enfants qui apprennent chez eux, de leurs parents, des méthodes fondées sur l'humiliation et la menace, appliqueront à l'école ce qui leur a été inculqué à la maison. Et cette acquisition se fait avant l'âge de dix-huit mois, comme l'a montré une enquête, c'est-à-dire durant la période de formation du cerveau. D'où l'effet à long terme de ces "apprentissages", de cette école de violence.
Vouloir lutter contre cette vérité toute simple avec des caméras vidéo revient à se boucher les yeux. Nous devons envisager d'autres modes de fonctionnement : écouter, regarder, oser une relation honnête, empreinte de respect, au lieu de nous en remettre uniquement à la protection d'un pouvoir punitif et destructeur. Et même si nous n'avons pas appris, enfants, à avoir confiance en une communication fondée sur le respect, il n'est jamais trop tard pour le faire. Un tel apprentissage me semble constituer une alternative sensée, porteuse d'espoir, à l'illusion que seul l'usage de la force peut nous venir en aide.
Encore un autre
Réflections sur le nouveau livre d'Alice Miller "Notre corps ne ment jamais"
mercredi 01 septembre 2004
Les découvertes d'Alice Miller sont probablement parmi les plus importantes du dernier siècle et de celui qui commence. On le reconnaîtra plus tard. Espérons que ce ne sera pas trop tard.
Ce qu'elle a mis en lumière, c'est que la méthode d'éducation la plus répandue dans le monde est la cause principale d'une grande partie des violences que commettent ensuite les adultes, dans la vie familiale ou dans la vie collective. Il s'agit du recours aux châtiments corporels utilisés depuis des millénaires sur tous les continents, par environ 90% des parents et des maîtres, le plus souvent avec une violence dont nous n'avons pas idée dans les pays où une évolution s'est produite.
Si nous avons du mal à croire que la violence éducative puisse être à l'origine d'une bonne partie de nos maux, c'est à cause d'un mécanisme très simple mis à jour également par Alice Miller : l'enfant qui subit la violence éducative de ses parents et de ses maîtres est persuadé que ses éducateurs ont raison et qu'il est coupable. Cette conviction s'inscrit dans son système nerveux pendant toutes les années où il est en pleine formation et où ses neurones s'interconnectent. Son cerveau est sculpté par cette éducation. Et il lui est ensuite presque impossible, s'il ne rencontre personne qui l'aide à comprendre qu'il a été maltraité, de revenir sur cette conviction qui justifie à ses yeux la violence éducative et l'amène à la reproduire.
Telle est la raison pour laquelle cette méthode universelle d'éducation est si bien ancrée dans les esprits. Elle y installe en effet un grand nombre de mécanismes et de réflexes qui ont pour effet de la justifier et de la défendre. Ces réflexes, dont certains sont très anciens, d'autres plus récents, sont très variés et il est bon de les connaître pour pouvoir les identifier.
L'habitude de frapper les enfants pour les faire obéir n'était pas innée puisque certaines sociétés sans écriture n'y recourent pas. Mais quand les hommes, pour une raison que l'on ignore, ont commencé à y recourir dans toutes les plus anciennes civilisations, ils ont théorisé et justifié ce comportement sous forme de proverbes. Dans les sociétés où est née la Bible, ces proverbes ont été attribués à une inspiration divine, et sacralisés. C'est par eux qu'aujourd'hui encore les membres de certaines Eglises protestantes et les Témoins de Jéhovah justifient la violence éducative et s'opposent parfois à l'Etat lorsqu'il tente d'interdire de ce qu'ils appellent le "châtiment biblique". Dans les pays musulmans, l'habitude de frapper les enfants repose sur une tradition solidement établie et quasi sacrée. Ainsi, la "sagesse des nations" a préconisé partout pendant des millénaires de battre les enfants.
Le corollaire de cette forme de devoir éducatif est l'affirmation du respect dû aux parents, ce quatrième commandement sur lequel Alice Miller insiste dans ce livre, et que n'accompagne, dans les tables de la Loi, comme elle l'a fait aussi remarquer, aucune mention du respect dû à l'enfant.
Au contraire, l'idée que l'enfant porte la folie dans son coeur ou doit être dressé comme un animal est aussi inséparable de cette forme d'éducation. A l'époque chrétienne, à partir surtout de saint Augustin, lui-même victime de châtiments corporels, la notion fondamentale du péché originel devient une raison de plus de se méfier de l'enfant et de chercher à le corriger.
Une fois la violence éducative sacralisée, les parents idéalisés et les enfants diabolisés, la souffrance des enfants battus avec les meilleures intentions du monde par leurs parents et par leurs maîtres, s'installe pour des millénaires dans un angle mort de la vision des hommes. Elle correspond à un point aveugle de la rétine de leur esprit. Il est stupéfiant de voir que les écrivains et les philosophes, les plus grands esprits de leur temps, capables de si bien décrire les tourments et les passions des adultes et de s'apitoyer sur leur sort, n'ont en général pas dit un mot pendant des siècles, à de très rares exceptions près, de la souffrance des enfants qu'ils avaient pourtant tous les jours sous les yeux. Ils donnaient de la violence des hommes toutes sortes d'explications, mais jamais ne leur serait venue à l'esprit l'idée d'en voir au moins une des causes dans le fait que les premiers initiateurs de tous les enfants à la violence sont leurs propres parents.
On explique souvent cette indifférence à l'enfance et à ses souffrances par le taux de mortalité qui aurait anesthésié la compassion. Mais il est certainement plus juste de raisonner comme Elisabeth Badinter qui écrivait à propos des mères du XVIIIe siècle : "Ce n'est pas parce que les enfants mouraient comme des mouches que les mères s'intéressaient peu à eux. Mais c'est en grande partie parce qu'elles ne s'intéressaient pas à eux qu'ils mouraient en si grand nombre".
La cécité des écrivains et des philosophes aux souffrances des enfants a probablement pour cause l'aveuglement à leurs propres souffrances qui leur faisait considérer comme normales les brutalités qu'ils avaient eux-mêmes subies dans leurs premières années. Exactement comme aujourd'hui les gifles et fessées données aux enfants nous paraissent normales, comme ailleurs la bastonnade là où elle est couramment pratiquée. Exactement aussi comme paraissent parfaitement normales aux hommes et aux femmes, l'excision et la violence conjugale là où elles sont une tradition millénaire.
Il a fallu attendre le XVIe siècle avec Erasme et Montaigne, puis le XVIIIe et le XIXe avec la multiplication des romans et des récits autobiographiques inspirés par les Confessions de Rousseau, pour que les écrivains commencent à parler de la dureté de leur éducation, dans les écoles d'abord, puis, avec Jules Vallès, dans leur propre famille
Mais ce n'était encore qu'un fragile acquis car la violence éducative entretient et renouvelle sans cesse ses propres défenses, chaque génération d'enfants battus devenant une cohorte de défenseurs des punitions corporelles.
Chacun s'appuie sur sa propre expérience pour affirmer : "Les coups de pied au derrière que m'a donnés mon père m'ont fait beaucoup de bien". Pourtant, ces propos et la justification de la violence qu'ils sous-entendent, témoignent que leurs auteurs subissent encore une séquelle de base de la violence éducative, celle qui les amène à piétiner aux dépens des enfants le principe le plus universel de la morale : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse". Ainsi d'ailleurs qu'un autre principe qu'on a pourtant sans doute cherché à leur inculquer : "On ne s'attaque pas à un être plus petit que soi", principe dont ils ne voient pas le rapport avec le fait qu'un parent frappe un enfant.
L'amnésie est aussi un des grands moyens d'auto-défense de la violence éducative. Une grande partie de cette violence s'exerce avant l'âge de trois ans, période qui échappe à la mémoire consciente. Et celle-ci, peut-être pour nous en protéger, nous évite en général le rappel des souvenirs trop désagréables qui marquent les années suivantes. Beaucoup de gens dont on peut prouver qu'ils ont été frappés n'en ont aucun souvenir.
L'humiliation provoquée par le fait d'être battu (et donc coupable, comme se sent toujours cou
Allez encore un texte
L'indignation, une ouverture pour la thérapie
mercredi 15 juin 2005
(Traduit de l'allemand par Pierre Vandevoorde)
Il arrive régulièrement que des livres ou des articles nous exposent des situations ou des faits épouvantables (animaux martyrisés, exploitation de la nature, tortures, despotisme…), et il est naturel que nous y réagissions par l'expression de sentiments forts. C'est en tout cas ce qui se passe pour la plus grande partie de la population à même de penser et de ressentir, qui réagit alors par l'indignation. Il y a pourtant une exception: quand il s'agit de mauvais traitements infligés aux enfants, comme les coups et les claques, on constate en général une indifférence étonnante, parce que la plupart des gens est toujours convaincue que les coups sont indispensables aux enfants et n'ont pas de conséquences néfastes.
Comment peut-on croire qu'il puisse être bénéfique pour qui que ce soit d'être battu, plus encore pour un individu en pleine croissance dont le cerveau n'est pas encore complètement formé ? Il est probable, c'est du moins ce que l'on pourrait penser, que les partisans des châtiments corporels ne savent pas encore que le cerveau humain se développe dans les trois premières années de la vie, et que c'est justement à ce moment là que la violence s'apprend. Mais comment concevoir un tel degré d'ignorance ? Ces connaissances ne sont pourtant pas tenues secrètes. A tout le moins, des gens cultivés comme les enseignants, les ecclésiastiques, les hommes de lois, le personnel politique, les chefs d'Etat ou les ministres, devraient quand même y avoir été confrontés un jour ou l'autre, à un endroit ou à un autre.
Il y a déjà 20 ans que la question des mauvais traitements que l'on fait subir aux enfants a commencé à faire l'objet de publications, mais pas plus aujourd'hui qu'hier on ne voit se lever où que ce soit la vague d'indignation et d'horreur que justifierait l'exploitation sans scrupules de la situation d'impuissance des enfants dans le seul but de décharger la haine accumulée par les adultes, les parents et les éducateurs. On bat un enfant ? et alors, qui y a-t-il d'anormal à cela ?
" Non, ce n'est ni normal, ni bénin, ni défendable sur le plan éthique ", disent et écrivent quelques personnes depuis deux décennies environ. Mais ces hommes et ces femmes ne représentent jusqu'à maintenant qu'une petite minorité. Mes nombreuses tentatives pour informer les jeunes parents des conséquences dangereuses des coups reçus par les enfants, par exemple en demandant l'aide du Vatican, ont toutes échoué. Je me suis à chaque fois heurtée à un mur d'indifférence et de silence.
Comment expliquer cela ? On a peine à concevoir qu'il n'y ait, au Vatican par exemple, pas une seule personne qui soit capable de s'indigner des violences faites aux enfants et qui éprouve de ce fait le besoin de transmettre au pape mes informations. Et pourtant, mon expérience prouve que cela ne s'est pas produit jusqu'alors. Et pas seulement au Vatican. Partout dans le monde, les gouvernants ne font quasiment rien pour interdire ces pratiques barbares.
Dans les années 70, la Suède a adopté une loi qui interdit explicitement l'usage de la violence contre les enfants. Malheureusement, il n'y a eu depuis que treize Etats de second plan pour suivre cet exemple. Bien qu'il soit établi aujourd'hui qu'une éducation fondée sur les coups forme les hommes et les femmes qui frapperont à leur tour demain, cela ne suscite dans l'opinion publique aucun cri d'indignation. Au contraire, nous continuons imperturbablement à cultiver exactement ce que nous prétendons vouloir éradiquer : la torture, les guerres, les génocides. Nous nous employons pleinement à produire les violences et les maladies de demain. Car derrière chaque agression violente, on peut retrouver une histoire individuelle faite d'humiliations (voir James Gilligan, " Violence ", Putnam NY, 1996).
Je me demande constamment pourquoi il est si difficile de diffuser ces connaissances et pourquoi les seuls cas où la réaction normale d'indignation ne se produit pas sont en rapport avec la maltraitance des petits enfants. En fait, je connais la réponse à cette question, mais j'espère toujours me tromper. La réponse que j'ai trouvée, c'est que la plupart d'entre nous ont été des enfants maltraités et ont dû apprendre à refouler cela très tôt pour pouvoir survivre. Nous avons été obligés de croire que c'est " pour notre bien " que nous avons été humiliés et martyrisés, que les coups ne nous faisaient pas mal, qu'ils étaient sans incidence, et que c'était dans l'intérêt de la collectivité (sinon, nous disait-on, nous serions devenus des monstres dangereux).
Quand notre cerveau a stocké très tôt ces informations erronées, elles restent en général enregistrées pour toute la vie et forment donc des blocages de la pensée permanents, à moins que l'occasion ne se présente de les faire disparaître, éventuellement lors d'une thérapie. Mais en règle générale la plupart des gens ne se risquent pas à abandonner leurs blocages. Ils ne cessent de répéter comme en choeur : " mes parents ont fait de leur mieux pour bien m'éduquer, j'étais un enfant difficile et il a fallu m'imposer une discipline sévère ". Comment serait-il possible à des gens pareils de s'indigner des mauvais traitements que subissent les enfants ? C'est que depuis leur enfance, ils sont coupés de leurs sentiments vrais, des souffrances causées par l'humiliation et les supplices. Pour ressentir leur indignation, il faudrait qu'ils aillent voir du côté de ces vieilles souffrances. Mais qui peut avoir envie d'une chose pareille ?
C'est ainsi que ces souffrances restent le plus souvent enfermées derrière des portes de fer au plus profond de leur c½ur. Et malheur à qui se hasarderait à secouer ces portes : ils préfèreront supporter les dépressions, ingurgiter médicaments et drogues, mourir même, que d'être confrontés au retour de cette torture enfouie dans la mémoire. Alors, on la rebaptise "éducation ", un nom agréable à l'oreille, et l'on évite ainsi la souffrance. Ces gens-là seront incapables d'indignation tant qu'ils se refuseront à admettre qu'ils ont été eux-mêmes des victimes lorsqu'ils étaient enfants. Il n'y a pas grand monde qui soit capable de regarder son histoire en face, et ceux qui le font sentent souvent que cela contribue à les isoler. Ils vivent en effet dans une société dans laquelle beaucoup de gens peuvent s'indigner très sincèrement de certaines injustices, comme par exemple le travail des enfants en Asie, mais pas de l'injustice dont ils ont eux-mêmes été les victimes. On a fait d'eux des victimes à un moment où ils n'étaient pas encore capables de penser par eux-mêmes, et ils ont adopté le point de vue de leurs parents, selon lequel c'est pour leur bien qu'ils ont été torturés. Tout cela s'est passé de façon à pouvoir entretenir la fidélité et l'amour qu'ils vouent à leurs parents, ce qui se passe le plus souvent sur le dos de ses propres enfants. En fait, pour ces anciens enfants maltraités, le temps devrait maintenant être venu de trouver le courage de se rebeller.
L'incapacité à réagir par de l'indignation lorsque des enfants sont battus peut évidemment trouver son explication dans notre histoire individuelle, mais elle ne nous en ferme pas moins l'accès à la compréhension de nombreux phénomènes. Cela peut être illustré par des problèmes qui relèvent de registres variés. Dans les pages qui suivent, je vais prendre des exemples dans trois domaines particuliers, pour démontrer l'importance de la capacité de nous indigner. Je pense qu'elle peut nous libérer de notre rigidité et nous donner ainsi accès non seulement à une meilleure connaissance de nous-même, mais aussi nous mettre en situation d'apporter aide et prévention là où c'est une nécessité pressante. J'aborderai donc l'approche traditionnelle de la délinquance (tueries et meurtres en série), la reproduction de la maltraitance des enfants dans les familles et le principe de neutralité dans la pratique thérapeutique.
Responsables de massacres et tueurs en série
Aussi bien du côté de la psychiatrie judiciaire que de la psychanalyse, on se plaît à répéter que les actes abominables commis par les auteurs de tueries ne sauraient être la conséquence des mauvais traitements qu'ils auraient pu subir dans leur enfance, parce que nombre d'entre eux sont issus de familles qui de l'extérieur ne paraissent ni dégradées, ni particulièrement violentes. Mais si on prend la peine de poser des questions précises sur le comportement " éducatif " de leurs parents, alors apparaît à chaque fois un tableau dont l'horreur ne le cède en rien aux actes commis par le criminel. Au contraire: étant donné que ces actes pervers ont été commis sur des enfants, et ce pendant des années, ces " corrections ", comme on les appelle, méritent plus encore le nom de meurtres authentiques, et plus précisément de meurtres qui prennent pour cible les c½urs. Comme le montre le livre de Jonathan Pincus " Base Instincts " (voir l'article de Thomas Gruner " Frenzy " sur ce site), il n'y a même aucune difficulté à obtenir des informations sur la cruauté de ses parents, parce qu'il est extrêmement rare que le criminel les considère lui-même comme pervers ; il voit ce qu'il a subi comme une éducation tout à fait normale, et comme la quasi-totalité des enfants maltraités dans leur enfance, il est attaché à ses parents et les protège contre tout reproche. Le psychiatre qui l'interroge accepte en général ce jugement sans se poser des questions (quand il n'a lui non plus jamais remis en cause ses propres parents) et en vient à la conclusion que le meurtrier en série qui est assis devant lui est certainement venu au monde porteur de gènes destructeurs qui le poussent à commettre des crimes.
J'ai vu un jour un reportage télévisé sur l'augmentation de la criminalité juvénile. Le reporter avait fait des efforts pour comprendre les motivations des jeunes délinquants, et il avait demandé l'avis de procureurs, policiers, de directeurs de prison, qui tous sans exception ont affirmé en le regrettant que dans aucun des cas présentés, il n'avait été possible d'établir un mobile pour ces meurtres et graves agressions physiques. On entendit même dire en passant que cela serait typique de la jeunesse moderne. Pour expliquer un état d'excitation aussi fort, personne ne parla d'autre chose que d'alcool et de drogues. Mais pourquoi ces gens recourent-ils aux drogues, la question ne fut pas posée. Le fait que ces jeunes vivent depuis leur enfance avec une très forte soif de vengeance qui agit en eux comme une bombe à retardement, voilà une chose que tous les fonctionnaires interrogés semblaient ne jamais encore avoir entendue.
C'est ainsi qu'un directeur de prison peut travailler depuis 20 ans au milieu de tous les problèmes propres à l'institution carcérale, sans de toute évidence s'être jamais intéressé à la question de savoir comment ont grandi les jeunes qui sont devenus des criminels, et qui a semé les germes de la violence dans leurs c½urs. Son attention n'a jamais été retenue par un fait que l'on retrouve dans la quasi-totalité des procès-verbaux : le passage à l'acte a lieu au moment où la personne ressent un affront, une vexation ou une humiliation. Lorsqu'elle était enfant, elle n'avait pas le droit de réagir aux humiliations, maintenant elle le peut. Le fait que cela le conduise très vite en prison relève de sa compulsion d'autopunition, car au fond il s'attribue depuis toujours la faute de ne pas avoir été aimé. C'est ce qu'il a entendu depuis qu'il était tout petit.
Comme enfant humilié, il n'a jamais eu non plus l'occasion d'apprendre à exprimer sa rage par des mots sans crainte d'être puni, alors il passe tout de suit à l'acte, comme il l'a appris de ses parents. Son cerveau a emmagasiné cette leçon très tôt, et elle est réactivée dès qu'il se sent agressé dans sa dignité. Comme on ne peut mettre en cause les premiers, les véritables agresseurs, plus de la moitié des détenus libérés retournent en prison.
L'analyste Frank M. Lachmann consacre dans son livre " TRANSFORMING AGGRESSION " un chapitre entier à la question des meurtres en série, et en arrive à la conclusion que leurs auteurs n'ont en aucun cas le droit de bénéficier de notre capacité d'empathie. Il établit une différence entre l'homme " coupable " (l'¼dipe de Freud) et l'homme " tragique" (Kohut), qui n'a pas reçu de réponse adéquate aux signaux qu'il a envoyés dans son enfance. D'après Lachmann, le psychanalyste peut éprouver de l'empathie pour l'un comme pour l'autre. Mais les meurtriers en série, tout comme les hommes de main d'Hitler par exemple, forment pour lui une catégorie dont il considère qu'elle DOIT échapper à notre entendement car ces criminels représentent en fait le mal en soi. Je rappelle ici que ce qui m'importe, ce n'est pas la compassion envers des sadiques adultes, mais la compréhension pour la souffrance de l'enfant qu'ils furent.
Qu'en est-il alors des attentats terroristes, des génocides comme au Rwanda, en Yougoslavie et dans tant d'autres endroits de la planète aujourd'hui ? Pouvons-nous nous imaginer que des gens qui auraient été aimés, protégés et respectés dans leur enfance soient prêts à se faire sauter à l'explosif ? Je ne peux pas me satisfaire des explications qui présentent des gens réellement capables de commettre des actions barbares comme les produits d'un mal abstrait, et que l'on se refuse à rechercher les racines de leur désir de destruction dans leur histoire individuelle. Il est facile de les découvrir pour autant qu'on ne soit pas seulement horrifié par les crimes de l'adulte, mais aussi par le martyre qu'il a subi dans son enfance. Là, toutes les énigmes trouvent leur clé. Alors nous constatons qu'il n'y a pas un seul meurtrier en série, pas un seul auteur de massacre qui, enfant, n'ait pas été victime d'humiliations et de meurtres psychiques sans nombre. Mais pour être capable de voir cela, il nous faut l'indignation, elle qui nous fait en général défaut dès qu'il est question d'enfance. Le livre de Lachmann montre que non seulement les psychiatres, mais aussi les psychanalystes, sont effrayés à l'idée de franchir le seuil qui leur ferait accepter la problématique des souffrances endurées dans l'enfance. La société paye un prix très élevé pour cet aveuglement. Alors il serait possible d'aider l'ancienne victime à se révolter contre ce que ses parents ont fait, et il peut arriver que cela suffise à le libérer de sa compulsion à toujours rejouer inconsciemment son histoire et les brutalités qu'il a subies.
La maltraitance des enfants : une tradition familiale
En nous familiarisant avec la dynamique propre à la compulsion de répétition, nous faisons la constatation qu'on la retrouve dans toutes les familles maltraitantes. Le genre de mauvais traitements pratiqué est souvent inscrit dans une longue histoire. Dans les familles, il est fréquent de retrouver sur plusieurs générations le même schéma de fonctionnement, fondé sur l'avilissement, l'abandon, l'abus de pouvoir, le sadisme. Pour trouver une échappatoire à l'horreur et au dégoût, on a sans cesse recours à de nouvelles théories. C'est ainsi par exemple que certains psychologues ont élaboré une théorie selon laquelle les souffrances de leurs clients ne trouvent pas leur origine dans leur propre enfance, mais dans les problèmes et les histoires individuelles de leurs ascendants éloignés, dont ils pensent qu'ils chercheraient à les régler au travers de leurs maladies.
Avec de telles théories on peut se rassurer, on n'a pas à faire l'effort de se représenter l'enfer qu'a pu être l'enfance du patient et on fait l'économie de l'indignation. Mais ceci -tout comme l'explication par la génétique- ne représente rien de plus qu'une fuite devant une réalité douloureuse. Il est absurde d'interpréter l'augmentation de la violence aujourd'hui en Irak par exemple, ou bien les génocides, comme les effets de gènes destructeurs. Pourquoi soudainement, à l'époque Hitler ou de Milosevic, tant de gens étaient-ils porteurs de gènes destructeurs ? Et pourtant, beaucoup d'intellectuels adhèrent sans hésiter à de telles explications. Ils croient au mal en soi, pour s'épargner la souffrance de devoir admettre que de nombreux parents martyrisent leurs enfants par haine inconsciente, quelle que soit la justification qu'ils utilisent pour camoufler leurs actes. Pourtant c'est la vérité, et si on est capable de ne pas la fuir, on peut aussi gagner à la reconnaître. On abandonne alors la croyance moyenâgeuse au diable (les gènes), la chaîne de la violence apparaît, et on se rend compte en même temps qu'il serait possible de l'interrompre.
Les parents sadiques ne sont pas tombés du ciel, enfants ils ont eux-mêmes été traités d'une manière tout aussi sadique, il n'y a aucun doute à cela. Celui qui affirme le contraire veut refouler la réalité : un enfant martyrisé ne subit pas une seule mort comme la victime d'un assassin, mais, au cours de ses premières années de vie et de développement, des morts et des tourments psychiques innombrables, infligés qui plus est par des personnes dont il est dépendant et auxquelles il ne peut trouver de substituts.
En Allemagne, on a beaucoup parlé ces derniers temps de la mort d'une petite fille âgée de 7 ans du nom de Jessica que sa mère refusait de nourrir et qui pesait neuf kilos à sa mort. La presse manifesta son horreur et son dégoût, une cérémonie funèbre avec fleurs, cierges et beaux discours fut organisée, comme il se doit. Alors que les enfants qui meurent avant et tout de suite après leur naissance ont droit partout dans le monde à des témoignages d'amour et de deuil, les souffrances des enfants vivants suscitent étonnamment peu d'émoi. C'est la raison pour laquelle ni lors de l'inhumation, ni dans la presse, personne ne s'est demandé ce qui a bien pu amener une mère à laisser son enfant mourir de faim, comment elle a pu assister tranquillement pendant des années à son lent dépérissement physique sans que cela ne suscite en elle quelque sentiment que ce soit, comment elle a pu l'abandonner à son supplice.
Nous avons du mal à nous imaginer un tel sadisme, bien que soixante années nous séparent maintenant d'Auschwitz, là où des millions d'êtres humains ont été intentionnellement privés de nourriture, dans l'attente de la mort. Ni à cette époque, ni plus tard, ni aujourd'hui on ne s'est cependant demandé comment on en arrive à ce que des gens puissent DEVENIR aussi sadiques : comment ont-ils été élevés, comment leur a-t-on enlevé la capacité à se révolter contre l'injustice, celle de reconnaître ce qu'il y avait de barbarie dans les agissements de leurs parents et de s'y opposer ? Au contraire, on leur a appris à approuver le sadisme de leurs parents sous toutes ses formes. Et cela a pu se produire sans encombre, parce que chaque enfant a envie d'aimer ses parents, et ne veut pas voir la vérité. La vérité est trop atroce pour qu'un enfant puisse la supporter, alors il détourne le regard. Mais le corps n'a rien oublié, et l'adulte reproduit le sadisme de ses parents inconsciemment, comme automatiquement, sur ses propres enfants, avec ses subordonnés, avec tous ceux qui sont dépendants de lui. Il ne sait pas qu'il fait avec les autres la même chose que ce que ses parents ont fait autrefois avec lui quand il était totalement dépendant d'eux. Certains en ont l'intuition et recherchent une aide thérapeutique. Mais que trouvent-ils alors ?
En thérapie : neutralité ou engagement ?
Dans ma formation de psychanalyste, une grande importance a été accordée à la capacité de l'analyste à tenir une position de neutralité. C'était là une des règles de base, de celles qui étaient considérées comme allant de soi depuis Freud et auxquelles on était tenu de se conformer strictement. A cette époque là, je ne pensais pas encore que cette règle ressortissait de la nécessité de protéger de tout reproche les parents du patient. Mes collègues ne semblaient pas avoir de difficultés avec le maintien de la neutralité, ils ne semblaient pas trouver intéressant de se plonger dans ce qu'avait pu endurer un enfant battu, humilié et exploité à des fins incestueuses. Peut-être certains d'entre eux avaient-ils aussi été les victimes de tels supplices. Mais comme ils ont eux-mêmes été analysés avec la neutralité exigée par Freud, ils n'ont pas eu l'occasion de découvrir leurs propres souffrances refoulées. Pour être en situation de le faire, il leur aurait fallu non pas un thérapeute neutre, mais un accompagnateur qui se place sans réserves du côté de l'ancien enfant maltraité AVANT que le client (ou la cliente) n'en soit lui-même capable. En effet, au début de leur thérapie, la plupart des clients ne savent pas ce que c'est que l'indignation. Ils racontent bien des faits devant lesquels on ne peut que s'indigner, mais cela ne fait naître en eux aucune révolte; pas seulement parce qu'ils sont coupés de leurs sentiments, mais parce qu'ils ignorent qu'il peut aussi exister d'autres types de parents.
J'ai régulièrement eu l'occasion de vérifier que l'expression directe de mon indignation à propos de ce que mon patient ou ma patiente avait dû endurer pendant son enfance était un ressort important de la thérapie. Cela se vérifie tout particulièrement dans les groupes. Par exemple, quelqu'un raconte sur un ton tranquille ou même en souriant qu'on l'enfermait, enfant, des heures entières dans une cave sombre quand il ou elle contredisait ses parents. Dans le groupe, un murmure de consternation se fait entendre. Mais la personne qui parle n'en est pas encore là, elle n'est pas à même de faire des comparaisons. Pour elle, elle a été traitée normalement.
J'ai aussi rencontré des gens qui avaient travaillé pendant un nombre considérable d'années en thérapie primale et qui n'avaient pas de difficultés à pleurer sur les souffrances qu'ils avaient connues dans leur enfance, mais qui étaient malgré tout très loin d'être capables de s'indigner de l'inceste qu'ils avaient vécu, ou de la perversité des rituels de lutte établis par leurs parents. Ils considéraient les viols dont ils avaient été victimes comme des événements qui ont leur place dans n'importe quelle enfance normale, et pensaient que le simple fait de mettre à jour leurs sentiments anciens suffirait à les guérir. Il n'en est pas toujours ainsi, et en tout cas cela ne se produit pas quand perdurent à la fois un fort attachement aux parents inconscients et les attentes placées en eux. Mon opinion, c'est qu'il n'est pas possible de se dégager de l'un ni de l'autre tant que le thérapeute reste neutre. Cela m'est apparu lors de discussions avec des collègues qui travaillaient avec leurs clients selon la norme établie pour les faire accéder à leurs émotions, mais qui eux-mêmes n'étaient pas encore dégagés de l'idéalisation de leurs propres parents. Ils n'ont pu commencer à aider leurs patients qu'après avoir été encouragés à donner libre cours à leurs propres sentiments et à exprimer l'indignation qu'avait fait naître en eux, comme thérapeutes, les perversions des parents de leurs clients.
Cela a souvent eu un effet d'une grande puissance, c'était comme si on avait retiré le barrage qui retenait une rivière. Parfois, l'indignation de la thérapeute déclencha très vite chez le client lui-même une avalanche d'indignation. Ce ne fut pas toujours le cas. Il y a des patients à qui il a fallu pour cela des semaines, des mois, voire des années. Mais la sincérité du témoin permit de mettre en branle un processus de libération qui avait été contenu jusqu'alors par la morale sociale. Ce retournement fut permis par l'attitude engagée, plus libre, de la thérapeute, qui a été capable de montrer à l'ancien enfant qu'il AVAIT LE DROIT d'être horrifié par le comportement de ses parents, et que TOUT ETRE HUMAIN CAPABLE DE SENTIMENTS EN SERAIT HORRIFIE, A L'EXCEPTION DE L'ANCIEN ENFANT MALTRAITE LUI-MEME.
Il n'est pas impossible que ce que je développe ici soit lu comme si j'avais écrit des recettes pour thérapeutes et que je leur conseillais de recourir à l'indignation pour faire franchir à leurs clients un seuil décisif. Ce serait là un gros malentendu. Je ne peux conseiller à personne d'avoir des sentiments qu'il n'a pas, et personne ne peut suivre de tels conseils. Par contre je peux encourager à exprimer leurs sentiments vrais. Je suppose qu'il y a des thérapeutes qui sont sincèrement indignés quand ils entendent parler du comportement scandaleux des parents de leurs clients. Il est parfaitement possible que certains d'entre eux pensent que leur indignation ne doit pas transparaître, parce qu'ils ont appris pendant leur formation que cela ne doit en aucun cas se produire. Dans le cadre de l'école freudienne, on leur a même appris à considérer leurs sentiments comme du contre-transfert, c'est-à-dire comme rien d'autre que des réactions aux sentiments du patient. Ils sont donc habitués à ne pas identifier et à ne pas exprimer leurs propres sentiments, leur réaction simple et compréhensible face à la barbarie.
Dans une telle thérapie, le patient reste pris dans sa peur d'enfant et n'ose ni amener ses émotions libératrices à s'exprimer, ni vivre sa colère comme une réaction normale à la cruauté et à la perversion. Je voudrais donc ici encourager les thérapeutes à être à l'écoute de leurs sentiments propres, à ne pas les interpréter à tort comme du contre-transfert, mais à les prendre au sérieux, à les assumer et à les mettre en mots. Il leur sera plus facile de laisser libre cours à leur indignation, parce qu'ils n'ont pas été les enfants de ces parents-là, et que, contrairement à leurs clients, il leur est relativement possible de ne pas prendre une quelconque forme de perversion pour un comportement normal. Chaque thérapeute peut vérifier pour lui-même si mes affirmations sont vraies. En aucun cas je ne lui donnerais le conseil de mettre en application quelque chose qui ne correspondrait pas à ses sentiments ou dont il ne serait pas convaincu par sa propre expérience.
La tendance générale à l'évitement du sentiment d'indignation est compréhensible, car ce sentiment peut facilement réactiver la sensation d'impuissance de l'enfant, et le souvenir du temps où un certain nombre d'entre nous était livré sans aucune échappatoire au sadisme des adultes et ne pouvait même pas concevoir l'idée de se défendre. C'est une lettre que j'ai reçue récemment qui m'a fait prendre conscience du fait que moi non plus, malgré tous mes efforts, je n'étais pas affranchie de cette tendance à la fuite. Cette lectrice m'écrivait que sa fille, qui travaille dans un centre d'aide téléphonique d'urgence aux enfants victimes de violences à caractère rituel, avait eu connaissance de cas où des enfants avaient été forcés à tuer des bébés. Cela me rappela que j'avais écrit dans " la connaissance interdite", que l'enfant martyrisé croit qu'il a tué le bébé en lui quand il s'est trouvé contraint de mentir et de se taire. Mais manifestement il n'est pas exclu que dans le cadre de rituels pervers l'on oblige des enfants à tuer des bébés pour de vrai, comme il peut arriver aussi qu'on les force à martyriser des animaux.
Il est compréhensible que nous n'ayons aucune envie d'entendre parler de cela et que nous ayons tendance à regarder les gens qui agissent ainsi comme des monstres. Cependant, comme nous sommes aujourd'hui de plus en plus confrontés à des actes de violence terroriste, nous ne pouvons pas nous permettre d'en rester à diaboliser les individus pervers et à refuser de comprendre comment on en a fait des sadiques. Car rien ne vient perturber la production continue de perversion. Si nous n'apprenons pas à y voir clair dans la façon dont ces mécanismes fonctionnent et à détourner les parents de la mise en ½uvre de pratiques éducatives perverses, alors cette stupéfiante ignorance causera la perte de l'humanité future.
et un autre
par Alice Miller
Les Sentiments de Culpabilité
samedi 01 octobre 2005
(Traduit de l'allemand par Pierre Vandevoorde)
Il arrive qu'on me demande d'où je tire ma certitude et sur quoi je m'appuie pour contredire comme je le fais les opinions établies, étant donné que je ne suis membre d'aucune école, d'aucune secte ni de quelque confession religieuse que ce soit, et qu'ordinairement c'est l'appartenance à de telles communautés qui procure à bon nombre de gens une apparence d'assurance. C'est vrai, je ne crois qu'aux faits que je peux vérifier moi-même. J'ai pu comprendre la signification de ces faits grâce à tout ce que j'ai vécu dans ma vie et aux milliers de lettres que j'ai reçues des lecteurs de mes livres depuis 1979.
Pour la plupart d'entre elles, ces lettres sont marquées par un déni de la réalité vécue par les personnes concernées presque total et tout à fait frappant, mais que l'exposé des faits révèle nettement à un observateur extérieur. Les lettres sont presque toujours écrites DU POINT DU VUE DES PARENTS, qui sont dans l'incapacité de supporter l'enfant que l'on était, et encore moins de l'aimer. En revanche, le point de vue de l'enfant ne s'exprime pas dans une seule phrase, si l'on met à part la souffrance de l'adulte d'aujourd'hui, ses symptômes physiques, ses dépressions, ses idées suicidaires et les sentiments de culpabilité qui le tenaillent.
A chaque fois, on me dit que l'on n'était pas un enfant maltraité, que l'on n'était pas non plus un enfant battu, mises à part quelques claques, qui bien sûr comme chacun sait ne comptent pas, ou de coups de pied au derrière occasionnels, qui en fait étaient vraiment mérités, parce qu'on était parfois insupportable et qu'on tapait sur les nerfs de ses parents. Souvent on m'assure qu'au fond on était un enfant aimé, mais qu'on avait de pauvres parents dépassés, malheureux, dépressifs, mal informés ou même alcooliques, qui eux-mêmes avaient grandi sans amour. Rien d'étonnant alors si ces parents perdaient patience et tapaient si facilement. On ne peut qu'avoir de la compréhension pour un tel comportement. On aurait tant voulu leur venir en aide, parce qu'on les aimait et qu'ils nous faisaient de la peine. Mais même au prix des plus grands efforts, personne n'a jamais réussi à les sauver en les tirant de leur dépression et à les rendre heureux.
Tout cela laissait subsister les affres d'un sentiment de culpabilité que rien ne peut faire refluer. On se trouve en permanence confronté à cette question: qu'est-ce que je fais de travers? Pourquoi je n'arrive pas à tirer mes parents de leur détresse et à les sauver? Je me donne tant de mal. Avec les thérapeutes, c'est pareil. Ils disent que je dois quand même profiter des bonnes choses de la vie, mais je n'y arrive pas, et de cela aussi je me sens coupable. Ils disent que je dois malgré tout devenir enfin adulte, ne pas me considérer comme une victime, que mon enfance est terminée depuis longtemps, que je dois quand même finir par tourner la page et arrêter de ruminer. Ils disent que je ne dois pas chercher de coupable ou de responsable ailleurs, sinon la haine me tuera, que je dois enfin pardonner et vivre dans le présent, sinon je suis un patient "borderline", ou je ne sais quoi encore. Mais comment puis-je y arriver ? Naturellement, je ne veux pas incriminer mes parents, parce que je les aime et que je leur dois d'être au monde. Ils ont eu assez de soucis avec moi. Comment me débarrasser de mes sentiments de culpabilité? Ils deviennent encore plus forts à chaque fois que je frappe mes enfants, c'est affreux de voir que je suis incapable d'arrêter de le faire, et je replonge à chaque fois dans le désespoir. Je me déteste de ce recours irrépressible à la violence, je me hais quand je suis pris d'une crise de fureur aveugle. Que puis-je faire contre cela? Pourquoi dois-je constamment me détester et me sentir coupable? Pourquoi tous les thérapeutes que j'ai vus ne m'ont-ils été d'aucune aide? Depuis des années j'essaie de suivre leurs conseils, mais malgré tout je n'arrive pas à me libérer de mes sentiments de culpabilité et à m'aimer comme je devrais le faire.
Je cite maintenant ma réponse à une lettre qui contient tous les éléments évoqués précédemment:
"Vous écriviez dans votre première lettre que vous n'avez pas été un enfant maltraité, et maintenant vous écrivez que lorsque vous étiez enfant, vous avez fait subir de graves sévices à votre chien parce que vous étiez un enfant méchant. Qui vous a appris à vous voir de cette façon ?En effet, il n'y a pas au monde un seul enfant qui tourmente son chien sans qu'il n'ait été lui-même sévèrement maltraité, par contre il y a un grand nombre de gens qui ont d'eux-mêmes la même opinion que vous et que leurs sentiments de culpabilité rendent malades de désespoir, tout cela afin de ne pas voir de quoi leurs parents se sont rendus coupables, parce qu'ils craignent d'être punis pour avoir vu cela. Si mes livres ne vous ont pas aidé à comprendre cela, je ne peux strictement rien faire de plus pour vous. Vous même, vous ne pourrez vous venir en aide qu'à la condition d'arrêter de protéger vos parents des sentiments que vous éprouvez à juste raison envers eux. Alors vous ne serez plus forcée de les imiter tout en vous détestant, en vous injuriant et en vous représentant comme un monstre. "
Comment un individu peut-il s'aimer lui-même quand très tôt il lui a fallu apprendre qu'il n'est pas digne d'être aimé ? Quand il reçoit des coups pour devenir autrement qu'il n'est ? Quand il n'a été pour ses parents qu'une charge, et en rien une joie, et qu'au final rien au monde ne pourra jamais venir à bout de la répugnance et la colère de ses parents ? Il croit qu'il est la véritable cause de cette haine, ce qui n'est en rien vrai. Il se sent coupable, veut s'améliorer, mais rien de tout cela ne peut marcher, parce que les parents déchargent sur leurs enfants la rage qu'ils avaient dû retenir et réprimer face à leurs propres parents. L'enfant n'était que le déclencheur de cette rage.
Quand on a véritablement compris cela, on arrête d'attendre l'amour de ses parents. On sait alors pourquoi il était et reste impossible. Alors seulement on peut s'autoriser à voir comment on a été traité enfant, et à sentir à quel point on en a souffert. Au lieu de prendre les parents en pitié comme avant, de les comprendre et de se culpabiliser, on commence à porter assistance à l'enfant que l'on fut. C'est à ce moment que naît l'amour de cet enfant, qui ne saurait advenir sans ces conditions préalables, sans que tout le tragique de ce qui s'est joué alors n'ait été appréhendé. C'est la fin du temps où l'on prenait sa souffrance à la légère, et le début du traitement respectueux de cette souffrance et de l'enfant. Alors s'ouvrent les portes qui permettent d'accéder à soi-même, et qui restaient fermées jusqu'alors. Mais elles ne s'ouvrent en aucune façon en disant à quelqu'un: " Tu devrais t'aimer toi-même". Il se sent dépassé par de tels conseils aussi longtemps qu'il n'a pas le droit de savoir comment c'était vraiment dans son enfance et pourquoi la réalité est si douloureuse.
Je suis d'avis qu'une thérapie réussie devrait permettre ce reversement des points de vue et des schémas mentaux qui leur sont rattachés. Si on arrive à ressentir réellement comment on a souffert enfant du comportement de ses parents, l'empathie avec eux disparaît en général sans conflits intérieurs, et se reporte sur l'enfant. Mais pour que ce renversement puisse réussir, nous avons besoin d'un témoin qui soit pleinement aux côtés de l'enfant et qui n'ait pas peur de condamner les agissements des parents. L'article "Comment trouver le/la thérapeute qui me conviendra?" (Rubrique "Articles" du site) peut aider à évaluer les capacités du thérapeute que l'on envisage de choisir à tenir ce rôle. Je considère que les thérapeutes qui se placent du côté des parents sont potentiellement dangereux; en revanche, d'authentiques témoins éclairés peuvent aider à faire face à sa propre histoire sans la camoufler, de façon à pouvoir quitter enfin le passé bien connu alors, sans éprouver de culpabilité.
D'où vient le mal dans le monde et comment se génère-t-il?
samedi 01 juin 2002
Il n'est plus possible de mettre en doute, aujourd'hui, que le Mal existe et que certains individus sont capables d'une extrême destructivité. Chacun peut s'en faire une idée grâce à la télévision. Mais ce constat n'entérine nullement l'idée fort répandue que certains êtres humains naissent "mauvais". Tout dépend, bien au contraire, de la façon dont ces personnes ont été accueillies à leur naissance et traitées par la suite. Les enfants qui font dès le début de leur vie l'expérience de l'amour, du respect, de la compréhension, de la gentillesse et d'un soutien affectueux, développent évidemment d'autres traits de caractère qu'un enfant qui se heurte dès le départ à l'abandon, la négligence, la violence ou la maltraitance, sans avoir près de lui une personne bienveillante qui lui permette de croire à l'amour. Quand manque cet élément - ce qui est le cas dans l'enfance de tous les dictateurs que j'ai étudiés - l'enfant aura tendance à glorifier la violence qu'il a subie et à l'exercer lui-même plus tard, sans limite, chaque fois qu'il le pourra. Car chaque enfant se forme par l'imitation. Son corps n'apprend pas ce que nous voulons lui inculquer par des mots, mais ce qu'il vit par lui-même. De ce fait, un enfant battu et maltraité apprend à battre et à maltraiter, alors qu'un enfant protégé et respecté apprend à respecter et à protéger les plus faibles que lui. Parce qu'ils ne connaissent l'un et l'autre que cette expérience.
Le nouveau-né est innocent
Le Dr Brazelton, pédiatre américain bien connu, a filmé un groupe de mères en train de tenir et de nourrir leur bébé, chacune d'une façon qui lui était propre. Plus de 20 ans après, il a reproduit cette expérience avec les femmes issues de ces bébés, qui étaient devenues mères à leur tour. Il était stupéfiant de constater qu'elles se comportaient avec leur enfant d'une manière absolument identique à celle que leur mère avait eue avec elles, bien qu'elles n'aient évidemment gardé aucun souvenir conscient de cette toute première époque de leur vie. Ce que Brazelton a prouvé par là, entre autres choses, c'est que nous sommes guidés dans notre comportement par des souvenirs inconscients qui peuvent être soit positifs et agréables, soit traumatiques et destructeurs.
L'obstétricien français Frédéric Leboyer a montré dans les années 70 que les enfants mis au monde sans violence et accueillis avec amour ne poussent pas des cris désespérés, mais qu'ils peuvent même sourire quelques minutes après la naissance, sans montrer le moindre signe d'une quelconque destructivité. Lorsqu'on ne sépare pas un bébé de sa mère, comme c'était encore courant dans les cliniques des années 50, il se crée entre la mère et l'enfant une relation de confiance qui aura des effets positifs sur sa vie entière. Car, en présence de son nouveau-né, la mère sécrète une hormone appelée "hormone de l'amour", l'ocytocine, qui lui permet de comprendre intuitivement les signaux de l'enfant et de répondre par empathie à ses besoins. Michel Odent décrit ce phénomène dans son dernier livre, L'amour scientifié (Ed. Jouvence, 2001).
Pourquoi ces notions capitales, qui ouvrent de nouvelles voies dans la connaissance de la nature humaine, ne sont-elles pas répandues dans le grand public? Les travaux de Leboyer ont certes modifié l'image de l'accouchement ; mais la société ne semble pas encore avoir pris conscience des conséquences philosophiques, sociologiques, psychologiques et même, dernièrement, théologiques, qu'implique sa découverte de l'innocence du nouveau-né. Cela peut se constater dans de nombreux domaines, à l'école, dans le système pénitentiaire, en politique. Tous ces domaines sont gouvernés par l'idée que les punitions, en particulier les punitions corporelles, que l'on désigne par le terme de "corrections", sont efficaces et inoffensives. Ce qui se sait encore trop peu, c'est que l'on génère par les châtiments corporels le Mal que l'on essaie par la suite - plus ou moins vainement - de réprimer par des coups redoublés.
Le Mal se reproduit à chaque génération
Il était courant, au Moyen Age, de croire à l'enfant "de substitution" - le changelon, fils du Diable que ce dernier plaçait dans le berceau de mères bien intentionnées après leur avoir volé leur bébé. L'histoire ne dit pas avec qui le Malin avait pu avoir ces rejetons méchants et diaboliques, ni ce qu'il faisait des gentils enfants volés ; mais le fait est que les mères en question étaient tenues d'élever ces enfants "à la dure", c'est-à-dire d'une façon particulièrement cruelle, pour en faire des êtres humains convenables.
Aujourd'hui nous ne croyons plus à ces échanges d'enfants. Mais la croyance en l'efficacité des châtiments, l'idée que l'on peut rendre un enfant difficile "raisonnable" en le punissant, semblent encore irréfutables à la plupart des gens. Sigmund Freud lui-même pensait que si un sadique éprouve du plaisir à tourmenter autrui, c'est parce qu'il n'a pas réussi à sublimer suffisamment sa "pulsion de mort" - une pulsion que nous posséderions tous en naissant.
La génétique, elle, propose une version entièrement nouvelle du Mal inné. Il existerait, dit-on, des gènes qui pousseraient certains individus à faire du mal - même s'ils ont reçu "beaucoup d'amour" durant leur enfance. Pour ma part, jusqu'à aujourd'hui, je n'ai encore jamais rencontré une telle personne. L'enfance de tous les criminels en série et de tous les dictateurs dont j'ai étudié l'histoire fait apparaître sans exception des éléments d'une extrême cruauté ; en règle générale, cependant, les intéressés eux-mêmes dénient ces faits. Et pas seulement eux. Une bonne partie de la société semble vouloir nier ou ignorer de telles corrélations.
L'apprentissage de la violence
Si l'on prend la théorie génique au sérieux, on devrait être en mesure, alors, d'expliquer la chose suivante : pourquoi, 30 ans environ avant le Troisième Reich, de si nombreux enfants (des millions) seraient-ils nés avec de "mauvais gènes" précisément en Allemagne ? Des enfants qui plus tard, sans autre raison, auraient été prêts à exécuter les ordres barbares d'Hitler ? Pourquoi cela se serait-il produit à l'époque, alors que l'apparition massive de tels gènes n'est plus constatée aujourd'hui dans ce pays ? Je ne cesse de poser cette question, mais je ne reçois jamais de réponse, car on ne peut y répondre. Ce qui est établi, en revanche, c'est que les subordonnés d'Hitler ont tous été des enfants dressés de bonne heure à l'obéissance. Eduqués par des moyens brutaux, humiliés, ils se sont ensuite défoulés sur des innocents de leurs sentiments réprimés de colère et de rage impuissante - parce qu'ils pouvaient enfin, avec la bénédiction d'Hitler, le faire sans risquer d'être punis. Aujourd'hui, l'éducation donnée en Allemagne est généralement différente. Mais là où la brutalité de l'éducation subsiste toujours, l'emploi de telles méthodes se manifeste par trop clairement dans le comportement des jeunes : ils dénient à leur tour les souffrances liées aux humiliations qu'ils ont subies, s'en prennent à des boucs émissaires et font de leur attitude une idéologie.
La théorie génique, en fait, nous aide aussi peu à comprendre le Mal que le conte du changelon et la théorie de la pulsion de mort. D'après des enquêtes statistiques (Olivier Maurel, La Fessée, Editions La Plage, 2001), la population mondiale reste encore convaincue à plus de 90% que les enfants ont besoin d'être frappés. Nous devons enfin admettre la vérité que le Mal existe, certes, mais qu'il n'est pas inné et qu'il est au contraire produit par la société, chaque jour, chaque heure, sans interruption, dans le monde entier. Cela arrive aussi bien dans la pratique de l'accouchement que dans l'éducation des jeunes enfants, qui plus tard pourront ETRE AMENES à commettre des méfaits s'ils n'ont pas auprès d'eux un témoin secourable. Dans l'enfance des criminels en série et des dictateurs, on ne trouve aucun témoin secourable.
La dynamique de l'horreur à travers l'exemple des dictateurs
Tout dictateur fait subir à son peuple des sévices identiques à ceux qu'il a subis autrefois, quand il était enfant. Les humiliations qu'il a vécues plus tard, en tant qu'adulte, ont sur ses actions une influence beaucoup moins grande que les expériences émotionnelles des premières années ; celles-ci restent à tout jamais codées dans son cerveau, mais la plupart du temps elles ne sont pas accessibles. Comme chaque dictateur ou presque dénie sa souffrance (son immense impuissance d'autrefois face à la brutalité), il ne peut la décoder et a toujours besoin de nouveaux boucs émissaires, afin de venger cette ancienne terreur qui remonte à son enfance et ne plus avoir à la ressentir. Des exemples le montrent clairement :
Le père d'Adolf Hitler, Alois, était un enfant naturel. On fit peser sur lui le soupçon qu'il était le fils d'un commerçant juif de Graz, au service duquel sa mère Maria Schickelgruber se trouvait lorsqu'elle est tombée enceinte. Un soupçon pas facile à écarter, car la grand-mère d'Adolf Hitler a perçu pour son fils, pendant 14 ans, une pension de ce commerçant. Sans doute Alois a-t-il beaucoup souffert de ce soupçon, comme le prouvent d'innombrables modifications de son patronyme (Heidler, Hydler, etc.) A ses yeux, être né illégitimement et taxé de surcroît d'une origine juive constituait une honte intolérable, une humiliation impossible à effacer. Le moyen le plus simple pour lui de se défaire de cette rage refoulée, il le trouva dans les châtiments quotidiens de son fils Adolf. J'ai raconté cette histoire en détails dans mon livre C'est pour ton bien et l'ai reprise dans mes deux derniers ouvrages, Chemins de vie et Libres de savoir, pour illustrer la façon dont la haine se constitue et mettre en évidence le rôle de l'enfance dans ce processus. Dans toute l'histoire de l'antisémitisme et de la persécution des Juifs, aucun dirigeant encore n'avait eu l'idée que tout citoyen de son pays devrait prouver sur trois générations qu'il n'était pas juif, sous peine d'être mis à mort. Ce fut la folie toute personnelle d'Hitler, celle qui remontait à l'insécurité de son existence quand il était un enfant constamment menacé et humilié dans sa propre famille. Des millions de personnes ont payé de leur vie pour que cet enfant, devenu plus tard un adulte sans descendance, puisse se venger en projetant inconsciemment le scénario de son enfance sur la scène politique.
Reconnaître que notre mémoire corporelle et émotionnelle agit en nous, indépendamment de notre conscience, ne nous est pas facile. Que cela nous contrarie se comprend, d'abord parce que ces découvertes sont nouvelles et encore peu familières, mais surtout parce que le contrôle de cette mémoire nous échappe. Pourtant, c'est justement la prise de conscience de ce phénomène qui peut nous permettre de mieux la contrôler et de mieux nous protéger contre ses effets. Une mère dont la main "dérape" contre sa volonté ignore, en général, qu'elle frappe son enfant uniquement parce qu'elle y est poussée par son propre corps et par les souvenirs inscrits dans ce dernier (les mères qui n'ont pas été frappées quand elles étaient enfants ont rarement la main qui dérape). Mais lorsqu'elle le sait, elle est mieux à même de l'éviter, de se dominer et d'épargner de la souffrance à son enfant aussi bien qu'à elle-même.
Comme Hitler, Staline ignorait que sa mémoire corporelle le poussait à projeter sur la scène de la vaste Union soviétique son histoire personnelle d'enfant cruellement menacé, dépourvu de témoin secourable. S'il l'avait su, il aurait pu mieux contrôle ses angoisses, ce qui eût évité des millions de morts. Et si ce savoir avait été du domaine public, à l'époque, les gouvernements auraient peut-être mis en place, au cours des cinquante années qui ont suivi, des stratégies adaptées susceptibles d'empêcher la dangereuse accumulation de pouvoir entre les mains d'un seul individu, et ce dans le but de combattre ses propres peurs. Rien, durant cette longue période, n'a eu lieu dans ce sens.
Staline, enfant unique, né comme Hitler après trois enfants morts, fut battu dès son plus jeune âge par un père irascible et presque toujours ivre. Jusqu'à la fin de sa vie, et malgré d'importants succès, il souffrit d'une manie de la persécution qui le poussa à supprimer des millions d'innocents. De même que l'enfant Staline, autrefois, devait craindre à tout moment d'être tué par un père imprévisible, l'adulte Staline, plus tard, redoutait jusqu'à ses plus proches collaborateurs. Mais il disposait alors du pouvoir, ce qui lui permettait d'écarter cette terreur par l'humiliation d'autres personnes.
Mao était le fils d'un professeur "à poigne", qui a voulu lui inculquer l'obéissance et le savoir au moyen d'une discipline de fer. Nous savons quelles connaissances Mao a voulu inculquer plus tard à son immense peuple, sans doute avec de meilleures intentions, mais par la violence et au prix de 35 millions de morts. Ceausescu, lui, avait grandi dans une seule pièce avec dix frères et s½urs ; plus tard, il obligea les femmes roumaines à avoir des enfants qu'elles ne désiraient pas.
La liste d'exemples est infinie. Malheureusement, nous nous refusons à prendre de tels faits en considération. Nous pourrions pourtant en apprendre comment la haine se constitue et nous serions moins à sa merci, dans l'avenir, si nous prenions au sérieux la façon dont elle se forme.
La constitution de la haine
Pourquoi recherchons-nous si activement le Mal inné dans les gènes? Pour la simple raison que la plupart d'entre nous avons été des enfants corrigés qui redoutent la résurgence de ce qu'ils ont refoulé, à savoir la souffrance liée aux humiliations subies autrefois. Comme nous recevions simultanément le message "C'est pour ton bien", nous avons appris à réprimer ces souffrances ; mais le souvenir des dites humiliations est resté emmagasiné dans notre cerveau et dans notre corps. Parce que nous aimions nos parents, nous croyions ce qu'ils affirmaient _ que les corrections étaient bonnes pour nous. La plupart des gens le croient encore et soutiennent que l'on ne peut élever les enfants sans les frapper, c'est à dire sans les humilier. Ils restent de ce fait dans le cercle vicieux de la violence et du déni des anciennes humiliations, autrement dit dans la nécessité de la vengeance, des représailles, de la punition. Les émotions liées à la colère, réprimées dans l'enfance, se transforment chez les adultes en une haine meurtrière, laquelle est récupérée idéologiquement par des groupes religieux et ethniques. L'humiliation est une toxine difficile à éliminer, parce qu'elle est utilisée à son tour pour éliminer et produit de nouvelles humiliations, qui ne font qu'entraîner une spirale de la violence et une occultation des problèmes.
Pour sortir de cet engrenage, nous devons nous confronter à notre propre vérité. Nous AVONS ETE autrefois des enfants humiliés, victimes de l'ignorance de nos parents, eux-mêmes victimes de leur propre histoire et de leur enfance non digérée. Mais aujourd'hui, adultes, nous ne sommes plus obligés de le rester. Nous avons la possibilité de regarder notre histoire en face, de reconnaître que frapper des enfants est inutile et même dangereux - parce que l'emploi de tels procédés engendre la haine et des désirs de revanche qui se retourneront contre nous et contre la société tout entière, inévitablement, si nous persistons dans l'ignorance et le refus de savoir. Enfants, nous n'avions pas d'autre choix que de dénier la vérité, sans quoi nous n'aurions pu supporter cette souffrance et y survivre. C'est le déni de sa souffrance qui permet à un enfant battu de survivre dans une situation intolérable pour lui, et peut-être minimisera-t-il cette douleur toute sa vie. En fait, le prix qu'il aura à payer pour cela sera très haut, parce que son corps connaît la vérité et que la mémoire émotionnelle ne trouve parfois à s'extérioriser que dans des symptômes de maladie. Mais elle s'extériorise surtout dans l'opinion inébranlable que les enfants ont besoin de coups.
Contrairement à l'enfant, nous, adultes, disposons d'options plus saines que le déni. Nous pouvons choisir de savoir et de nous connaître nous-mêmes, au lieu de nous laisser conduire uniquement par le savoir émotionnel et inconscient de notre corps, lequel nous maintient dans la peur de la vérité. Peut-être qu'en beaucoup d'entre nous vit un petit Staline, qui en dépit de son immense pouvoir avait toujours peur de son père et se cramponnait au déni. Comme Hitler, il croyait que la destruction de millions de personnes finirait par le délivrer de cette terreur qui le tourmentait. Il n'en a rien été. Une telle illusion conduit au crime de nombreux enfants autrefois humiliés.
Munis des connaissances actuelles, nous pouvons arriver progressivement à d'autres représentations et d'autres solutions que celles qui nous ont été transmises par une tradition millénaire de violence, de répression et de représailles (avec la faiblesse, l'ignorance et la peur qui se cachent derrière). Si nous restons englués dans ces schémas, nous n'apprenons rien des faits qui s'offrent à nous en permanence. Et ceux-ci ne sont pas uniquement à chercher dans des crimes de masse, mais aussi dans les exemples positifs de l'Histoire qui sont restés ignorés, également, pendant des milliers d'années.
Comment Jésus a-t-il été élevé ?
Jésus, figure adorée par toutes les églises chrétiennes, a été élevé par des parents qui le considéraient comme l'enfant de Dieu. On peut supposer qu'ils ne l'ont jamais battu, qu'ils lui ont témoigné le plus grand respect et le plus grand amour. Nous connaissons les résultats de cette éducation, fondée sur l'amour, la tolérance et le respect : quelqu'un qui a transmis à son tour ce qu'il avait reçu, la compassion, la tolérance, l'amour, le respect. Comment se fait-il qu'en 2 000 ans aucun représentant de l'Eglise ne se soit orienté dans ce sens? Que l'Eglise ne se soit jamais élevée contre le châtiment corporel des jeunes enfants? Que la charité, la tolérance et le pardon soient prêchés aux adultes et pratiqués à leur encontre, mais expressément refusés aux enfants ? Que les parents de Jésus n'aient jamais été offerts en exemple aux croyants ? Que des écoles chrétiennes d'Afrique protestent, au contraire, quand le gouvernement de la République des Comores veut interdire que les enfants soient frappés dans les écoles ? Il est dit dans cette pétition que le châtiment corporel des écoliers fait partie des obligations religieuses. On ne peut donner à tout cela d'autre explication que celle-ci : les adultes qui perpétuent par leurs actions une tradition de pouvoir, de représailles et de vengeance, restent prisonniers des humiliations refoulées qu'ils transmettent inconsciemment à la génération suivante.
Conséquences
Aujourd'hui, nous pouvons voir sur un écran d'ordinateur les lésions qui subsistent dans le cerveau des enfants maltraités ou négligés. De nombreux articles de chercheurs spécialisés dans l'étude du cerveau (dont Bruce D. Perry, pédopsychiatre par ailleurs) traitent de ce sujet non seulement dans des publications scientifiques, mais aussi sur Internet. Il est grand temps de s'éveiller d'un long sommeil. Nous, adultes, n'avons plus à redouter de nulle part ce danger d'anéantissement qui a constitué de fait une menace réelle pour nombre d'entre nous durant l'enfance. Nous n'avons plus besoin de nous cuirasser contre quelque chose qui est derrière nous. Mais d'autres dangers nous menacent de l'intérieur de nous-mêmes, si nous ignorons le savoir que détient notre corps. Il peut être dangereux de ne pas saisir les vrais mobiles de nos actions, d'être incapable de les comprendre. En revanche, la connaissance de notre histoire peut nous libérer d'avoir à fuir encore, inutilement, des dangers révolus, à réemployer sans cesse des stratégies inadaptées et à rester émotionnellement "aveugles". Nous avons aujourd'hui la possibilité de tirer les leçons des expériences qui sont à notre disposition et de rechercher aux conflits des solutions neuves, créatives, qui reposent sur le respect. Nous le pouvons à partir du moment où nous prenons conscience que l'humiliation d'autrui n'apporte jamais de solution réelle ni durable, mais qu'elle génère au contraire - dans l'éducation comme en politique - de nouveaux foyers de violence. Les enfants qui apprennent chez eux, de leurs parents, des méthodes fondées sur l'humiliation et la menace, appliqueront à l'école ce qui leur a été inculqué à la maison. Et cette acquisition se fait avant l'âge de dix-huit mois, comme l'a montré une enquête, c'est-à-dire durant la période de formation du cerveau. D'où l'effet à long terme de ces "apprentissages", de cette école de violence.
Vouloir lutter contre cette vérité toute simple avec des caméras vidéo revient à se boucher les yeux. Nous devons envisager d'autres modes de fonctionnement : écouter, regarder, oser une relation honnête, empreinte de respect, au lieu de nous en remettre uniquement à la protection d'un pouvoir punitif et destructeur. Et même si nous n'avons pas appris, enfants, à avoir confiance en une communication fondée sur le respect, il n'est jamais trop tard pour le faire. Un tel apprentissage me semble constituer une alternative sensée, porteuse d'espoir, à l'illusion que seul l'usage de la force peut nous venir en aide.
Encore un autre
Réflections sur le nouveau livre d'Alice Miller "Notre corps ne ment jamais"
mercredi 01 septembre 2004
Les découvertes d'Alice Miller sont probablement parmi les plus importantes du dernier siècle et de celui qui commence. On le reconnaîtra plus tard. Espérons que ce ne sera pas trop tard.
Ce qu'elle a mis en lumière, c'est que la méthode d'éducation la plus répandue dans le monde est la cause principale d'une grande partie des violences que commettent ensuite les adultes, dans la vie familiale ou dans la vie collective. Il s'agit du recours aux châtiments corporels utilisés depuis des millénaires sur tous les continents, par environ 90% des parents et des maîtres, le plus souvent avec une violence dont nous n'avons pas idée dans les pays où une évolution s'est produite.
Si nous avons du mal à croire que la violence éducative puisse être à l'origine d'une bonne partie de nos maux, c'est à cause d'un mécanisme très simple mis à jour également par Alice Miller : l'enfant qui subit la violence éducative de ses parents et de ses maîtres est persuadé que ses éducateurs ont raison et qu'il est coupable. Cette conviction s'inscrit dans son système nerveux pendant toutes les années où il est en pleine formation et où ses neurones s'interconnectent. Son cerveau est sculpté par cette éducation. Et il lui est ensuite presque impossible, s'il ne rencontre personne qui l'aide à comprendre qu'il a été maltraité, de revenir sur cette conviction qui justifie à ses yeux la violence éducative et l'amène à la reproduire.
Telle est la raison pour laquelle cette méthode universelle d'éducation est si bien ancrée dans les esprits. Elle y installe en effet un grand nombre de mécanismes et de réflexes qui ont pour effet de la justifier et de la défendre. Ces réflexes, dont certains sont très anciens, d'autres plus récents, sont très variés et il est bon de les connaître pour pouvoir les identifier.
L'habitude de frapper les enfants pour les faire obéir n'était pas innée puisque certaines sociétés sans écriture n'y recourent pas. Mais quand les hommes, pour une raison que l'on ignore, ont commencé à y recourir dans toutes les plus anciennes civilisations, ils ont théorisé et justifié ce comportement sous forme de proverbes. Dans les sociétés où est née la Bible, ces proverbes ont été attribués à une inspiration divine, et sacralisés. C'est par eux qu'aujourd'hui encore les membres de certaines Eglises protestantes et les Témoins de Jéhovah justifient la violence éducative et s'opposent parfois à l'Etat lorsqu'il tente d'interdire de ce qu'ils appellent le "châtiment biblique". Dans les pays musulmans, l'habitude de frapper les enfants repose sur une tradition solidement établie et quasi sacrée. Ainsi, la "sagesse des nations" a préconisé partout pendant des millénaires de battre les enfants.
Le corollaire de cette forme de devoir éducatif est l'affirmation du respect dû aux parents, ce quatrième commandement sur lequel Alice Miller insiste dans ce livre, et que n'accompagne, dans les tables de la Loi, comme elle l'a fait aussi remarquer, aucune mention du respect dû à l'enfant.
Au contraire, l'idée que l'enfant porte la folie dans son coeur ou doit être dressé comme un animal est aussi inséparable de cette forme d'éducation. A l'époque chrétienne, à partir surtout de saint Augustin, lui-même victime de châtiments corporels, la notion fondamentale du péché originel devient une raison de plus de se méfier de l'enfant et de chercher à le corriger.
Une fois la violence éducative sacralisée, les parents idéalisés et les enfants diabolisés, la souffrance des enfants battus avec les meilleures intentions du monde par leurs parents et par leurs maîtres, s'installe pour des millénaires dans un angle mort de la vision des hommes. Elle correspond à un point aveugle de la rétine de leur esprit. Il est stupéfiant de voir que les écrivains et les philosophes, les plus grands esprits de leur temps, capables de si bien décrire les tourments et les passions des adultes et de s'apitoyer sur leur sort, n'ont en général pas dit un mot pendant des siècles, à de très rares exceptions près, de la souffrance des enfants qu'ils avaient pourtant tous les jours sous les yeux. Ils donnaient de la violence des hommes toutes sortes d'explications, mais jamais ne leur serait venue à l'esprit l'idée d'en voir au moins une des causes dans le fait que les premiers initiateurs de tous les enfants à la violence sont leurs propres parents.
On explique souvent cette indifférence à l'enfance et à ses souffrances par le taux de mortalité qui aurait anesthésié la compassion. Mais il est certainement plus juste de raisonner comme Elisabeth Badinter qui écrivait à propos des mères du XVIIIe siècle : "Ce n'est pas parce que les enfants mouraient comme des mouches que les mères s'intéressaient peu à eux. Mais c'est en grande partie parce qu'elles ne s'intéressaient pas à eux qu'ils mouraient en si grand nombre".
La cécité des écrivains et des philosophes aux souffrances des enfants a probablement pour cause l'aveuglement à leurs propres souffrances qui leur faisait considérer comme normales les brutalités qu'ils avaient eux-mêmes subies dans leurs premières années. Exactement comme aujourd'hui les gifles et fessées données aux enfants nous paraissent normales, comme ailleurs la bastonnade là où elle est couramment pratiquée. Exactement aussi comme paraissent parfaitement normales aux hommes et aux femmes, l'excision et la violence conjugale là où elles sont une tradition millénaire.
Il a fallu attendre le XVIe siècle avec Erasme et Montaigne, puis le XVIIIe et le XIXe avec la multiplication des romans et des récits autobiographiques inspirés par les Confessions de Rousseau, pour que les écrivains commencent à parler de la dureté de leur éducation, dans les écoles d'abord, puis, avec Jules Vallès, dans leur propre famille
Mais ce n'était encore qu'un fragile acquis car la violence éducative entretient et renouvelle sans cesse ses propres défenses, chaque génération d'enfants battus devenant une cohorte de défenseurs des punitions corporelles.
Chacun s'appuie sur sa propre expérience pour affirmer : "Les coups de pied au derrière que m'a donnés mon père m'ont fait beaucoup de bien". Pourtant, ces propos et la justification de la violence qu'ils sous-entendent, témoignent que leurs auteurs subissent encore une séquelle de base de la violence éducative, celle qui les amène à piétiner aux dépens des enfants le principe le plus universel de la morale : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse". Ainsi d'ailleurs qu'un autre principe qu'on a pourtant sans doute cherché à leur inculquer : "On ne s'attaque pas à un être plus petit que soi", principe dont ils ne voient pas le rapport avec le fait qu'un parent frappe un enfant.
L'amnésie est aussi un des grands moyens d'auto-défense de la violence éducative. Une grande partie de cette violence s'exerce avant l'âge de trois ans, période qui échappe à la mémoire consciente. Et celle-ci, peut-être pour nous en protéger, nous évite en général le rappel des souvenirs trop désagréables qui marquent les années suivantes. Beaucoup de gens dont on peut prouver qu'ils ont été frappés n'en ont aucun souvenir.
L'humiliation provoquée par le fait d'être battu (et donc coupable, comme se sent toujours cou
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bien que tu soit daccord avec ce que disent ces professionnels de l'enfance, il vaudrais peut-être résumer un peux leurs idées car les romans que tu nous sorts sont tout simplement illisibles tellement ils sont long.
Je ne te dis pas de faire des post de deux lignes mais évites de faires un simple copier-coller de ce que d'autres on dis.
et maintenant pour ne pas faire de flood je vais moi aussi dire mon avis.
Celon moi il faut différencier les enfants battus d'un enfant qui un jour s'est pris une féssé ou une gifle à cause d'une grosse bétise, il y a des moments ou les mots ne suffisent plus, pour certains ils donneront des coups de poings dans les murs (ça c'est moi) d'autres gifles leurs enfant puis leur explique après. Ceci doit rester rare, par exemple on ne gifle pas sont enfant parcequ'il pleure (déjà vu devant moi) ceci ne fera qu'agraver la situation et l'enfant pleureras encore plus.
Je suis contre le fait d'interdire totalement ce genre de chose, un parent qui s'enerve un peu et une chose qui doit rester privée devient publique et peux passer devant un tribunal
amicalement votre.
bien que tu soit daccord avec ce que disent ces professionnels de l'enfance, il vaudrais peut-être résumer un peux leurs idées car les romans que tu nous sorts sont tout simplement illisibles tellement ils sont long.
Je ne te dis pas de faire des post de deux lignes mais évites de faires un simple copier-coller de ce que d'autres on dis.
et maintenant pour ne pas faire de flood je vais moi aussi dire mon avis.
Celon moi il faut différencier les enfants battus d'un enfant qui un jour s'est pris une féssé ou une gifle à cause d'une grosse bétise, il y a des moments ou les mots ne suffisent plus, pour certains ils donneront des coups de poings dans les murs (ça c'est moi) d'autres gifles leurs enfant puis leur explique après. Ceci doit rester rare, par exemple on ne gifle pas sont enfant parcequ'il pleure (déjà vu devant moi) ceci ne fera qu'agraver la situation et l'enfant pleureras encore plus.
Je suis contre le fait d'interdire totalement ce genre de chose, un parent qui s'enerve un peu et une chose qui doit rester privée devient publique et peux passer devant un tribunal
amicalement votre.
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Burning je voulais dire que la non utilisation de la fessé marchait très bien dans les pays qui l'ont interdit. Voir plusieurs post avant, il y'a un très faible taux de délinquance, de suicide, de dépression, de consommation de stupéfiants, et d'accidents en tout genre.
Pas de soucis je laisse un lien résumons la pensée, c'est très mal car c'est un mauvais exemple pour l'enfant, une forme de perte de l'autorité, et un mensonge que de lui dire que c'est pour son bien. De plus ce n'est pas inné dans notre espèce mais issu de notre culture et du milieu, comme le prouve les expèriences plus haut. Elles incitent aussi à la colère et à un désir de vengeance refoulé qui refera surface plus tard. ça apprends aussi que la violence fait parti de l'amour, source de bien des perversion, ça dit aussi qu'il ne faut pas se défendre avant l'âge adulte, ça imprime dans l'enfant des argument illogique, je te frappe mais c'est pour ton bien. Vous voulez les inciter à ne pas les faire devenir délinquant pourtant vous l'êtes vous même envers eux en les giflant ou en les fessant. Il faut se faire respecter sans violence. Et bon le principe de je frappe d'abord et j'explique après, mouais pas terrible. Et c'est un coup intentionnelle contre une personne quant même.
Et bon leur dire si tu n'obéit pas t'aura une fessé, les entraine à la soumission et refoule leurs colère, pour mieux la faire ressortir plus tard. Quelle coïncidence d'ailleurs, tout ceux ici qui sont pour la fessé l'ont eux même reçu mais bon ça va enfin être bienôt illégal. Merci l'europe. On est bien capable de réussir ce que nos voisins européen ont réussi.
Cette loi n'aurait d'ailleurs pas pour objectif de " punir " mais d'informer. Les contrevenants se verraient aidés à évoluer dans leurs pratiques éducatives. Mais l'effort essentiel devrait porter sur la prévention, c'est-à-dire sur les soutiens pédagogiques à mettre en place pour aider parents et éducateurs à régler sans violence physique les conflits qui, forcément, tout au long des jours, les opposent aux enfants dont ils ont la charge.
C'est marrant vous avez tous les symptomes décrit par Alice Miller, lorsqu'on dit aucun chatiment corporels, vous devenez agressif. J'attend de voir la suite à ce propos, ce sera sûrement ce que je pense
C'est aussi un abus de pouvoirs, et un acte humiliant qui entraine la crainte qui peut uniquement apprendre aux enfants à être méfiant.
De plus les parents enseignent aux enfants qu'un conflit se résout par la violence.
Mais bon comme je l'ai dit avant l'interdiction de la fessé en Suède une grande parti de la population était contre, maintenant seulement 10%.
Les enfants qui ont subi la fessé, perpétue eux même la fessé quant ils ont à leur tour des enfants, sans se rendre compte qu'ils se vengent en vérité de leurs propre souffrance.
De plus le cerveau se structure quant on est enfant, et garde l'"empreinte" des fessé et des gifles et surtout le mode de fonctionnement, tu m'obéit ou je frappe.
Je base mes propos sur des propos de professionel comme je l'ai dit. La fessé et la gifle est reconnu comme de la maltraitance par l'UNICEF.
il n'y a pas de bonnes fessé. Lorsqu'e vous le faites c'est souvent sous le coup de la colère.
C'est prouvé néfaste par de plus en plus d'étude scientifique.
voila des liens http://www.decennie.org/print.php?sid=145
http://www.non-violence.org/spip.php?article22
http://www.coe.int/t/f/projets_integres ... ldrenF.asp
http://www.alice-miller.com/index_fr.php
Mais j'en reviens pas que l'on discute si on doit oui ou non
faire des châtiment corporels aux enfants c'est complétement horrible.
De plus c'est même argument que les enfants maltraité, ça nous à recadrés, ça nous à endurcit.
Pas de soucis je laisse un lien résumons la pensée, c'est très mal car c'est un mauvais exemple pour l'enfant, une forme de perte de l'autorité, et un mensonge que de lui dire que c'est pour son bien. De plus ce n'est pas inné dans notre espèce mais issu de notre culture et du milieu, comme le prouve les expèriences plus haut. Elles incitent aussi à la colère et à un désir de vengeance refoulé qui refera surface plus tard. ça apprends aussi que la violence fait parti de l'amour, source de bien des perversion, ça dit aussi qu'il ne faut pas se défendre avant l'âge adulte, ça imprime dans l'enfant des argument illogique, je te frappe mais c'est pour ton bien. Vous voulez les inciter à ne pas les faire devenir délinquant pourtant vous l'êtes vous même envers eux en les giflant ou en les fessant. Il faut se faire respecter sans violence. Et bon le principe de je frappe d'abord et j'explique après, mouais pas terrible. Et c'est un coup intentionnelle contre une personne quant même.
Et bon leur dire si tu n'obéit pas t'aura une fessé, les entraine à la soumission et refoule leurs colère, pour mieux la faire ressortir plus tard. Quelle coïncidence d'ailleurs, tout ceux ici qui sont pour la fessé l'ont eux même reçu mais bon ça va enfin être bienôt illégal. Merci l'europe. On est bien capable de réussir ce que nos voisins européen ont réussi.
Cette loi n'aurait d'ailleurs pas pour objectif de " punir " mais d'informer. Les contrevenants se verraient aidés à évoluer dans leurs pratiques éducatives. Mais l'effort essentiel devrait porter sur la prévention, c'est-à-dire sur les soutiens pédagogiques à mettre en place pour aider parents et éducateurs à régler sans violence physique les conflits qui, forcément, tout au long des jours, les opposent aux enfants dont ils ont la charge.
C'est marrant vous avez tous les symptomes décrit par Alice Miller, lorsqu'on dit aucun chatiment corporels, vous devenez agressif. J'attend de voir la suite à ce propos, ce sera sûrement ce que je pense
C'est aussi un abus de pouvoirs, et un acte humiliant qui entraine la crainte qui peut uniquement apprendre aux enfants à être méfiant.
De plus les parents enseignent aux enfants qu'un conflit se résout par la violence.
Mais bon comme je l'ai dit avant l'interdiction de la fessé en Suède une grande parti de la population était contre, maintenant seulement 10%.
Les enfants qui ont subi la fessé, perpétue eux même la fessé quant ils ont à leur tour des enfants, sans se rendre compte qu'ils se vengent en vérité de leurs propre souffrance.
De plus le cerveau se structure quant on est enfant, et garde l'"empreinte" des fessé et des gifles et surtout le mode de fonctionnement, tu m'obéit ou je frappe.
Je base mes propos sur des propos de professionel comme je l'ai dit. La fessé et la gifle est reconnu comme de la maltraitance par l'UNICEF.
il n'y a pas de bonnes fessé. Lorsqu'e vous le faites c'est souvent sous le coup de la colère.
C'est prouvé néfaste par de plus en plus d'étude scientifique.
voila des liens http://www.decennie.org/print.php?sid=145
http://www.non-violence.org/spip.php?article22
http://www.coe.int/t/f/projets_integres ... ldrenF.asp
http://www.alice-miller.com/index_fr.php
Mais j'en reviens pas que l'on discute si on doit oui ou non
faire des châtiment corporels aux enfants c'est complétement horrible.
De plus c'est même argument que les enfants maltraité, ça nous à recadrés, ça nous à endurcit.
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- Soldate farouche
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Non.Les enfants qui ont subi la fessé, perpétue eux même la fessé quant ils ont à leur tour des enfants, sans se rendre compte qu'ils se vengent en vérité de leurs propre souffrance.
Les éducateurs spécialisés sont capables de dire tout et son contraire l'an d'après ...Je base mes propos sur des propos de professionel comme je l'ai dit.
Donc, chacun fait ce qu'il veut, mais pitié, ne nous impose pas ta pensée par des textes de cent mille ligne rédhibitoires.
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- Guerrière acharnée
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Mais il n'y a pas que des éducateurs, il y'a aussi des pédopsychiatre, des psychologue, des chercheurs au CNRS.
Et la plupart affirment les même choses depuis plus de 10 ans, voir 20 ans pour certains, se basant sur des observation, des études et sur l'histoire. Je ne suis pas d'accord avec eux par exemple quant ils disent aux enfants qui ont été maltraité qu'il faut pardonner aux parents et continuer à les revoir. Il y'en à qui aiment par leurs enfant et qui s'en fichent et qui ne veulent même plus les revoir.
Et bon chacun fait ce qu'il veut, on enseigne aux enfants l'inverse il me semble, qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Et certaines envie sont réprimés par la loi à juste titre, comme le meurtre, ou le vol et d'autres à mauvais titre comme l'interdiction de fumer dans les lieux publique. enfin la c'est mon opinion.
Je n'impose pas ma pensée, qui est celle sur ce coup la d'autres personnes, je crois qu'il faut que les gens prennent conscience d'eux même et des dégats que ça leur à causé et que ça cause aux enfants, donc il faut aider les parents et les enfants, et faire des préventions dans les écoles, mettre les gens au courant des effets néfaste. Cela doit se faire lentement et progressivement
C'est le principe de la loi en discussion au conseil de l'europe. Je rappelle que la France est hors la loi, ce qui est déjà arrivé, car c'est un non respect du droit international des enfants et de la charte sociale européenne.
Cela marche très bien en Suède, au Danemark, ça commence à donner de bons résultat en Roumanie, en Italie aussi, en Allemagne et en République Tchèque et à Chypre.
Théoriquement c'est même interdit en France comme vous pouvez le voir la http://www.pierre-brice.com/profdedroit/fessee.php3/ mais il y'a une sorte de jurisprudence pour l'instant.
Et la plupart affirment les même choses depuis plus de 10 ans, voir 20 ans pour certains, se basant sur des observation, des études et sur l'histoire. Je ne suis pas d'accord avec eux par exemple quant ils disent aux enfants qui ont été maltraité qu'il faut pardonner aux parents et continuer à les revoir. Il y'en à qui aiment par leurs enfant et qui s'en fichent et qui ne veulent même plus les revoir.
Et bon chacun fait ce qu'il veut, on enseigne aux enfants l'inverse il me semble, qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Et certaines envie sont réprimés par la loi à juste titre, comme le meurtre, ou le vol et d'autres à mauvais titre comme l'interdiction de fumer dans les lieux publique. enfin la c'est mon opinion.
Je n'impose pas ma pensée, qui est celle sur ce coup la d'autres personnes, je crois qu'il faut que les gens prennent conscience d'eux même et des dégats que ça leur à causé et que ça cause aux enfants, donc il faut aider les parents et les enfants, et faire des préventions dans les écoles, mettre les gens au courant des effets néfaste. Cela doit se faire lentement et progressivement
C'est le principe de la loi en discussion au conseil de l'europe. Je rappelle que la France est hors la loi, ce qui est déjà arrivé, car c'est un non respect du droit international des enfants et de la charte sociale européenne.
Cela marche très bien en Suède, au Danemark, ça commence à donner de bons résultat en Roumanie, en Italie aussi, en Allemagne et en République Tchèque et à Chypre.
Théoriquement c'est même interdit en France comme vous pouvez le voir la http://www.pierre-brice.com/profdedroit/fessee.php3/ mais il y'a une sorte de jurisprudence pour l'instant.
Bon, je crois quand même que tout le monde est d'accord ici pour dire que le but n'est pas de faire du mal aux gosses, et le premier qui soutiendrait le contraire serait lynché sur la place public. Après, est-il vraiment plus destructeur pour un enfant de se prendre trois claques méritées dans sa jeunesse ou d'être insolent et incapable d'obéir à une autorité quelconque ? Sans tomber dans la caricature, je regrette parfois que mes parents ne m'aient pas posé d'ordres clairs, et qu'ils aient toujours choisi la négociation et la conciliation. Dans sa jeunesse, on ne peut pas savoir ce qui est bon ou mauvais, et il est bon d'apprendre qu'on n'a pas toujours le choix, qu'il faut parfois accepter sans poser de questions. Face à un caprice, il n'est pas toujours possible de mettre un hola, lorsque l'enfant crie, inutile de crier plus fort. Sa conscience des autres n'étant pas assez développée pour qu'il tienne compte de ses parents, il faut parfois le calmer par la force. Une claque n'a jamais tué ni traumatisé personne, contrairement à des fessées répêtées ou, pire sans doute, à une humiliation aussi discrête que constante. Ca, par contre, c'est un comportement qui laissera à jamais des séquelles à un jeune, un ado, un adulte.
Comme tu le fais remarquer, eragon06, ce sont des chercheurs, des gens qui dépendent de leur hiérarchie, de ceux qui payent leurs recherches ou les éditent. Par conséquent, il est plus facile de débattre sur des principes consensuels, évidents, politiquement corrects, diraient d'autres. Tout le monde est évidement révolté par les enfants souffrants de mauvais traitements ; c'est malgré tout un extrème, et la majorité des personnes qui ont répondu à ce sondage ne comptent pas en arriver et ne prévoient de le faire que de façon exceptionnelle, sans céder à la colère.
Comme tu le fais remarquer, eragon06, ce sont des chercheurs, des gens qui dépendent de leur hiérarchie, de ceux qui payent leurs recherches ou les éditent. Par conséquent, il est plus facile de débattre sur des principes consensuels, évidents, politiquement corrects, diraient d'autres. Tout le monde est évidement révolté par les enfants souffrants de mauvais traitements ; c'est malgré tout un extrème, et la majorité des personnes qui ont répondu à ce sondage ne comptent pas en arriver et ne prévoient de le faire que de façon exceptionnelle, sans céder à la colère.
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- Soldate farouche
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Parce que bien sûr, tu le fais de gaieté de coeur, mettre une fessée ou une claque ?
Entre une fessée/claque et la maltraitance, il y à un MONDE.
Et comparer le meurtre et la fessée, chapeau ...
Entre une fessée/claque et la maltraitance, il y à un MONDE.
Et comparer le meurtre et la fessée, chapeau ...
C'est sûr, quand l'enfant à moins de dix ans, il peut savoir ce qui est bien et pas.Je rappelle que la France est hors la loi, ce qui est déjà arrivé, car c'est un non respect du droit international des enfants et de la charte sociale européenne.
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- Guerrière acharnée
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C'était une image Burning pour le meurte, ce que je veut dire c'est qu'on ne fait pas ce que l'on veut, ce qu'on dit souvent aux enfants.
Par contre oui la fessée et la claque je considère ça comme de la maltraitance, une atteinte à l'intègrité morale et physique de l'enfant.
La claque est encore plus horrible.
Bien sûr ce n'est pas toujours de la faute aux parents, il se peut que l'enfant est un problème psychologique ou mental.
Quant à ce qui est bien et ce qui est mal, c'est très relatif selon la culture et la famille.
Il y'a quant même une grande partie des parents français qui ont recours à la fessé ou à la gifle ne vous étonner pas que le pays aille mal après. Vous verrez vous finirait par êtres contre la fessé, cela à été le même cas dans les pays ou on l'a interdit.
Par contre oui la fessée et la claque je considère ça comme de la maltraitance, une atteinte à l'intègrité morale et physique de l'enfant.
La claque est encore plus horrible.
Bien sûr ce n'est pas toujours de la faute aux parents, il se peut que l'enfant est un problème psychologique ou mental.
Quant à ce qui est bien et ce qui est mal, c'est très relatif selon la culture et la famille.
Il y'a quant même une grande partie des parents français qui ont recours à la fessé ou à la gifle ne vous étonner pas que le pays aille mal après. Vous verrez vous finirait par êtres contre la fessé, cela à été le même cas dans les pays ou on l'a interdit.
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- Soldate farouche
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Ah. Et donc, le rapport entre le meurtre et une claque ?C'était une image Burning pour le meurte, ce que je veut dire c'est qu'on ne fait pas ce que l'on veut, ce qu'on dit souvent aux enfants.
En vertu de quoi ?Par contre oui la fessée et la claque je considère ça comme de la maltraitance, une atteinte à l'intègrité morale et physique de l'enfant.
La claque est encore plus horrible.
Je suis totalement d'accord, si mon gamin à un problème mental, j'vais lui mettre de grandes claques dans la tronche, il l'aura bien mérité ce p'tit con !Bien sûr ce n'est pas toujours de la faute aux parents, il se peut que l'enfant est un problème psychologique ou mental.
C'est vrai ! L'économie, le chômage, tout ça c'est du pipi de chat à côté d'un gamin qui se prend une baffe parce qu'il a brûlé le chat pour rigoler.Quant à ce qui est bien et ce qui est mal, c'est très relatif selon la culture et la famille.
Il y'a quant même une grande partie des parents français qui ont recours à la fessé ou à la gifle ne vous étonner pas que le pays aille mal après.
Je reste pour, uniquement si c'est TREEEES mérité. (Et bien sûr, dans un cadre uniquement entre adultes consentants, mais là n'est pas le débat.)Vous verrez vous finirait par êtres contre la fessé, cela à été le même cas dans les pays ou on l'a interdit.
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Mais aucuns rapport Burning c'était une image.
Mais tu n'as pas le droit de faire ça aux adultes, pourquoi il y'aurait le droit aux enfants?
Ce que je veut dire c'est que les pays ayant bannis tout chatiment corporels ont une meilleur situation économique et moins de chômage, ainsi que moins de dépression, d'alcoolisme et de délinquance.
Mais tu n'as pas le droit de faire ça aux adultes, pourquoi il y'aurait le droit aux enfants?
En vertu du droit international des enfants , des textes européen et des nombreuses étude prouvant sa nocivité.En vertu de quoi ?
C'est ironique j'espère, mais ça peut nécessiter un suivi chez un pédopsychiatre et une thérapie ainsi qu'un traitement. Voir une hospitalisation si le trouble est vraiment grave, il existe des hôpitaux pédopsychiatrique en France. Il y'a des enfants présentant de graves troubles tu en as toute une liste la http://fr.wikipedia.org/wiki/Classifica ... adolescentJe suis totalement d'accord, si mon gamin à un problème mental, j'vais lui mettre de grandes claques dans la tronche, il l'aura bien mérité ce p'tit con !
C'est vrai ! L'économie, le chômage, tout ça c'est du pipi de chat à côté d'un gamin qui se prend une baffe parce qu'il a brûlé le chat pour rigoler.
Ce que je veut dire c'est que les pays ayant bannis tout chatiment corporels ont une meilleur situation économique et moins de chômage, ainsi que moins de dépression, d'alcoolisme et de délinquance.
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- Soldate farouche
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Si ils ne sont pas appliqués, c'est peut être parce que pour les études, on trouve tout et son contraire. Les textes europées ne sont pas forcément dans la bonne voie, combien de pays ne les appliquent pas ?En vertu du droit international des enfants , des textes européen et des nombreuses étude prouvant sa nocivité.
Nan nan.C'est ironique j'espère
Nan mais je vois pas le rapport entre les claques et les troubles ?
Ca n'est bien sûr absolument pas lié à d'autres facteurs économiques. Non, j'en conviens, si tu mets un jours une baffe à ton enfant, il deviendra dictateur ...Ce que je veut dire c'est que les pays ayant bannis tout chatiment corporels ont une meilleur situation économique et moins de chômage, ainsi que moins de dépression, d'alcoolisme et de délinquance.
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- Guerrière acharnée
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Euh c'est grave la
Le rapport c'est que si un enfant est vraiment trop turbulent, qu'il arrête pas de voler et de faire des conneries il peut avoir des troubles mentaux qui nécessite des soins.
Le rapport c'est que si un enfant est vraiment trop turbulent, qu'il arrête pas de voler et de faire des conneries il peut avoir des troubles mentaux qui nécessite des soins.
C'est lié évidemment à d'autres facteurs mais ça à fortement contribué. Euh n'éxagérons pas quant même pour le dictateur, mais bon ça laissera une trace dans sa mémoire et des dégats.Ca n'est bien sûr absolument pas lié à d'autres facteurs économiques. Non, j'en conviens, si tu mets un jours une baffe à ton enfant, il deviendra dictateur ...
Pas assez malheureusement. Mais ils sont souvent dans la bonne direction. Quant aux étude j'ai pas vraiment réussi à en trouver des plus favorable aux chatiment corporels. Elles ont quant même été faites par des gens renommé, et elles concordent souvent. Il y'a des exemples à assez grande échelles sur qui ça à marchait et ça continue de marcher.Si ils ne sont pas appliqués, c'est peut être parce que pour les études, on trouve tout et son contraire. Les textes europées ne sont pas forcément dans la bonne voie, combien de pays ne les appliquent pas ?